LE LIBRE ACCÈS va souffler ses deux bougies en juillet prochain. On peut se demander si cette nouvelle proposition en pharmacie a convaincu les consommateurs et si elle commence à entrer dans les mentalités. Pour le savoir, le GERMS (Groupe d’études et de recherche en marketing santé) de l’université Pierre et Marie Curie a renouvelé son enquête menée l’an dernier auprès des clients d’officines (voir le « Quotidien » du 16 mars 2009). Entre décembre 2009 et janvier 2010, 511 personnes ont donc livré leur point de vue sur ce sujet, invités à répondre aux questions en direct ou par le biais d’Internet (notamment via le site Facebook).
En premier lieu, ils se sont prononcés sur leur approche de l’automédication. Elle est pratiquée, avec plus ou moins de conviction, par 85 % des clients inclus dans l’enquête. Ils sont plus de la moitié (53 %) à acheter une à quatre fois par an des médicaments sans ordonnance. Le recours au médecin reste limité en cas de pathologie bénigne.
Cependant, on peut s’interroger sur la sécurité qui entoure la démarche d’automédication. Près de 80 % des personnes la pratiquent à partir de prescriptions antérieures. La confiance dans le médicament semble forte, puisque seulement un client sur deux affirme lire les notices. Les consommateurs auraient-ils aujourd’hui une meilleure connaissance du médicament ? On en doute, car 4 personnes sur 10 ignorent, par exemple, la posologie maximale de l’ibuprofène. Voilà pourquoi le conseil officinal reste utile et même indispensable. C’est l’avis de 9 personnes sur 10. Dans 70 % des cas, les clients demandent conseil au pharmacien quand ils viennent sans ordonnance à la pharmacie. Ils sont prêts à attendre pour cela. La moitié de l’effectif trouve que le temps d’attente en officine n’est pas trop long. Concernant le prix du produit, il entre en ligne de compte dans le choix d’un médicament pour près de la moitié des individus. Mais 70 % des personnes affirment qu’elles ne font jamais de comparaison entre les officines à ce sujet. Autre paradoxe, pour 85 % des personnes, le prix de produits d’automédication très courants n’est pas connu.
Confiance renforcée envers le pharmacien.
Le libre accès serait aujourd’hui en place dans la moitié des pharmacies françaises. Mais les consommateurs interrogés par le GERMS estiment qu’ils ne sont pas suffisamment informés sur ce rayon (médicaments concernés, prix, objectifs de la mesure), dans 83 % des cas. Ils ont confiance dans le pharmacien pour leur donner ces informations (43 %), bien avant le médecin (31 %), les magazines (16 %) ou les sites Internet (6 %) dédiés à la santé.
Le libre accès permet surtout au consommateur de gagner du temps. L’attente est moindre en terme de promotions ponctuelles. De plus, les clients ne pensent pas que le libre accès va leur permettre de mieux choisir les médicaments, ni de faire baisser les prix. Pour les consommateurs, ce rayon n’a pas non plus vocation à leur faire découvrir de nouveaux produits. D’ailleurs, les têtes d’affiche du libre accès (Nurofen, Humex, Strepsil, etc.) ont amélioré leur notoriété. Au final, les médicaments placés en libre accès ne sont pas considérés comme plus coûteux, moins efficaces ou moins sûrs que les autres.
Par ailleurs, le libre accès ne modifie pas l’image du pharmacien auprès du public. Son rôle est toujours aussi important pour 46 % des clients interrogés, et même renforcé (20 % des répondants). Ses conseils sont toujours autant sollicités, pour près des deux tiers des consommateurs. Cependant, ceux-ci craignent que le pharmacien en devienne moins disponible. Selon eux, ce rayon ne lui donne pas spécifiquement une image de modernité. À l’inverse des adeptes du libre accès, pour lesquels le pharmacien investi est perçu comme plus disponible et plus dynamique.
Le rayon du libre accès gagne en notoriété, mais il ne remporte pas encore toutes les adhésions. Près de 6 consommateurs sur 10 répondent qu’ils ne l’utilisent jamais. Les vrais adeptes ne sont pas encore légion : 11 % des clients se sont tournés vers ce rayon 5 fois au moins. Mais les déçus ne sont pas très nombreux non plus. Dans 14 % des cas, on n’y aura plus recours. Si, globalement, la demande d’informations reste forte, on commence à entrevoir la portée pédagogique du libre accès auprès de ses utilisateurs, estime Deborah Wallet Wodka, maître de conférence à l’université Pierre et Marie Curie et coordinatrice de l’enquête. À ses yeux, le consommateur français, de plus en plus avisé sur les questions de santé, marche sur les pas de son congénère anglo-saxon.
* Enquête conduite selon la méthode des quotas. 58 % des personnes ayant répondu sont des femmes. 47 % des participants habitent une ville de 10 000 à 100 000 habitants. Les jeunes (18-35 ans) représentent 44,6 % de l’échantillon. Les seniors (plus de 56 ans), 25,8 %. Les 29,5 % restants sont dans la catégorie d’âge intermédiaire.
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