La France est le précurseur hors catégorie de la réglementation sur les essais cliniques. En 1988, c’est le seul pays à encadrer strictement la protection des volontaires qui participent à ces tests avec la loi Huriet-Serusclat, qui impose notamment aux centres d’essais cliniques une obligation d’assurance en responsabilité civile. Ces procédures ont servi de modèle à l’élaboration de la réglementation européenne qui devrait entrer en vigueur au plus tôt à la mi-2016. Un cadre réglementaire exemplaire qui n’a malheureusement pas permis d’éviter le drame qui s’est déroulé la semaine passée à Rennes.
Le centre d’essais cliniques Biotrial procédait en effet aux premiers tests sur l’homme (phase I) pour un candidat médicament du groupe pharmaceutique portugais Bial, le BIA 10-2474, une molécule agissant sur le système endocannabinoïde qui visait à traiter les troubles de l’humeur et de l’anxiété, ainsi que les troubles moteurs liés à des maladies neurodégénératives. Sur 90 volontaires sains, un groupe a été désigné pour recevoir les doses les plus élevées, de manière répétée. C’est dans cette cohorte de 8 personnes âgées de 28 à 49 ans, dont 2 ont reçu un placebo, que le drame est survenu.
Le dimanche 10 janvier, un homme a été hospitalisé dans un état critique, en service de neurologie, suivi par quatre autres hospitalisations. Le 6e et dernier volontaire de cette cohorte a été hospitalisé vendredi dernier par mesure de précaution mais il ne présente aucun trouble neurologique. En état de mort cérébrale, le premier volontaire hospitalisé est décédé dimanche dernier au CHU de Rennes. Selon le Pr Pierre-Gilles Edan, médecin chef du pôle de neurosciences du CHU breton, les cinq autres volontaires sont dans un état stable et montrent des signes d’amélioration.
Des procédures respectées.
De son côté, le centre d’essais cliniques Biotrial affirme avoir scrupuleusement suivi toutes les procédures obligatoires, mais au vu du drame survenue, il propose de relever, après un travail avec la communauté scientifique internationale, les standards à respecter pour tout essai clinique. C’est l’occasion de voir resurgir une ancienne préconisation : commencer avec un seul volontaire à la fois pour les candidats médicaments à haut risque biologique. La pratique est tombée en désuétude à cause de l’explosion des coûts de R & D et les efforts des industriels visant à réduire les délais de toutes les phases de développement d’un médicament.
Avec une base d’environ 2 000 volontaires participant aux tests menés par Biotrial, la société rennaise a reçu un certain nombre de soutiens de la part de testeurs, y compris parmi ceux qui ont participé à l’essai incriminé. La motivation des « cobayes » ? Participer au lancement de nouveaux médicaments innovants et recevoir une indemnisation financière qui n’est pas négligeable, limitée en France à 4 500 euros annuels pour éviter toute professionnalisation.
Ils affirment aussi être informés et conscients des risques, en particulier en phase I des essais cliniques, donc au moment du passage du modèle animal au modèle humain. Si certains avouent leur crainte de continuer à être testeur, d’autres soulignent au contraire qu’un tel accident est exceptionnel et montre bien le sérieux avec lequel sont menées ces études. Le précédent drame de ce type concernait aussi un essai clinique de phase I, mené au Royaume-Uni en 2006, sur un anticorps monoclonal (voir encadré).
En 2014, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a autorisé près de 1 800 essais cliniques dont 891 portaient sur des candidats médicaments. La même année, elle a procédé à 699 inspections d’établissements, dont 7 % concernent des centres d’essais cliniques. En cas d’accident, l’inspection est immédiate.
À Rennes, plusieurs enquêtes sont actuellement menées de front pour comprendre ce qui s’est passé et déterminer les responsabilités : une enquête de l’IGAS, une autre de l’ANSM et bien entendu une enquête judiciaire dirigée par le pôle santé du parquet de Paris.
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