LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Le plan d’économies récemment présenté par le gouvernement n’épargne pas le générique. Que vous inspire la perspective de nouvelles baisses de prix ?
PASCAL BRIÈRE.- De la stupeur ! Cette perspective est un véritable désastre, aussi bien pour l’industrie du générique que pour les officinaux. Je dis bien pour les deux, car nous sortons de deux années successives qui ont vu successivement 180 millions d’euros et 250 millions d’euros de baisses de prix rien que sur le générique. Des baisses opérées au motif que le dispositif tiers payant contre générique générait des volumes. Alors qu’au premier trimestre de cette année, où on observe déjà une diminution des volumes génériques de 2 %, on nous impose encore 250 millions de baisses sur les prix ! Nous serons incapables de les supporter. J’insiste là-dessus : aujourd’hui on met deux réseaux en péril : l’industrie de fabrication française et européenne, et le maillage officinal. Baisser encore le prix du générique, qui est déjà largement en dessous de son prix plancher sans hausse forte des volumes, cela correspond pour nous à une déclaration de guerre.
L’accord tiers payant contre générique avait tout de même produit ses effets, au moins jusqu’à la fin du premier semestre 2013…
Oui, mais depuis juillet dernier, le marché est véritablement à l’arrêt. Ce qui prouve bien que pour nous, les laboratoires de médicaments génériques, le sujet n’est pas de renégocier une nouvelle convention avec la CNAM, ni de baisser les prix des génériques. L’objectif est plutôt d’en finir définitivement avec cette singularité française qui consiste à avoir un marché à 60 % en volume de médicaments non concurrencés par les génériques et à seulement 40 % dans le périmètre du générique. Alors même qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas le marché générique atteint les 70 %. Le problème est véritablement là, le reste n’est que conjecture.
Parallèlement, la ministre de la Santé a déclaré qu’elle souhaitait encourager le développement du générique. Savez-vous par quels moyens ?
Absolument pas. Je ne vois pas comment elle pourrait tenir cet engagement sans contraindre la prescription puisque, à ma connaissance, aucune solution structurelle n’est aujourd’hui proposée dans ce sens.
Quels moyens, selon vous, devrait-on engager ?
S’il existe un embryon de solution, c’est celui de la communication, une piste déjà annoncée. Mais cela ne suffira pas. Car, aujourd’hui, on est proche du maximum en terme de taux de substitution. Une bonne campagne ferait gagner 1 ou 2 % de substitution en plus, un résultat marginal, économiquement parlant. Le vrai problème à régler est la sous-utilisation du générique au niveau de la prescription. Le pharmacien et les industriels sont en bout de chaîne, ils ne peuvent guère plus agir. En effet, on peut lancer tous les génériques du monde, si les médecins continuent de prescrire massivement certains princeps, en lieu et place de spécialités substituables, conseillées en troisième et dernière intention pour leurs indications, tous ces efforts sont réduits à néant. Cet état de fait montre bien que le système est totalement perverti ! Il faut agir sur les médecins. Nous considérons que l’incitation a montré ses limites. La ROSP (NDLR, Rémunération sur Objectif de Santé Publique) n’est qu’un moyen pour transférer une rémunération aux médecins sans que les objectifs médicamenteux soient remplis. Nous devons passer à des mesures plus restrictives en matière de prescription, en ville et à l’hôpital.
Concrètement, à quels types de contraintes pensez-vous ?
Il faut s’inspirer de l’exemple Allemand où les médecins se voient proposés des objectifs comparables à ceux des pharmaciens français en matière de substitution. À l’intérieur des classes thérapeutiques, les médecins ont un objectif de prescription pour certaines molécules. Prenez l’exemple de la classe des statines, ils doivent prescrire 80 % de simvastatine ou de pravastatine. S’ils sont à plus de 25 % en dessous de ces objectifs de prescription, ils ont une pénalisation financière.
Sur la base de ce modèle, je suis convaincu que si nous combinions l’objectif de substitution générique pour les pharmaciens, à un objectif de prescription à l’intérieur du répertoire pour les prescripteurs, c’est 2 milliards d’euros d’économies supplémentaires que nous pourrions réaliser chaque année en France. Et ce, sans baisse de prix et sans affaiblir l’outil industriel. Le pharmacien français fait un travail remarquable et demeure la clé de voûte du générique, mais encore faut-il que la prescription lui permette de mettre en œuvre ses efforts.
Qu’attendez-vous de la campagne de communication envisagée par les pouvoirs publics en faveur du générique ?
Elle est importante, et je vous l’ai dit, c’est l’une des solutions au problème. Mais si la campagne envisagée n’est pas soutenue par le corps médical, elle risque d’être assez facilement battue en brèche par quelque action médiatique… Nous l’appelons de nos vœux depuis si longtemps, mais je pense qu’elle doit partir des professionnels de santé, à savoir les médecins et les pharmaciens. Parce qu’eux seuls ont la capacité et la légitimité de convaincre. Une campagne qui ne les associerait pas aura des effets limités.
La fixation du nouveau taux de remise générique est encore en discussion. Quel serait selon vous le taux acceptable, aussi bien pour l’industrie que pour l’officine ?
Le dispositif légal actuel est incomplet. Il est dangereux à la fois pour les fabricants et les pharmaciens. Nous attendons un encadrement plus strict du dispositif légal avant que ce taux ne soit arrêté. D’autre part, nous demandons une parfaite visibilité sur les conséquences que ce nouveau taux pourrait avoir sur la répartition pharmaceutique. Cette dernière pourrait en effet se trouver très fortement impactée par l’augmentation du taux de remises.
Vous ne me répondez pas quant au niveau de ce taux ?
Nous sommes favorables à la transparence, mais ne souhaitons pas parler de niveau, parce que nous considérons que nous n’en sommes pas encore là. Comprenez-moi. La situation, telle qu’elle se dessine, est celle d’un déplafonnement sur facture qui va se traduire par la privation pour l’officine de l’intégralité des prestations de services (légales, je le rappelle) aujourd’hui support du réseau officinal. Actuellement, il y a une forte probabilité sur le fait que les remises seront ensuite rapidement et massivement transférées à l’État. Dans le contexte du déficit public actuel, ce n’est pas illogique. Comme vous le voyez, l’enjeu est trop sérieux pour l’officine pour aller trop vite et les négociations en cours nous paraissent dangereuses. Il faut faire une pause et prendre du recul.
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