Nutrivigilance et compléments alimentaires

Mieux déclarer les effets indésirables

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Publié le 26/04/2018
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Instaurée en 2009, la nutrivigilance à la française présente un dispositif unique permettant la surveillance de certaines catégories d’aliments, notamment les compléments alimentaires. Face à une sous-déclaration chronique des effets indésirables, l’ANSES appelle les pharmaciens à la rescousse.

Parmi les missions de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, l’environnement et le travail), la vigilance sanitaire s’est développée dans différentes catégories de produits (pharmacovigilance vétérinaire, toxicovigilance, etc.). C’est ainsi qu’est née la nutrivigilance, qui se consacre non pas à l’ensemble de l’alimentation, mais à quatre types de produits au premier rang desquels figurent les compléments alimentaires puisqu’ils trustent « plus de 90 % des déclarations d’effets indésirables en nutrivigilance », note Gwen Vo Van-Regnault, chargé de mission nutrivigilance à l’ANSES. S’y ajoutent les aliments enrichis comme les boissons énergisantes, les nouveaux aliments qui n’existaient pas ou étaient peu utilisés avant 1997 et les denrées destinées à des populations spécifiques comme les denrées à fins médicales.

Sous-déclaration

Une création nécessaire car certains ingrédients dans les compléments alimentaires ont une activité pharmacologique qui peut entraîner des effets indésirables. Ces produits ne nécessitent pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM), une simple notification par voie électronique à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) suffit. « Les compléments alimentaires sont destinés à une grande diversité de population, y compris des personnes sensibles comme les enfants, les femmes enceintes ou les personnes âgées. Ils sont présents dans de nombreux circuits de distribution et leur consommation est en hausse », souligne Gwen Vo Van-Regnault. Depuis la création du réseau de nutrivigilance, l’ANSES a reçu 3 350 déclarations d’effets indésirables, dont 938 exploitables, « c’est-à-dire entrant dans notre champ de compétence et suffisamment documentés pour être analysés ». Des chiffres qui souffrent d’une forte sous-déclaration. En 2016, 40 % des signalements étaient issus des centres régionaux de pharmacovigilance, 21 % des industriels, 13 % de l’hôpital et seulement 11 % des pharmaciens. C’est pourquoi l’ANSES compte sur les confrères pour s’investir dans la déclaration des effets indésirables imputables aux compléments alimentaires.

« En 2009, nous avons relevé 9 cas d’hémorragie sévère dus à une confusion. Des personnes souffrant de troubles de la vue se sont vues prescrire par leur médecin le complément alimentaire PreserVision mais le pharmacien leur a délivré, certainement parce que l’écriture sur l’ordonnance était difficile à déchiffrer, du Previscan 20 mg… L’ANSES a communiqué spécifiquement sur ce problème vers les professionnels de santé, et depuis 2010 nous avons relevé 3 cas de confusion », détaille Gwen Vo Van-Regnault. Outre ce type de cas, l’ANSES peut aussi s’autosaisir pour mener des enquêtes poussées, ce qu’elle a fait sur des produits comme la levure de riz rouge, la spiruline ou récemment sur la mélatonine. Pour mener à bien cette mission, l’ANSES s’appuie sur le signalement d’effets indésirables. C’est pourquoi Gwen Vo Van-Regnault conseille aux officinaux confrontés à des effets indésirables chez leurs patients, de les « interroger aussi sur leur consommation de compléments alimentaires ».

D'après une conférence Pharmagora Plus.

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3431