Le Quotidien du pharmacien. - Le gouvernement se félicite d'avoir dépassé le million de tests hebdomadaires mais les délais sont très longs et les laboratoires sont surchargés… Faut-il continuer à tester le plus largement possible ?
Martin Blachier.- Non, il est temps de revoir complètement notre stratégie de dépistage et de changer de discours. Il faut arrêter maintenant de se vanter du nombre de tests réalisés chaque semaine et prioriser le dépistage pour les personnes qui ont réellement eu un contact à risque, ou qui se trouvent dans des situations particulières, comme celles qui travaillent en EHPAD par exemple. Il faut que ces personnes puissent avoir un résultat le plus vite possible. Sur un million de tests, 5 % sont positifs et 40 % se révèlent être des faux négatifs. Environ deux tiers des gens qui viennent se faire tester pensent avoir été en contact avec une personne infectée, les gens surestiment donc de beaucoup le risque de leurs contacts. Nous ne devons plus inciter toute la population générale à se faire tester, cette stratégie maximaliste n'est pas pertinente. Il faut changer de paradigme et libérer du temps aux laboratoires qui croulent sous les demandes.
Selon des chercheurs américains, les tests RT-PCR seraient trop sensibles et déclareraient positifs des gens qui ne sont en fait pas contagieux. Faut-il entamer une réflexion à ce sujet ?
Sincèrement je pense que c'est un faux sujet. Le débat scientifique est certes intéressant mais à quel niveau faudrait-il fixer le seuil pour déterminer si une personne serait contagieuse ou non ? C'est impossible à évaluer. De plus, nous avons toujours su que les tests RT-PCR étaient très sensibles, il n'y a rien de nouveau. Globalement, il me semble bien plus important de mieux déterminer qui doit être testé que de s'interroger sur les tests eux-mêmes.
Quels moyens doit-on alors employer pour prioriser l'accès au dépistage ?
De nombreuses solutions peuvent être envisagées mais cela peut passer par un questionnaire, qui pourrait être réalisé par un généraliste ou un pharmacien, par exemple. Selon les réponses du patient, on pourra évaluer si ce dernier doit être dépisté en priorité ou s'il peut au contraire attendre. En tant qu'acteur de santé de proximité, le pharmacien me semble parfaitement en capacité de renseigner un patient sur ce point-là.
Au-delà, pensez-vous que le pharmacien peut avoir un rôle plus important concernant le dépistage du Covid-19 ?
Cela dépend avant tout de ce que les pharmaciens voudront faire ou non. Ils peuvent premièrement avoir un rôle important dans le conseil, dans l'éducation thérapeutique. Si un questionnaire devait être rempli en ligne, ils pourraient aider les patients qui rencontrent des difficultés. Je ne pense pas que les pharmaciens voudront un jour pratiquer des tests RT-PCR mais ils pourraient en revanche proposer des tests salivaires. Si je n'ai jamais cru à l'intérêt des tests sérologiques, notamment parce que des gens contaminés ne développent pas toujours des anticorps, je pense en revanche que les tests salivaires vont devenir un sujet majeur d'ici peu. Les laboratoires étant au bord de l'explosion il serait intéressant que les pharmaciens puissent en réaliser dès qu'ils seront disponibles.