LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- La pioglitazone fait l’objet d’une nouvelle polémique, que certains qualifient déjà de nouveau scandale sanitaire, voire d’un « remake » du Mediator, qu’en pensez-vous ?
DOMINIQUE MARANINCHI.- Nous avons tous été traumatisés par l’affaire du Mediator. Cependant, la différence entre sa gestion et celle de la pioglitazone, c’est le délai de réaction, de quatre mois au lieu de quatre ans. Cette fois nous avons réagi rapidement. L’agence américaine du médicament a alerté en premier, en septembre 2010, sur les résultats d’une étude établissant un lien entre pioglitazone et cancer de la vessie. Puis, les premiers cas européens, 47 au total, ont été signalés fin 2010. Enfin, nous avons reçu cinq signalements en France à la fin de la même année. À présent, nous avons atteint un total de 15 cas français signalés. Dès le mois de janvier 2011, nous avons lancé une étude avec la Caisse nationale d’assurance-maladie, qui porte sur 200 000 patients diabétiques traités entre 2006 et 2009 par la pioglitazone. Nous connaîtrons les premiers résultats fin mai et les résultats définitifs en juillet. De plus, à la demande de la France, une procédure de réexamen du rapport bénéfice/risque des médicaments à base de pioglitazone a été engagée par l’Agence européenne du médicament. En attendant, une discussion a eu lieu entre la commission de pharmacovigilance, qui a demandé la suspension de la pioglitazone, et la commission d’AMM, qui estime que la molécule a peut-être des bénéfices. Il est normal d’avoir des débats contradictoires entre experts de l’AFSSAPS. Nous attendons les résultats de l’étude épidémiologique pour trancher.
Le député PS Gérard Bapt, président de la mission parlementaire sur le Mediator, a cependant mis en cause ces experts de l’AFSSAPS, en déplorant que « les mêmes interlocuteurs disent les mêmes choses » que dans l’affaire du Mediator. Qu’en pensez-vous ?
Je n’ai pas de remarque à faire sur les personnes, cependant je prends acte qu’il faudra changer des membres des commissions, voire supprimer certaines commissions. Pour l’instant je n’ai pas autorité pour en décider, les experts étant nommés par arrêtés ou décrets ministériels. J’espère que, suite aux Assises du médicament, les mesures qui seront prises me permettront de le faire.
Quel était l’objectif de l’avertissement sur l’utilisation de la pioglitazone adressé aux médecins et aux pharmaciens par l’AFSSAPS le 19 avril ?
J’ai choisi de m’adresser en premier lieu aux prescripteurs et aux pharmaciens, pour les mettre en garde sur l’utilisation de cette molécule, leur annoncer la tenue d’une étude pour évaluer le risque de cancer de la vessie et leur donner des recommandations précises, notamment pour la prise en charge des patients à risque. Nous avons également alerté les patients, via l’Association française des diabétiques (AFD). C’est une réponse nouvelle, graduée, qui prépare les professionnels de santé et les patients à un risque sur ce médicament. Si l’étude épidémiologique débouche sur un retrait, il sera plus facile à mettre en œuvre, car les professionnels y seront mieux préparés. La publication de la liste des 77 médicaments sous surveillance, sans les avertir au préalable, a eu un effet déplorable sur la confiance des patients vis-à-vis des médicaments. Pour éviter ce type de dérive, il faut que les professionnels de santé, qui ont gardé la confiance des patients, soient les premiers informés. Nous voulons redonner leur valeur à la prescription du médecin et au conseil du pharmacien. Nous avons la chance d’avoir un bon système de pharmacies, proches des patients, et il est essentiel que les officinaux puissent relayer l’information.
Que doivent répondre les pharmaciens à leurs patients inquiets de prendre un traitement à base de pioglitazone ?
Pour le moment, les AMM des médicaments Actos et Competact ne sont pas suspendues, donc il n’y a pas lieu de cesser de les délivrer à la pharmacie. Cependant, si le patient est inquiet, le pharmacien peut l’orienter vers son médecin. En France, entre 200 000 et 300 000 personnes prennent actuellement un traitement à base de pioglitazone et 50 % des prescriptions sont effectuées par des généralistes. Pour rassurer le patient, le médecin peut lui proposer des alternatives au traitement de son diabète.
Quelles sont les nouvelles procédures qui ont été mises en place depuis votre arrivée à l’AFSSAPS et quels sont vos projets ?
Tout d’abord, l’Agence joue désormais la transparence. Les commissions d’AMM sont filmées et des extraits des vidéos sont mis en ligne sur notre site internet. L’intégralité des vidéos est disponible sur simple demande. De plus, les experts ne doivent pas avoir de conflit d’intérêt. Dans le cas contraire, ils sortent au moment du vote. C’est bien accepté, je n’ai pas encore reçu de démission.
Nous allons également lancer un réexamen des médicaments anciens, qui ont plus de sept ans et ne font donc pas l’objet d’un plan de gestion des risques. Les médicaments dont l’amélioration du service médical rendu (ASMR) est nulle, ainsi que les classes et les médicaments à risque seront également réévalués. L’AFSSAPS va notamment questionner des experts sur les molécules pour savoir si les éléments indiqués dans leur dossier sont toujours valables, puis une réévaluation du rapport bénéfice/risque sera engagée. Une centaine de molécules devraient être concernées.
Enfin, vers juillet 2012 les notifications de pharmacovigilance pourront être réalisées par les patients. À cette occasion, il faudra faire de la pédagogie, afin que le public comprenne que ce n’est pas parce qu’on a reçu un signalement d’un effet indésirable qu’il faut retirer le médicament. Il faut aussi qu’il prenne conscience du fait que les médicaments ne doivent pas être pris à tort et à travers et que leurs indications doivent être respectées.
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