La question des effets des médicaments sur l'environnement, que ce soit au niveau de leur production ou de leur utilisation par les patients, est de plus en plus souvent posée. « Devrons-nous un jour renoncer à un médicament à cause de ses effets sur l'environnement ? », s'interroge Éric Baseilhac, président de l'Association du bon usage du médicament (ABUM).
Depuis 2006, l'Union européenne impose aux industriels d'évaluer les risques environnementaux dans tout dossier d'AMM, mais celui-ci ne pourra être refusé au seul motif que le médicament en question pose problème sur ce critère (hormis pour les médicaments vétérinaires). « Nous sommes dans une période critique, estime Thomas Borel, directeur scientifique du LEEM (Les entreprises du médicament). Il faut agir sur l'impact environnemental, mettre sur le marché des produits pertinents, tout en étant capable d'alimenter le marché, résume-t-il en faisant allusion à la problématique des tensions d'approvisionnement. Si le critère environnemental joue sur l'autorisation ou non d'un produit, il faut se poser la question des conséquences que cela va générer, il faut trouver un équilibre entre les contraintes et l'incitatif », analyse Thomas Borel, qui émet au passage des doutes sur une mesure récente censée limiter le gaspillage : la dispensation à l'unité. « Rien ne prouve aujourd'hui que ce dispositif est efficace, d'autant plus que l'on perd le bénéfice offert par la traçabilité du produit, étant donné qu'on ne peut pas assurer la sérialisation. De plus, cette mesure est chronophage pour les officinaux », observe-t-il.
Trouver des solutions sans aggraver les pénuries
Pour réduire l'impact environnemental des médicaments, les industriels concentrent leurs efforts sur l'écoconception. « C'est un défi majeur pour protéger la planète, mais aussi répondre aux attentes des patients, souligne Laure Lechertier, directrice responsabilité sociale chez UPSA. L'écoconception vise à intégrer la question de la protection environnementale dès la conception du produit et, ensuite, sur toute sa vie, c'est une approche globale. Il s'agit notamment d'avoir davantage recours aux fournisseurs en local pour favoriser les circuits courts », résume-t-elle. Selon Laure Lechertier, ces changements de procédés, s'ils sont parfois imposés par la loi, doivent être perçus par les producteurs comme « de nouvelles opportunités ». Pour Valérie Faillat, membre de l'Académie nationale de pharmacie, nous sommes face à « un véritable virage avec la prise en compte des enjeux environnementaux. Cela dit, il y a des idées inspirantes que l'on pourrait suivre, comme sur la durée de validité des médicaments, aujourd'hui fixée autour de 3 ans, on pourrait essayer de pousser un peu plus, pense-t-elle. Aujourd'hui, on constate qu'il y a toujours une approche segmentée entre production, utilisation et fin de vie du médicament. Au contraire, sur le sujet de la résistance antimicrobienne il y a une véritable approche transversale et cela fonctionne. Il est fondamental de prendre la chaîne de valeur dans sa globalité et surtout veiller à ce que le système normatif n'augmente pas le risque de pénuries », avertit Valérie Faillat.
Le rôle du pharmacien pour sensibiliser les patients
Changer certaines habitudes de consommation chez les patients peut aussi permettre de limiter considérablement l'impact environnemental du médicament, en plus d'avoir un effet très positif en matière de santé. Sur cet aspect, le pharmacien d'officine a bien sûr un rôle prépondérant à jouer. « La convention pharmaceutique signée en 2022 intègre des problématiques environnementales. C'était la première convention a le faire, tient premièrement à rappeler Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Sur la question environnementale, la relation pharmacien-patients concerne notamment un aspect : la quantité de médicaments consommés. Il s'agit de sensibiliser le patient sur le bon usage, dire que le médicament a un impact, qu'il doit être pris à bon escient… » Un bon usage qui peut aussi être favorisé par certains outils comme les TROD angine et le dispositif d'ordonnance conditionnelle. « La dispensation adaptée est aussi une bonne solution, malheureusement nous n'avons pas encore trouvé le modèle économique adéquat. Enfin, ce que l'on pourrait aussi envisager c'est adapter le boîtage aux AMM. Un boîtage de 7 jours alors que l'AMM est sur 6 jours, cela ne fonctionne pas », regrette Philippe Besset.
Comme le rappelle Thierry Moreau-Defarges, président de Cyclamed, il convient toutefois d'être prudent avec certains termes. « Je pense que les mots gâchis ou gaspillage ne sont plus adaptés. La consommation de médicaments est en baisse et l'on récupère de moins en moins de médicaments non utilisés. En revanche, on observe que le médicament le plus souvent retrouvé dans les bennes est le paracétamol. Il faudrait sans doute rationaliser les prescriptions d'antalgiques dans notre pays en plus de revoir la durée d'utilisation, revenir à 5 ans comme c'était le cas avant », propose-t-il à son tour.
D'après le 5e forum de l’Association du bon usage du médicament (ABUM), tenu le 30 mai au ministère de la Santé à Paris.
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