C
‘est une demande rare qu’a formulée France Assos Santé la semaine dernière. Le 5 avril, la fédération d’associations de patients a exercé son droit d’alerte auprès de la Haute Autorité de santé (HAS) pour demander l’élaboration de recommandations de prise en charge pour les patients souffrant d’effets indésirables graves suite à la prise de fluoroquinolones. France Assos Santé affirme « avoir regroupé 600 témoignages de personnes gravement touchées par ces effets iatrogènes complexes ». Des patients traités pour des pathologies bénignes, comme des infections urinaires simples, et qui doivent vivre aujourd’hui avec des troubles musculosquelettiques, des neuropathies périphériques, des troubles neurologiques et psychiatriques, des troubles auditifs, ou encore des problèmes cardiaques.
Le collectif d’associations cite deux exemples de patients qui ont vu leur vie chamboulée après la prise de ces antibiotiques. Un jeune homme de 33 ans traité par Ciflox en prévention après une opération de hernie inguinale, sans infection, raconte ainsi avoir vécu « un enfer indescriptible et terriblement traumatisant : vertiges, maux de tête, difficultés à avaler, fourmillements, crampes, fasciculations, douleurs articulaires. J’étais seul, personne ne comprenait ce qui se passait et je n’osais pas trop insister pour ne pas être pris pour un fou », raconte-t-il aujourd’hui. Une autre patiente qui souffre elle aussi d’effets indésirables particulièrement handicapants déplore de vivre « le déni du corps médical depuis plusieurs années ». Deux exemples parmi d’autres. Fin mars, une enquête a été ouverte par le pôle santé publique du parquet de Paris suite à une vingtaine de plaintes de patients, tous victimes de graves effets secondaires et qui accusent des médecins de leur avoir prescrit des fluoroquinolones (ciprofloxacine, délafloxacine, lévofloxacine, loméfloxacine, moxifloxacine, norfloxacine, ofloxacine) sans tenir compte des recommandations officielles.
Des traitements qui réactivent les effets indésirables
La démarche entreprise par France Assos Santé auprès de la HAS vise à mettre en alerte les prescripteurs sur les risques liés à la prise de fluoroquinolones. Des risques trop souvent ignorés. « Les pathologies consécutives à la prise de fluoroquinolones sont très souvent incomprises du corps médical, voire niées par une large partie des médecins qui n’ont pas de protocole établi pour la prise en charge des personnes qui en souffrent, regrette le collectif d’associations de patients. En conséquence, les médecins ont trop souvent tendance à prescrire des traitements potentiellement toxiques pour les métabolismes des victimes durablement endommagés par les fluoroquinolones, à l’instar de la cortisone connue pour réactiver à distance les effets indésirables des antibiotiques appartenant à cette famille, voire les aggraver. » France Assos Santé interpelle donc la HAS pour permettre « une réflexion de fond » devant aboutir à une meilleure considération de ce problème de toxicité.
Il faut donc mieux prendre en compte le cas des patients victimes d’effets secondaire graves. Toutefois, l’accent doit également être mis sur la source du problème : les prescriptions de fluoroquinolones hors AMM. Si l’Agence européenne du médicament (EMA) a introduit des restrictions d’utilisation « en raison du risque d’effets secondaires invalidants, durables et potentiellement irréversibles », si 6 courriers d’alerte ont été envoyés aux médecins par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) depuis 2018, les surprescriptions de fluoroquinolones demeurent trop fréquentes en France aujourd’hui.
Un contrôle par le pharmacien ?
C’est également ce que déplore Philippe Coville, le premier patient qui a déposé plainte devant le pôle santé publique de Paris et le procureur de Versailles contre son médecin et contre X pour « blessures involontaires » et « tromperie aggravée ». À l’origine de la création d’un collectif de patients dans le même cas que lui, il se bat pour faire baisser les prescriptions de ces antibiotiques en France et limiter ainsi les risques iatrogènes. « On peut imaginer la mise en place d’un document d’information partagée à faire signer aux patients avec un contrôle des pharmaciens, comme c’est le cas pour certains antiépileptiques », propose-t-il notamment. Une méthode qui permettrait selon lui de limiter l’usage des fluoroquinolones aux indications de pharmacovigilance européennes en plus de mieux informer les patients sur les risques.
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