« Le trafic de médicaments falsifiés est une épidémie insidieuse et silencieuse qui s’aggrave de jour en jour, constate le Dr Kheira Sadeg, chargée de mission Médicament au Club médical numérique francophone & innovation santé*. Dans le monde, un médicament sur dix est falsifié, et un sur trois en Afrique… »
Par médicaments falsifiés, on entend des médicaments dont le principe actif peut-être sur ou sous-dosés, absent ou remplacé par un produit toxique (idem pour ses excipients) ; la catégorie englobe aussi les médicaments détournés de leur usage, sans AMM, avec des défauts, volés, périmés… Bref des produits inefficaces ou dangereux. Au point de tuer chaque année 800 000 personnes dans le monde !
« En France, le monopole pharmaceutique protège les patients, mais il faut les mettre en garde contre les achats sur Internet à l’étranger, poursuit Kheira Sadeg. Sur ce marché, un médicament sur deux est falsifié. Or, contrairement à certains pays voisins (Royaume-Uni), on ne voit chez nous ni campagne d’information, ni affiches dans les cabinets médicaux, les officines ou les entreprises. De même, médecins et pharmaciens sont peu sensibilisés alors qu’ils sont les mieux placés pour déceler les problèmes lors de l’interrogatoire du patient, même si celui-ci n’avoue pas facilement avoir acheté un produit sur le Net. »
Crime organisé
« Le trafic de médicaments falsifiés est 25 fois plus rentable que celui de la drogue, rappelle Oscar Alarcon Jiménez, co-secrétaire du Comité européen pour les problèmes criminels (Conseil de l’Europe). Ces réseaux participent au financement du terrorisme, ont un énorme pouvoir de corruption. De plus, quand un policier suspecte un trafic de drogue, il peut arrêter un véhicule, le fouiller… Pour des médicaments, non, car dans beaucoup de pays ce crime n’est pas dans le code pénal. »
D’où le travail du Conseil de l’Europe et sa convention MEDICRIME, seul traité international permettant de donner un cadre juridique qui criminalise les trafics de médicaments falsifiés et organise la coopération internationale police, justice, santé, douanes. Ratifiée par 15 pays**, cette convention est un premier rempart contre le crime organisé qui met en danger l’économie de nos industries pharmaceutiques et la santé des patients.
Les DM concernés
Sur le Net, les domaines privilégiés de la falsification demeurent les troubles érectiles, l’amaigrissement, les dopants de musculation, le blanchiment de la peau… Ailleurs, tous les médicaments sont concernés, y compris les vétérinaires qui font peser une menace de contamination des viandes d’élevage par des fake antibiotiques. « Et surtout les dispositifs médicaux, complète Oscar Alarcon Jimenez : lunettes, lentilles, préservatifs, implants, défibrillateurs, matériels de dentiste, kit d’urgence automobile, prothèses comme dans l’affaire « PIP »… Et malgré des progrès comme la sérialisation, rien n’évoluera vraiment tant qu’on n’aura pas mis les falsificateurs en prison. »
Enfin, les deux intervenants ont regretté le manque d’études épidémiologiques françaises sur les dégâts des médicaments falsifiés achetés sur le Net : « Là, vous croyez payer avec votre carte bancaire alors que vous payez peut-être avec votre vie », conclut Oscar Alarcon Jimenez.
* Intervention au Salon SPP Santé, dédié à la prévention en santé, qui s’est déroulé à Bordeaux les 31 janvier et 1er février.
** Albanie, Arménie, Belgique, Espagne, Russie, France, Hongrie, Portugal, Moldavie, Suisse, Turquie, Ukraine, Bénin, Burkina Faso, Guinée.
https://www.edqm.eu/fr/convention-medicrime-1470.html
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %