IL Y A QUELQUES MOIS, en février dernier, le Parlement sonnait le glas du monopole pharmaceutique sur la vente des tests de grossesse et d’ovulation en adoptant le projet de loi Consommation porté par Benoît Hamon, alors ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire. À peine la loi publiée (17 mars 2014), le groupe E. Leclerc annonçait le lancement d’un test de grossesse au prix d’un euro, défiant toute concurrence. Initiative à laquelle plusieurs officines avaient rétorqué en abaissant encore le prix de certains dispositifs qu’ils proposaient alors à 99 centimes d’euros ! C’était notamment la stratégie du groupement Pharmactiv qui, par le biais d’une remise de 65 %, avait permis à ses adhérents de pratiquer de tels tarifs. Ces réactions en cascade n’ont bien sûr pas été sans effet sur les ventes de tests de grossesse à l’officine. « Dans les tout premiers mois de l’année, le rayon (grossesse et ovulation) avait progressé de plus de 10 % en volume comparé à la même période en 2013, rapporte Anaïs Malterre, chef de produits senior sur les dispositifs médicaux au Laboratoire Cooper. À partir du moment où le monopole a été ouvert, et jusqu’au mois de septembre, les ventes ont chuté de 7 %. » Au total, sur les douze derniers mois, le marché a été relativement peu affecté puisqu’il est resté stable en volume (+ 1 %) tout en marquant une légère régression en valeur (- 8 %). « Cette baisse du chiffre d’affaires par rapport au volume était déjà amorcée avant l’ouverture du monopole mais elle s’est encore accentuée. Actuellement, on est en pleine mutation et il est compliqué de savoir quelle part le circuit GMS va prendre dans les ventes de tests de grossesse. Une chose est sûre cependant : la grande distribution se montre très incisive et les consommatrices recherchent un prix attractif. »
À l’officine les prix ont entamé leur inflexion dès 2011, pour baisser plus franchement (- 12 %) dans les 6 mois suivant la disparition du monopole (versus avril-octobre 2013, source AFIPA). Au total, sur les douze derniers mois (cumul mobile annuel à fin octobre 2014), le prix des tests de grossesse vendus en pharmacie a chuté de 9,6 % pour atteindre une moyenne de 6,61 euros (TTC).
Qualité et fiabilité.
Dans un contexte qui se durcit l’officine n’est pas sans atouts. La qualité et la fiabilité des tests qu’elle propose en sont un. Conçus pour détecter la présence d’hormone de grossesse hCG dans l’urine, ils se déclinent désormais en modèles standards - qui affichent leur résultat sous forme d’un signe (barre, + ou -) - et digitaux, qui donnent une réponse en toutes lettres. Ils revendiquent une fiabilité des résultats à plus de 99 % dès le premier jour présumé de retard des règles, délivrent leur résultat en quelques minutes (une minute pour certains) et peuvent inclure une fonction assurant du bon fonctionnement du dispositif après l’utilisation. On les trouve sous de nombreuses marques : Clearblue Plus et Clearblue Digital (Procter & Gamble) qui indique, avec le résultat du test, le nombre de semaines écoulées depuis la conception, Suretest chez Cooper, Prédictor (Oméga-Pharma), Digitest (Marque Verte), Exacto (Dectrapharm), Easy Test (Visiomed), Nep Test de grossesse (Népenthès), ainsi que tous les tests à la marque que proposent des groupements et des répartiteurs, tels que l’OCP avec la gamme Pharméa, Évolupharm et sa gamme New Test (test de grossesse, test de grossesse digital), Pharmavie avec le test de grossesse Pharmaprix…
Plus récents sur le marché, des dispositifs dits précoces revendiquent une détection de l’hormone hCG en dose infime (seuil de sensibilité compris entre 5 et 30 mUI/ml), quelques jours avant la date présumée des règles. Plus onéreux que les modèles classiques, ils sont proposés par Procter & Gamble (Clearblue Digital), Oméga-Pharma (Predictor Early), Dectrapharm (Exacto Ultra), OCP (Pharméa test de grossesse précoce), Polidis, Polivé Tricostéril…
Le prix comme argument ?
Outre son offre éclectique, l’officine dispose d’autres avantages qui peuvent faire la différence : la proximité qu’offre le circuit grâce à un maillage serré du territoire, notamment dans les grandes métropoles où les hypermarchés sont absents, est un atout indéniable, et bien sûr le conseil qui encadre la dispensation et le contact humain, si important dans certaines situations. « Si on cherche un test de grossesse en supermarché, on le trouvera dans le rayon de l’hygiène/parfumerie à côté des produits de premiers soins comme les pansements, indique Jean-Pierre Juguet, directeur marketing et communication chez Évolupharm. Mais personne ne se présentera pour nous conseiller. Or, dans deux cas de figure sur trois, la demande en test de grossesse émane d’une femme qui nécessite un encadrement solide en termes d’information et d’orientation : parce qu’elle est très jeune et qu’elle redoute d’être enceinte, auquel cas il faut lui expliquer les différents moyens de contraception qui existent et lui indiquer l’adresse d’un centre de planning familial ; parce qu’elle a des difficultés à procréer et qu’elle nécessite une écoute particulière ou l’orientation vers un spécialiste. »
La grande distribution, qui n’avance que l’argument du prix, ne saurait satisfaire cette clientèle. D’autant que le test de grossesse vendu à un euro dans les hypermarchés Leclerc est un produit d’appel qui n’est sûrement pas appelé à durer. « Cette politique de prix très bas a sans conteste impacté le marché en pharmacie, selon Jean-Pierre Juguet, mais la situation n’est pas pour autant amenée à perdurer. Il s’agit plutôt d’un épiphénomène dans lequel l’effet d’annonce prévaut. » Le véritable objectif de la démarche est d’obtenir l’ouverture du monopole qui protège les produits non remboursés. « En adoptant cette mesure, le législateur a assimilé les tests de grossesse à des produits de consommation courante. Mais ils restent des dispositifs médicaux, une catégorie au sein de laquelle on a ménagé une brèche dans laquelle peut s’engouffrer la grande distribution pour investir d’autres domaines protégés de l’univers pharmaceutique, comme le paracétamol ou l’ibuprofène… »
Pour les tests de grossesse, l’argument du bas prix brandi comme un étendard perd alors beaucoup de sa substance, surtout si l’on considère la grande diversité qui existe en la matière dans toute l’offre disponible. Les dispositifs les plus sophistiqués, qui affichent le résultat textuellement ou qui permettent de devancer le premier jour de retard des règles pour avoir une réponse, sont les plus onéreux. « Ils sont 2,5 fois plus chers qu’un test classique, relève Jean-Pierre Juguet, mais sont utilisés par des primipares ou des femmes en forte attente qui veulent avoir la certitude d’un résultat et sont prêtes à investir plus. » Le segment des tests digitaux représenterait ainsi 15 % à 20 % en valeur du marché total. Pour les tests classiques, en revanche, le directeur marketing d’Évolupharm préconise une politique de prix modérée, à moins de 4 euros l’unité. Une conception du tarif qui correspond parfaitement à la politique de prix intermédiaire mise en place par l’OCP pour sa gamme d’autotests Pharméa. Jonathan Yampolsky, chef de produit marques propres du répartiteur, relativise d’ailleurs la polémique orchestrée par le groupe E. Leclerc sur les tests à prix cassé : « Je ne suis pas sûr que le test à un euro soit encore d’actualité. Les tarifs de la GMS sont aujourd’hui similaires aux premiers prix pratiqués sur les dispositifs standards à l’officine. » Pour la marque Pharméa, l’impact sur les ventes qu’aurait pu produire l’ouverture du monopole a été limité. Toutefois, le répartiteur a renforcé son discours sur la valorisation du conseil à l’officine et projette de développer des supports voués à l’information et à l’accompagnement des futures mamans. Une initiative justifiée si l’on en croit les enseignements d’une enquête qualitative, menée par l’OCP auprès des pharmaciens, qui a révélé le besoin d’encadrement des femmes sur ces sujets. « Elles manquent de confiance dans les produits vendus en grande surface, elles doutent sur l’utilisation qu’elles en font et se méfient des résultats que donnent ces tests. »
Il y a donc une carte majeure à jouer pour l’officine qui doit rassurer la patiente, lui expliquer le fonctionnement du dispositif, mais aussi aller plus loin en encadrant le désir de grossesse par la mise en avant des tests d’ovulation, par exemple. Le prix peut bien sûr être un axe attractif dans la démarche, surtout pour les pharmacies qui ont subi une baisse - jusqu’à 25 % en volume - de leurs ventes en tests de grossesse, une situation qui n’a cependant concerné que 30 % des clients OCP. « Une des forces du rayon réside aussi dans les produits à la marque que l’on ne trouvera jamais en grande distribution ! », conclut Jonathan Yampolsky, non sans un certain sens de l’a propos.
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