« IL EST APPARU utile dans l’intérêt de la santé publique que les deux académies mettent leur expérience et leurs compétences respectives dans un débat qui est loin d’être clos », affirment les Prs Claude Jaffiol, Jean-Paul Laplace, tous deux membres de l’Académie de médecine, et le Pr Pierre Bourlioux, de l’Académie de pharmacie. Dans leur rapport rédigé au nom des deux académies*, ils précisent l’objet de leur inquiétude : la présentation au public, depuis une quinzaine d’années, d’aliments ou de compléments alimentaires « qui se sont approprié des propriétés santé, pour ne pas dire thérapeutiques, le plus souvent non prouvées », tandis que « des accidents ont été rapportés lors de la consommation de préparations à base de plantes prétendument amaigrissantes ».
La réglementation européenne promulguée fin 2006 vise certes à un meilleur contrôle, mais, regrettent les académiciens, sa mise en œuvre « traîne en longueur ». S’ils affirment d’emblée « soutenir sans réserve les principes » de ce règlement européen qui prévoit que toute allégation de santé ne doit être accordée que si le promoteur apporte des arguments scientifiques convaincants, ils en soulignent les écueils : liés en particulier à la conception même des règles qui permettent à un produit de bénéficier d’une allégation et à l’absence de consensus pour définir la notion de « profil nutritionnel », indispensable à l’homologation d’une allégation. Les académiciens rappellent aussi que, parmi les difficultés d’application du règlement européen, figure l’opposition de certains États membres, « soucieux de préserver les intérêts économiques de grands groupes de pression ».
« Il est indispensable, déclarent-ils, de mettre de l’ordre dans une situation anarchique où dominent trop souvent des intérêts commerciaux au détriment de la santé publique. »
Analyse bénéfice-risque.
Dans leurs recommandations, ils proposent de renoncer à la notion de profils nutritionnels, « trop arbitraire », qui conditionne l’autorisation à alléguer à une composition de l’aliment compatible avec des normes garantes de tout risque pour la santé. Toutefois, ces limites de normalité sont fixées arbitrairement et peuvent varier en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques, font observer les académies. Ils suggèrent plutôt un étiquetage spécifique qui précise sur les produits autorisés l’avantage (allégation) mais aussi les inconvénients que peuvent apporter certains nutriments (excès de sucre, sel, acides gras trans).
La sélection des produits autorisés devrait, selon eux, se fonder non seulement sur la démonstration scientifique de l’effet allégué mais aussi sur la pertinence en termes de santé publique d’une mise sur le marché du produit et sur une analyse bénéfice-risque approfondie.
Le nombre de denrées alimentaires susceptibles de porter l’allégation doit être limité. Un des effets pervers de la réglementation est, disent les académiciens, d’imposer un modèle alimentaire et nutritionnel au détriment des usages alimentaires nationaux. « L’alimentation est un tout où s’associent des aspects très divers desquels on ne saurait exclure le contexte sociologique et convivial, rappellent-ils. Il est à craindre qu’une trop large place faite au contexte nutritionnel pur n’aboutisse à étioler nos traditions alimentaires. »
Concernant les compléments alimentaires, ils souhaitent qu’une distinction soit clairement établie entre compléments (produits bien définis et caractérisés, utilisés en cas de carence ou de déficience alimentaire) et suppléments alimentaires (produits à base de plantes non destinés à compléter une alimentation normale). L’utilisation des compléments doit relever du conseil médical et pharmaceutique tandis que, sur les emballages, les académiciens souhaitent que soit apposée une mention précisant qu’ils peuvent être à l’origine d’une incompatibilité avec certains médicaments.
À propos des produits à base de plantes, considérés à la fois comme des médicaments ou comme des suppléments, les académiciens souhaitent qu’ils sortent du règlement européen et bénéficient d’une réglementation spécifique. Une liste de plantes autorisées avec leurs conditions d’emploi devrait être publiée.
Enfin, l’éducation et l’information du consommateur devraient se faire via les professionnels de santé « en veillant à ce que ces derniers aient une formation en nutrition et en pharmacologie suffisantes », précisent-ils.
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