LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Que pensez-vous du programme de libéralisation des pharmacies du gouvernement Monti ?
MASSIMO SCACCABAROZZI.- Je suis d’accord sur le principe, mais les libéralisations ne doivent pas être faites n’importe comment. Certaines normes sont inutiles, comme celle qui oblige les médecins de famille à indiquer sur l’ordonnance : « médicament remplaçable par un équivalent générique ». C’est dire au patient que son traitement est lié au prix du médicament et obliger les praticiens et les pharmaciens à prescrire et vendre seulement les génériques. Il faut laisser la liberté de choix aux patients. Si le générique est comme un médicament princeps, il est inutile de le préciser sur la prescription car l’État rembourse déjà le montant le moins élevé. Ce nouveau système va créer une grande confusion et ne permettra pas à l’État de faire des économies. Cette politique est une façon de brader les médicaments et la santé.
Quelles seront les retombées de cette politique sur l’industrie du médicament ?
Cette politique aura des effets dévastateurs sur les entreprises pharmaceutiques. Elle risque de plomber légalement l’un des secteurs les plus hi-tech de l’économie italienne. En perdant une partie importante de sa part de marché, qui sera transféré sur la production de génériques, l’industrie risque de devoir démanteler ses usines de production et de réduire ses investissements qui s’élevaient à 2,4 milliards d’euros en 2010 entre la recherche, l’innovation et la production sur le territoire italien. Cette décision risque aussi de provoquer la perte de quelque 20 000 emplois.
Quels sont les enjeux de l’industrie du médicament pour l’économie italienne ?
Nous avons actuellement 165 établissements en Italie qui ont réalisé un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros en 2011. Environ 60 % de la production est destinée à l’exportation, ce qui représente 15 milliards d’euros. Le secteur emploie 65 000 personnes, dont 90 % de diplômés universitaires et 64 000 autres dans les activités parallèles liées à la sous-traitance. La contribution de l’industrie pharmaceutique pour l’économie italienne est estimée à 12,5 milliards d’euros grâce aux salaires versés, aux investissements effectués et aux impôts directs payés par les firmes. Nous ne demandons pas à être privilégiés mais nous ne voulons pas non plus être discriminés. Nous ne nous battons pas contre les génériques. Tout simplement, nous ne voulons pas que les médicaments princeps soient objet de discrimination.
Favoriser la vente des génériques pourrait s’expliquer par un souci d’économies pour la Sécurité sociale italienne. Partagez-vous cette position ?
L’État italien dépense environ 181 euros par habitant pour les médicaments achetés en pharmacie, soit 30 % de moins que la moyenne dépensée par les grands pays européens comme la France, l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni, qui tourne autour de 273 euros. Depuis 2001, les prix des médicaments en général ont baissé de 28 % et ceux des produits remboursés par la Sécurité sociale de 35 %, alors que l’inflation a augmenté de 24 %. Actuellement, le pharmacien doit déjà dire au patient qu’il peut acheter un générique et que cet équivalent coûte moins cher que le produit princeps.
Vous avez critiqué dès le départ le point concernant la libéralisation de la vente des médicaments sans vignettes mais avec prescription. Pourquoi ?
La relation de confiance entre le patient et le pharmacien est essentielle. Les médicaments ont des caractéristiques particulières car ils contribuent à l’amélioration de la santé des personnes. Pour remplir cette condition, les producteurs effectuent des contrôles multiples et sévères durant toutes les phases de développement et de commercialisation. Quand on veut libéraliser une partie de la vente des médicaments, il faut tenir compte de ces éléments essentiels. J’ai le sentiment que le gouvernement Monti a compris l’importance de ces enjeux puisqu’il a renoncé à ce projet malgré les pressions de certaines catégories.
Quelles sont vos relations avec l’ensemble de la communauté des pharmaciens italiens ?
Nous collaborons étroitement avec les titulaires des officines. En parallèle, nous organisons des rencontres ponctuelles avec les syndicats et les représentants de la distribution. Dans la bataille des libéralisations par exemple, nous avons multiplié les rencontres multilatérales.
Quelles sont vos revendications ?
Il faut consolider et augmenter les investissements et permettre aux entreprises de s’organiser pour être plus compétitives dans le contexte européen en garantissant la stabilité des normes sur le plan législatif. Il faut protéger la propriété intellectuelle et la valeur des marques. Enfin, il faut réduire les délais de paiement et créer les conditions pour que l’industrie puisse continuer à innover et à investir dans la recherche.
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