« FAUT-IL créer un groupe générique du paracétamol ? C’est un sujet qui dépasse le champ de compétence de l’Agence », explique sérieusement François Hébert, directeur général adjoint chargé des opérations de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cette réponse, fournie lors de la présentation des projets 2014 de l’Agence, mercredi dernier, est pour le moins étonnante. Car c’est bien elle qui a initié une procédure, en décembre dernier, visant à inscrire un groupe de formes orales sèches de paracétamol au répertoire des génériques (500 et 1 000 mg). L’initiative est intervenue quelques mois après que l’Autorité de la concurrence en a fait la suggestion dans son document de consultation publique sur la concurrence dans le secteur de la distribution du médicament en ville. L’ANSM s’est fendue d’un courrier aux deux laboratoires concernés, Sanofi (pour Doliprane) et BMS-Upsa (pour Efferalgan et Dafalgan), qui doivent lui répondre d’ici au 6 février. Jusqu’alors ces trois spécialités bénéficiaient d’une exception à la politique générique habituelle afin de maintenir la fabrication en France et donc les emplois. Car l’usine d’Agen de BMS compte actuellement 1 400 salariés et génère 3 300 emplois indirects. Chez Sanofi, on parle de 580 postes menacés. Or le paracétamol est la molécule la plus vendue en France (500 millions de boîtes par an), Sanofi et BMS détenant plus de 80 % du marché national face à une quinzaine de génériqueurs. Doliprane, produit leader, totalise à lui seul des revenus de 250 millions d’euros en 2013 pour 240 millions de boîtes, dont 190 millions sur prescription.
Aucune concertation.
Pour éviter l’inscription au répertoire, d’autres solutions ont été envisagées, mais aucune ne convient véritablement. Christian Lajoux, président de Sanofi France, évoque le déremboursement, même si la solution est imparfaite. Doliprane est actuellement le 5e médicament le plus remboursé (276 millions d’euros par l’assurance-maladie, 117 millions d’euros par les mutuelles). Un déremboursement signifierait néanmoins la liberté de fixation de son prix par le laboratoire, mais Christian Lajoux prévoit dans ce cas la négociation d’un couloir de prix avec le gouvernement. L’idée de l’autogénérique n’est pas complètement balayée par Sanofi, mais ne permettrait pas de baisser davantage le prix, à moins de délocaliser la production en Inde… Chez BMS, il n’est pas question de s’autogénériquer, ce n’est pas dans la politique du laboratoire. Enfin, la possibilité de passer des accords avec des façonniers français, non seulement ne garantit pas de pouvoir baisser le prix, mais en cas d’inscription au répertoire, ces derniers ne seraient pas en mesure de faire face à la demande des génériqueurs, selon BMS.
« La méthode nous a choqués parce qu’il n’y a eu aucune concertation avec les autres autorités. Nous étions en négociation avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) et l’assurance-maladie et aucun n’était au courant. Et ce, alors même que les négociations nous ont conduits à un accord pour participer davantage aux économies de l’assurance-maladie », explique Benoît Gallet, vice président des affaires publiques chez BMS. En effet, Sanofi et BMS ont validé le fait d’aligner leur prix sur celui des génériques, soit une boîte à 0,82 euro en prix fabricant hors taxe (PFHT) contre 0,86 euro actuellement, donc un prix public de 1,90 euro (au lieu de 1,95 euro).
En attendant, le projet inquiète. Les salariés de BMS et de Sanofi amplifient leur mobilisation. Le 11 janvier, plus de 2 000 personnes se sont rassemblées à Agen sur le site de BMS Upsa pour défendre les emplois. Mercredi dernier, ils rencontraient, pour les uns le préfet de leur région, pour les autres, les élus locaux. Une manifestation était d’ailleurs organisée samedi dernier par les syndicats de Sanofi, à Lisieux (Calvados), Amilly (Loiret) et Compiègne (Oise). Des élus Normands seront reçus, demain mardi, au ministère de la Santé et des Affaires sociales, dans l’espoir de faire tomber ce projet. Jeudi, à l’issue d’un comité central d’entreprise au siège de BMS Upsa, les représentants de l’intersyndicale ont été reçus au ministère du Redressement productif. Le directeur de cabinet s’est engagé à recontacter les ministères concernés, et même le Premier ministre et la présidence de la République et leur a annoncé « une décision rapide ».
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %