Le Quotidien du pharmacien. Aujourd’hui, quelle est la place des soins apportés à la peau ?
Philippe Humbert. Ils sont devenus indispensables dans notre société. Tout d’abord car la peau s’est modifiée avec les générations : elle est moins poilue, plus sèche, sécrète moins de sébum et les peaux « sensibles » ont fait leur apparition. Ensuite parce que l’évolution de notre mode de vie a un impact non négligeable sur la peau : les voyages, le tabagisme, les déséquilibres alimentaires la font souffrir. Enfin, car la peau est devenue un marqueur social. On a « le teint frais » ou « mauvaise mine », on est « bien dans sa peau » Les cosmétiques sont un moyen de répondre tant aux modifications physiologiques et aux agressions physiques de la peau qu’à cette nouvelle norme sociale.
Choisit-on un cosmétique en fonction du type de peau ?
Oui, car une peau grasse n’a pas les mêmes besoins qu’une peau sèche : les principes actifs ne sont pas les mêmes, ni les excipients, car la crème ne s’étale pas de la même façon sur une peau sèche ou grasse. De plus, aujourd’hui, on prend beaucoup en considération les peaux ethniques, qui n’ont pas les mêmes caractéristiques biochimiques (pH, taux de sébum, réseau microcirculatoire), ni les mêmes besoins. Ainsi, les peaux asiatiques n’ont pas besoin d’antirides, mais d’antitaches. De plus, les envies sont différentes selon les pays. Par exemple au Brésil, la population accepte facilement les crèmes collantes, alors que ce n’est pas le cas en France.
Peut-on avoir recours aux dermocosmétiques dans le cadre de pathologies ?
Pas tout à fait, car le cosmétique ne doit pas remplacer un médicament. Néanmoins, s’il ne vient pas traiter une pathologie, il peut l’accompagner. Un soin dermocosmétique peut ainsi cibler les peaux normales à tendance pathologique (peaux à tendance acnéique, eczématique, sèche, etc.) ou encore les peaux fragilisées ou âgées (rides, taches).
Par exemple, il est fréquent d’avoir recours aux dermocosmétiques en accompagnement de traitements de l’acné. On applique un jour la crème antiacnéique puis, le lendemain, le dermocosmétique qui va combattre les effets secondaires du médicament (rougeur, irritation, sécheresse) et qui a des effets anti-comédons. Autre exemple dans l’eczéma : on applique un topique médicamenteux sur les plaques eczémateuses et un cosmétique sur la peau saine (mais sèche) afin de la réhydrater.
Les limites entre cosmétique et médicament ne sont-elles pas parfois floues ?
En effet. Tout d’abord car certaines molécules sont utilisées en tant que médicament dans une indication, et comme cosmétique dans une autre. C’est le cas de l’acide azélaïque, médicament indiqué dans l’acné, mais qui est utilisé comme cosmétique pour venir à bout des taches pigmentaires. Ou encore de l’acide hyaluronique, qui est un médicament indiqué en injection dans l’arthrose et utilisé en tant que cosmétique en crème (antivieillissement, cicatrisant superficiel). En revanche, toute molécule ne peut pas être utilisée comme cosmétique. Certaines n’appartiennent qu’au domaine du médicament. Par exemple, l’aciclovir, même s’il s’avérait être un bon hydratant, n’est pas un cosmétique ! Par ailleurs, il existe une liste négative de substances interdites dans les cosmétiques contenant, entre autres, des substances cancérigènes.
Qu’en est-il des dermocosmétiques de camouflage, notamment dans des pathologies telles que l’acné, la couperose, ou le cancer ? Quel est leur impact psychologique ?
Ce concept assez nouveau est apparu dans les années 2000. Les produits de camouflage ont une utilité : ils permettent au sujet de patienter avant de voir les effets d’un traitement. Par exemple, un médicament contre l’acné peut mettre un mois avant d’être efficace, et le patient a besoin d’être rassuré avec des crèmes masquantes teintées. Aujourd’hui, les dermatologues proposent même des ateliers pour apprendre aux patients à cacher leurs imperfections cutanées. De plus, les cosmétiques de camouflage ont un fort impact sur l’estime de soi et ils accroissent la qualité de vie. Dans le domaine de l’oncologie, il a d’ailleurs été démontré qu’ils augmentent l’efficacité des traitements : les patients atteints de cancers qui se maquillent ont une meilleure tolérance aux traitements et une meilleure qualité de vie.
Quel est le rôle des professionnels de santé dans le conseil de cosmétiques ?
Les patients aujourd’hui sont avides d’informations. Les professionnels de santé sont à même de leur expliquer la composition des cosmétiques (en excipients et en principes actifs) et leurs différences, pour ainsi orienter le sujet sur un choix de produit. Par exemple, pour les peaux sèches, certaines molécules retiennent l’eau, alors que d’autres ont un effet occlusif. De plus, chez les personnes à peau sensible ou chez celles atteintes d’une pathologie affectant la peau, on optera préférentiellement pour certains principes actifs et excipients hypoallergéniques. Cette approche est d’autant plus intéressante si on y allie des mesures biométriques, qui permettent d’analyser les propriétés de la peau (hydratation, taux de sébum, perte en eau) et d’évaluer les améliorations qu’ont apportées les cosmétiques. À l’avenir, les professionnels de santé seront équipés de ces appareils de mesure et pourront ainsi visualiser l’efficacité des cosmétiques.
* Le Pr Philippe Humbert est directeur du Centre d’études et de recherche sur le tégument (CERT) à Besançon, qui étudie la peau et les effets des produits cosmétiques. Ancien chef de service de dermatologie au CHU de Besançon, il est coéditeur de « Measuring the skin : non invasive investigations, physiology, normal constants » (Springer 2004. Réédité en 2017) et auteur de « Plus de 100 questions Beauté et santé de la peau », aux éditions MA, 2016.
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