IL Y A PRÈS de vingt ans, le groupe Pierre Fabre imaginait un soin cosmétique dénué de tout composant non essentiel, au sein duquel seuls les éléments capables de servir l’activité de la formule figureraient. L’objectif était alors de proposer aux peaux intolérantes un produit délivré des agents susceptibles de provoquer et d’entretenir une réaction de l’épiderme. Étaient alors clairement visés tous les conservateurs : ceux qui figurent dans la liste officielle de la Directive cosmétique européenne (directive 76/768/CEE, annexe VI)*, et ceux qui ne sont pas officiellement listés, mais qui sont utilisés pour leur activité bactéricide et que l’on peut trouver dans certaines formules dites « sans conservateurs » (alcool, huiles essentielles…).
En 1996, le laboratoire présentait deux produits pour le visage, crème hydratante et lait nettoyant, de la ligne Tolérance Extrême, totalement dénués de conservateurs. Une prouesse technique rendue possible par la mise en œuvre du premier procédé de stérilisation adapté aux produits cosmétiques. Baptisé ETS, pour « Extrême Tolérance System », le process reposait sur différentes étapes : le traitement de la formule par filtration stérilisante, d’une part ; la fabrication et la ligne de conditionnement aseptisées - gros investissement pour le laboratoire - d’autre part. Au final, deux références de la ligne Tolérance Extrême conditionnées en monodoses passaient sous l’étiquette « cosmétique stérile ». Cependant, certains problèmes demeuraient, et, avant tout, celui de conserver la stérilité de la formule pendant tout l’usage du produit. Il a donc fallu imaginer un conditionnement capable de délivrer son contenu tout en évitant qu’il ne se contamine. Cette idée a pris la forme d’un tube doté d’un système de fermeture totalement hermétique, un bouchon distributeur qui interdit toute pénétration d’air à l’intérieur du contenant. Présenté sous le nom de DEFI (Dispositif Exclusif Formule Intacte), le nouvel étui est attribué, dès 2009, aux formules stériles de la gamme Tolérance Extrême. En parallèle, est résolu le problème de la quantité, jugée trop faible, de produit traité par filtration. Il faut augmenter la production. Une nécessité qui va donner lieu à une innovation de taille, la stérilisation par infusion appliquée en continue. Désormais le produit est chauffé à 145 °C par vapeur d’eau avant d’être refroidi à 50 °C et 30 °C.
Par Infusion.
La technique de la stérilisation par infusion permet de préserver les actifs et la qualité de texture de la formule tout en détruisant les éléments contaminants. Les normes de stérilité appliquées sont celles en vigueur dans l’industrie du médicament. « Nous avons visé un haut niveau d’exigence pour la qualité de ces produits, qui ne sont pas encore soumis à une législation spécifique, puisqu’ils sont totalement nouveaux », explique Franck Legendre, chef de projet Cosmétique Stérile chez Avène et A-Derma. Pour être validé, le process de stérilisation doit atteindre un niveau de 10 puissance 6, soit un million de bactéries détruites, sachant que le germe de référence utilisé est caractérisé par sa résistance thermique (Geobacillus Stearothermophilus). « Avec un tel traitement, la difficulté était de préserver l’efficacité de la formule. Nous avons donc testé chaque molécule - nos actifs phares, la parcérine ou l’extrait d’avoine rhéalba, notamment - mais, à ce jour, aucune n’a montré les signes d’une éventuelle dégradation. »
Plusieurs lignes cosmétiques du groupe Pierre Fabre, vouées aux peaux les plus sensibles, se voient dès lors traitées par infusion et conditionnées sous tube DEFI : chez Avène, la crème pour peaux intolérantes, version légère et riche, ainsi que la crème hydratante Pédiatril ; chez A-Derma, la crème et le baume Exoméga pour les peaux atopiques. « La fin en soi n’est pas la stérilité des formules mais l’efficacité du produit », souligne Franck Legendre, en rappelant l’esprit visionnaire du laboratoire qui avait imaginé le concept de stérilisation appliqué aux cosmétiques bien avant que les polémiques sur les conservateurs ne retentissent. Dans le contexte actuel, la démarche prend, bien sûr, tout son sens, et les soins qui en résultent trouvent facilement leur public. « Pour l’instant, les lignes pour peaux sensibles et réactives sont les premières à être transformées, mais, dans l’absolu, il n’y a pas de limites à l’application du concept. » D’autant que certaines vitamines ont passé avec succès l’épreuve du flash thermique, ce qui élargit les perspectives d’application de la cosmétique stérile. Pour autant, ce sont des profils bien précis de la sensibilité cutanée - les sujets à peaux réactives, les épidermes immatures, comme ceux des bébés - qui retiennent actuellement l’attention des Laboratoires Pierre Fabre. « Avec la cosmétique stérile, on vise des objectifs plus sécuritaires, remarque Laurence Vidal Poulou, chef de produit chez Avène. Les efforts portés dans le développement de produits très haute sécurité ne sont donc pas encore orientés vers des segments à positionnement très cosmétique. » Pour le laboratoire, le marché de référence est celui des peaux hypersensibles, avec comme cible des personnes en recherche de formules pures, minimalistes, affranchies de tout ce dont la peau n’a pas besoin (parfums, excipients, conservateurs…). Un public qui a pu se tourner vers la cosmétique certifiée biologique pour trouver des produits plus sécuritaires.
Sécuritaires.
Pourtant, les ingrédients d’origine végétale ne sont pas forcément dénués d’effet irritant, rappelle Laurence Vidal Poulou, qui ne considère pas la filière Bio comme garante d’une parfaite innocuité. « La cosmétique stérile offre une plus grande sécurité ; cela dit, on ne se positionne pas en tant que concurrents des soins Bio. Les adeptes des produits naturels sont attachés à leurs marques, aux ingrédients issus des plantes, et la cosmétique stérile ne pourra pas leur apporter de réponse. » Ce que Weleda confirme en rappelant le positionnement très différent de la cosmétique Bio, pour laquelle c’est la synergie des actifs, la partie de la plante utilisée dans sa totalité, qui prime.
Les soins stériles, en revanche, pourraient bien capter la clientèle de la filière Bio en quête de sécurité. L’essai, en tout cas, est concluant pour les deux références Tolérance Extrême, dont la reconversion en formules stériles a eu pour effet de multiplier les ventes par trois ! Même constat, dans une moindre mesure, pour la Crème pour peaux intolérantes qui a tout de même renoué avec la croissance dès sa renaissance en version stérile. L’avenir de ce qui ne constitue pas encore un marché semble donc prometteur. D’autant que la voie des formules minimalistes et du « sans conservateurs » gagne en importance. Et il y a fort à parier que, au-delà des sujets à peau sensible, l’argument sécuritaire avancé par cette cosmétique high-tech saura séduire un public bien plus large, gagné par la mouvance du risque zéro dans les produits de consommation. Le fait est que la thèse sécuritaire, longtemps développée par la filière Bio, retient l’attention de plus d’un laboratoire aujourd’hui. La gamme Dermatherm (Laboratoire Gravier), propose ainsi un ensemble de soins certifiés Bio et développés sous procédé de stérilisation UHT adapté à la cosmétique. Tous ses produits sont conditionnés en flacon airless, spécifiquement conçu pour abriter les formules sans conservateurs. Destinée aux peaux les plus sensibles, la gamme propose des produits de soin et d’hygiène voués aux peaux déshydratées (Purmasque, Puraqua), aux peaux mixtes à grasses (Purnet, Purmat), normales à sèches (Purcalm, Purprotect…), sensibles à intolérantes (Purdemaq, Purlotion) et cible aussi les problématiques du vieillissement (Purvital, Purliss…), de la réparation cutanée (Purcare) ainsi que les soins du bébé (BabyClear, Babycream…).
Certes, la stérilisation n’est pas une technique nouvelle, mais, appliquée au soin de l’épiderme, elle entend aujourd’hui donner à l’utilisateur l’accès à des formules qui se veulent plus concentrées sur l’actif et son potentiel d’efficacité. À elles maintenant de faire leurs preuves puisqu’elles bénéficient de conditions améliorées pour agir. Chez Pierre Fabre, en tout cas, l’aventure ne fait que commencer. En effet, une nouvelle gamme estampillée stérile devrait être présentée à la rentrée 2013.
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