Les pharmaciens doivent se préparer à des baisses de prix d’envergure – et des baisses de marge associées – sur le matériel médical très prochainement. À commencer par la révision des tarifs sur les pansements hydrocellulaires, les dispositifs médicaux pour autosurveillance de la glycémie ou encore les orthèses et les bas de contention, « de nombreux produits que nous dispensons », dénonce l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dans une lettre ouverte aux pharmaciens diffusée le 2 juillet. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) a en effet envoyé aux syndicats son projet de révision tarifaire, pour avis, le vendredi 28 juin. Pour des premières mesures qui auraient dû s’appliquer au 1er juillet.
Économies de 35 millions d’euros sur le matériel médical
Sur les pansements hydrocellulaires, « le CEPS prévoit 10,65 millions d’euros de baisse de prix, avec une décote de l’ordre de 1,75 % sur le prix au cm2 au 1er août 2024 et de 2,25 % au 1er août 2025 », décrypte Guillaume Racle, conseiller économie et offre de santé de l’USPO. Or, « les pansements hydrocellulaires représentent un gros marché de 370 millions d’euros par an », compare-t-il. « Comme il y a un prix de cession, la marge fixe reste à 4 euros », tempère Denis Millet, secrétaire général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), même si cela n’empêche pas des baisses de chiffre d’affaires.
Le CEPS a prévu une décote de 15 % sur les lecteurs et les sets d’autosurveillance à partir du 1er juillet 2024, et de 7 % pour le 1er juillet 2025
Le matériel pour autosurveillance glycémique est, encore, dans le viseur. Le CEPS prévoit une décote de 15 % sur les lecteurs et les sets d’autosurveillance à partir du 1er juillet 2024, et de 7 % pour le 1er juillet 2025. Le CEPS prévoit aussi une baisse sur les bandelettes de 1 % en juillet 2024 et de 0,40 % en juillet 2025, ainsi qu’une unique baisse en juillet 2024 de 1,80 % sur les autopiqueurs et de 3 % sur les lancettes, sur un marché à plus de 400 millions d’euros remboursés en 2022. « On a déjà subi une baisse sur les produits d’autosurveillance glycémique ces dernières années. Ce matériel coûte cher à produire mais n’est pas valorisé. En plus, le pharmacien ne perçoit aucun honoraire de dispensation sur ces produits, ni à l’ordonnance, ni à l’âge, etc. Il ne vit que de la marge », dénonce encore Guillaume Racle. « Ces baisses de prix sont surtout embêtantes pour les kits et les lecteurs car il n’y a pas de prix de cession sur ces produits, donc pas de marge fixe, et la marge est extrêmement faible », abonde Denis Millet. « Ce ne sont pas des baisses énormes mais on ne peut pas opposer une hausse des volumes ou de dépenses, complète Julien Chauvin, président de la commission Études et stratégie économiques de la FSPF. Dans l’autosurveillance glycémique, c’est l’inverse : il y a une baisse de prise en charge sur les consommables entre 2022 et 2024 et malgré cela, on fait des économies ! »
Quant aux bas de compression, le CEPS propose 12,7 millions d’euros d’économie avec décote de 2 % au 1er août de cette année puis 2 % au 1er août 2025. « C’est déjà un secteur problématique, on va donc baisser en qualité de gamme. Et que va-t-on faire ? Augmenter le nombre de paires délivrées ? », s’interroge le conseiller économique de l’USPO. « C’est dommage, les pharmaciens étaient parvenus à un zéro reste à charge. Et peut-être qu’on ne sera pas en capacité de fournir », complète Julien Chauvin. Sans compter que la fabrication du matériel de compression est souvent française. Sur les orthèses, c’est une économie de 3,2 millions d’euros qui est annoncée avec décote de 1,80 % au 1er août 2024 puis 1,80 % au 1er août 2025. Le montant remboursé par l’assurance-maladie obligatoire s’élevait à 408 millions d’euros en 2022.
« Ce ne sont pas des baisses extrêmement fortes mais c’est une baisse de marge continue. Et si on regarde ce qui a été signé dans l’avenant économique de juin 2024 avec la Caisse nationale de l’assurance-maladie : les tarifs des DM n’entrent pas dans le champ conventionnel », conclut Julien Chauvin.
Le CEPS table ainsi sur une économie de 10,65 millions d’euros sur les pansements hydrocellulaires, de 9,18 millions d’euros sur le matériel d’autosurveillance de la glycémie et de 15,9 millions d’euros sur les bas et orthèses de compression, pour un montant total de 35,73 millions d’euros. Sur un objectif de 150 millions d’euros d’économies à réaliser sur 2024. « Ce n’est plus un tabou pour le CEPS de demander au patient de mettre de l’argent au bout », déplore Julien Chauvin.
Plus de 15 millions de pertes sur le médicament générique
Et ce n’est pas fini. Lors de la réunion de comité de suivi des génériques du 4 juillet, le CEPS a proposé une nouvelle vague de baisses de prix et de mise sous tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR) aux syndicats, notamment sur des médicaments à marge thérapeutique étroite (dont des antiépileptiques : lévétiracétam, locosamide…), des médicaments exclus du dispositif « tiers payant contre générique » (par exemple buprénorphine, antiépileptiques…), des anticancéreux, etc. Au total « 14 pages de médicaments » sont concernés, déplore Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. Avec, dans la liste, quelques propositions « délirantes », selon Denis Millet, notamment des princeps qui n’ont qu’un seul générique inscrit au Répertoire, et souvent difficiles à obtenir en officine. Des médicaments pour lesquels le taux de substitution est donc mécaniquement bas.
« Par exemple, l’urapidil : il n’avait qu’un seul générique difficile à se procurer, d’où un taux de substitution peu élevé. En septembre sont arrivés d’autres génériques. Le CEPS a donc voulu mettre un TFR, mais il faut laisser le temps aux produits de mûrir. Idem pour les ampoules de cholécalciférol », rapporte Denis Millet. Autre exemple, avec la Ritaline : « On a souligné un problème, car les autres médicaments à base de méthylphénidate sont en rupture. L’ANSM nous demande de transférer sur d’autres produits. Si maintenant il y a un TFR sur la Ritaline… », abonde Pierre-Olivier Variot.
Au final, cette mesure représente une économie globale pour l’assurance-maladie de 65 millions d’euros. Ce qui, avec les remises comptables, aurait un impact de 15 millions d’euros sur l’officine, a calculé Denis Millet.
« Alors que perdurent et se multiplient les pénuries de médicaments, le CEPS ne change pas une équipe qui perd. Il s'entête dans une politique tarifaire restrictive à contre-courant de l’ensemble des objectifs prioritaires du système de santé : elle ne peut que produire des effets délétères déjà bien connus sur l’accès aux médicaments, sur la pérennité du réseau officinal, dont la marge sera à nouveau amputée de 15 millions d’euros, et sur la substitution générique, qui se trouve obérée par les pénuries », lance la FSPF dans un communiqué diffusé dans la foulée de la sortie de la réunion. Et si le CEPS cherchait plutôt des économies du côté des produits très chers ?
À ces baisses de prix s’ajoutent la baisse de la remise « Génériques » pour 2023 en perte de 31 millions d’euros et un manque à gagner sur les produits de contraste de 25 millions d’euros. Sans compter la volonté de sobriété médicamenteuse des autorités de santé, « qui aura nécessairement une incidence non négligeable sur la marge officinale dès les prochains mois », prévient l’USPO.
Effets collatéraux du remboursement des fauteuils roulants
Autre chantier, la réforme du remboursement des fauteuils roulants est une promesse d’Emmanuel Macron qui s’est engagé à mieux les prendre en charge. Le marché représente 158 millions d’euros remboursés par l’assurance-maladie par an. Mais dans le projet de texte en cours d’examen au ministère de la Santé, la Direction de la sécurité sociale « veut rembourser à 100 % les fauteuils roulants dont les véhicules électriques, sauf que ce projet est projeté à enveloppe constante. Donc on baisse les remboursements sur les fauteuils roulants mécaniques pour pouvoir rembourser les fauteuils roulants électriques, détaille Guillaume Racle. Sur certaines lignes, les prix sont divisés par 3 ! Quelle soutenabilité pour le secteur ? » Il est en effet prévu que la location hebdomadaire passe à 3,90 euros – là où il faut compter 10 euros pour atteindre l’équilibre – et ne dépasse pas les 26 semaines, rapporte Julien Chauvin. Le forfait de livraison serait quant à lui supprimé.
Les prestataires craignent surtout un accès moindre à ces dispositifs (moins de stocks, délais de livraison plus long…). « Le risque c’est qu’avec ces tarifs, on aille vers un désarmement en pharmacie de la mise à disposition des fauteuils roulants mécaniques, poursuit Guillaume Racle. Or, ce sont des fauteuils indiqués pour la perte d’autonomie, une immobilisation provisoire, un patient âgé… Mais ils ne seront plus disponibles et avec un reste à charge important. »
Cette réforme, que le gouvernement a poussée au forceps pour sortir avant le 7 juillet, serait finalement examinée par le prochain gouvernement. Sur cette mesure, au moins, les pharmaciens ont gagné un peu de temps.
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