LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Quel est l’enjeu de la fusion entre Teva et ratiopharm ?
HUBERT OLIVIER.- Avant tout, au niveau français, un enjeu de complémentarité. Nous avons la chance d’avoir deux entreprises parfaitement complémentaires. Ma priorité a été de faire en sorte que, dès le 1er octobre, nous puissions apporter à tous les clients des deux entreprises cette complémentarité. Complémentarité des gammes, d’abord : nous proposons dès maintenant la gamme de génériques la plus large du marché ; complémentarité des équipes également, en faisant en sorte que la relation client, telle qu’elle existe, puisse continuer, sans être perturbée par ce rapprochement.
Quelles sont les conséquences pratiques de cette fusion pour les pharmaciens ?
Depuis le début du mois, chacun des délégués pharmaceutiques, Teva ou ratiopharm, est en mesure de présenter aux pharmaciens la gamme complète des marques Teva et ratiopharm, et de leur proposer dès maintenant, s’ils le souhaitent, de passer commande des compléments de gamme auxquels ils n’avaient pas accès jusqu’alors.
Les deux marques vont-elles perdurer malgré la fusion ?
Absolument. Cette décision répond à la fois aux attentes des officinaux en France et s’inscrit dans une logique européenne. Les deux marques ont chacune une belle histoire en France et leurs propres caractéristiques. Ma décision a été très claire : laisser à tous ceux qui ont fait le choix de l’une ou l’autre marque la possibilité de rester sur ce choix, et à toux ceux qui vont vouloir venir vers nous de choisir la marque qui convient le mieux à leur propre stratégie générique dans leur officine.
Les conditions commerciales vont-elles rester les mêmes ?
Tout à fait. Nos clients vont pouvoir rajouter dans leurs commandes les compléments de gamme qu’ils trouvent dans l’autre marque, aux mêmes conditions que celles dont ils bénéficient actuellement avec leur marque principale.
Comment allez-vous gérer les doublons et la complémentarité des gammes ?
Pour nous, il n’y a pas de doublon. C’est une question d’organisation industrielle. La capacité du groupe à s’organiser au niveau de ses usines nous permet de rendre toutes les grandes molécules disponibles, sous la marque Teva ou ratiopharm. Notre choix n’a pas été d’imposer une stratégie industrielle à nos clients, mais au contraire d’offrir une compétence industrielle au service de nos clients. C’est une démarche inverse de ce qui se pratique souvent lors d’une fusion.
Où vont se situer désormais les unités de fabrication ?
95 % de nos produits sont fabriqués en France ou dans l’Union européenne, comme pour l’ensemble des génériques que l’on trouve sur le marché français. Nous avons 8 sites industriels côté Teva et 2 sites côté ratiopharm, tous situés en Europe, dont un en France.
Et concernant les matières premières ?
Les matières premières sont des principes actifs fabriqués par Teva, ou par des fabricants spécialisés, comme c’est le cas pour l’ensemble des laboratoires, qu’ils soient princeps ou génériques. Nos usines bénéficient des standards de qualité les plus élevés, correspondant aux exigences de qualité des agences américaines, européennes et, bien sûr, françaises.
Après la fusion, à quel rang se place aujourd’hui la nouvelle entité, en France, en Europe et dans le monde ?
Teva et ratiopharm sont leaders au niveau mondial et européen, et troisième en France. Le générique est un métier complexe. Il faut être capable d’être performant sur les thématiques de brevet pour faire en sorte que les génériques arrivent le plus tôt possible dans les officines, il faut avoir les meilleurs coûts de production pour être compétitif et aussi être capable d’accompagner les officinaux dans l’évolution de leur métier. Pour cela, il faut pouvoir disposer d’équipes capables de travailler avec nos partenaires, les pharmaciens, les groupements et les grossistes répartiteurs. On ne peut y arriver que lorsqu’on atteint une certaine taille, au niveau industriel et commercial. C’est le cas du nouvel ensemble.
Justement, allez-vous modifier vos relations et vos accords passés avec les groupements ?
Nous n’allons en aucun cas les modifier. Pratiquement tous les grands groupements, nationaux ou régionaux, sont des partenaires de Teva et de ratiopharm, et nous allons au contraire renforcer notre partenariat avec eux. Ils sont moteurs non seulement du développement des génériques, qui est loin d’être abouti, mais aussi moteur de l’évolution du métier. Notre ambition est de les aider dans ce rôle fondamental, à un moment où l’environnement économique de l’officine est difficile.
Comptez-vous étendre les gammes génériques conseil ?
Nous sommes déjà présents dans le générique conseil, avec une gamme Teva et une gamme ratiopharm. C’est un marché qui reste encore assez confidentiel. Il faut le développer avec les officinaux, notamment dans le cadre du libre accès, et avec le grand public, pour faire émerger l’idée que le générique est à la fois, pour les produits prescrits et remboursés, un acte qui permet de faire faire des économies à l’assurance-maladie, mais également, au niveau individuel, un acte d’achat consommateur permettant d’avoir accès à une même qualité de traitement OTC, mais moins cher. Nous avons les bases industrielles et les gammes pour le faire, reste un gros travail de communication, que nous allons entamer dès 2011.
L’hypothèse de la mise en place d’un TFR pour les génériques de plus de quatre ans vous inquiète-t-elle ?
C’est un sujet complexe et je ne veux pas me mettre à la place des représentants de la profession sur la question cruciale et urgente de la rémunération. Le TFR est à manier avec beaucoup de précaution. Mais je vais prendre la question sous un autre angle. Je crois que, aujourd’hui, on peut être inquiet de l’érosion du taux de substitution. Nous étions arrivés, fin 2009, à un taux dépassant les 75 %, et sur les molécules prioritaires, nous étions à 80 ou 85 %. En 2010, nous constatons un phénomène inverse. Il n’y a aucune raison à ce renversement de tendance. Je vais prendre trois exemples. Le fentanyl : ratiopharm a tout fait pour développer ce marché ; force est de constater que, face aux actions mises en place côté princeps, nous n’avons pas réussi. Deuxième exemple, le perindopril et le perindopril-indapamide : les officinaux ont été confrontés à un travail impossible au comptoir. Comment justifier que le dosage entre le nouveau princeps et le générique ne soit pas le même ? Troisième exemple, le clopidogrel : aujourd’hui, sur cette molécule, la part du générique stagne à 60 %, alors qu’il n’y avait, a priori, aucune raison de ne pas viser un taux de 80 ou 85 %. Nous avons fait un chiffrage pour voir ce que cela représente. En prenant seulement les trois molécules que je viens de citer (perindopril, perindopril-indapamide et clopidogrel), si la substitution avait atteint un taux raisonnable, de l’ordre de 80 %, l’économie supplémentaire pour l’assurance-maladie aurait été de 150 millions d’euros, et la marge supplémentaire pour le circuit officinal aurait été de 15 millions d’euros. Quand on connaît à la fois la situation des comptes de l’assurance-maladie et la situation économique de l’officine, on ne peut pas accepter ce blocage. On ne peut pas accepter non plus que l’érosion du répertoire continue. On peut considérer, aujourd’hui, qu’il y a un taux de 10 à 15 points de progression possible, correspondant là encore à 150 millions d’euros d’économies supplémentaires pour l’assurance-maladie et 15 millions d’euros de marge supplémentaire pour l’officine. De même, il y a aujourd’hui un besoin urgent que l’assurance-maladie puisse mettre en place un système pour mesurer le nombre de mentions « non substituable » (NS) sur les ordonnances, tout comme elle a mesuré, avec succès, la progression des génériques.
Pour revenir au TFR, est-ce pour vous une hypothèse inquiétante ?
Oui, c’est inquiétant. Si c’est une mesure ponctuelle pour financer immédiatement une rémunération complémentaire, pourquoi pas ? Mais attention, cela ne peut se faire que si c’est un dispositif unique et qui s’effectue dans un contexte général de relance du générique. Les pouvoirs publics ont aujourd’hui l’obligation de relancer une politique générique plus visible, d’agir sur le NS, de faire en sorte que les changements de dosage entre un princeps et ses génériques ne soient pas possibles, et que l’on redonne un contexte général aux officinaux pour revenir à un taux de substitution global de 75, 80, voire 85 %. C’est, je le répète, un enjeu considérable pour l’assurance-maladie et pour la marge de l’officine.
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