Monomaniaque de la biodiversité, naturaliste forcené, membre hyperactif de sociétés savantes*, créateur de sa propre marque de médicaments, le pharmacien Isidore Maranne a constitué des collections foisonnantes** qui ont marqué l’histoire de Périgueux. Pourtant, on ne sait presque rien sur l’homme qu’il fut. Il ne subsiste même aucune photo de cet étonnant pharmacien.
Né en 1880, à Chanterelle (Cantal), Isidore Maranne est fils d’instituteurs. Il fait ses études à la Sorbonne et devient, en 1906, pharmacien de première classe. Il rentre alors dans le Cantal pour ouvrir sa première pharmacie à Allanche, et commence à herboriser frénétiquement. Il publiera en 1916 une « Flore des hauts plateaux basaltiques du Massif Central » qui représente huit années de travaux acharnés.
Portrait-robot d’un homme mystérieux
Parenthèse dans une vie entièrement vouée à la science, il se marie en 1909. Il divorcera en 1915, sans même se rendre au tribunal. « Il ne semblait pas beaucoup s’intéresser aux femmes, suggère Myriam Grenier, directrice adjointe, chargée des collections du musée d’art et d’archéologie du Périgord*** qui possède l’ensemble des collections dites « Maranne ». Comme nous n’avons retrouvé aucune photo de lui, il faut se contenter des indications de son livret militaire : 1m56, cheveux châtains, yeux bleus, nez fort, visage ovale… » Voilà tout ce que l’on sait de cet homme qui fut réformé pour une très forte myopie et échappa ainsi aux horreurs de la première guerre mondiale.
En 1917, Isidore Maranne quitte le Cantal pour Périgueux où il ouvre sa seconde officine, au numéro 14 du cours Fénelon. Il poursuit ses collectes de plantes, minéraux, animaux, insectes, publie dans des revues scientifiques ou de vulgarisation comme dans « le Chasseur Français », dans les journaux locaux pour lesquels il va jusqu’à rédiger des bilans météorologiques annuels de la Dordogne. On le voit, rien dans la nature, n’échappe à son analyse.
Il échange également correspondances et collections avec d’autres naturalistes de France (Hippolyte Coste) et d’outre-mer. En 1923, il ouvre un cabinet d’histoire naturelle dans une annexe de son officine pour faire partager aux Périgourdins ses collections et sa passion de la nature. Chaque mois, il y présente une exposition différente.
Scientina, des médicaments maison
Isidore Maranne ne néglige pas pour autant son officine. Il crée sa propre marque pharmaceutique (Scientina) et s’offre de grands encarts publicitaires dans les annuaires de l’époque, pour présenter ses médicaments : Drobeline (affections des bronches), Régénérateur Scientina (tonique), Scientina purgine (purgatif), Dépurgatone, Pastilles Rosea contre la toux, Poudre porcine Scientina, Poudre ornithophile… Son officine propose également ses services en matière de « détermination de plantes, insectes, roches, maladies des végétaux, recherches documentaire et bibliographique sur toutes questions scientifiques ». Autant de façons de valoriser le savoir encyclopédique de notre pharmacien, qui meurt en 1944. Son exécuteur testamentaire, Charles Leygeret, époux de sa sœur, vend alors ses collections à la ville de Périgueux.
Cet automne, ses 5 000 planches d’herbiers seront l’objet d’un grand chantier de récolement (dépoussiérage, congélation, reconditionnement, photographie, informatisation…) mené par le musée d’art et archéologie du Périgord. Une exposition pourrait être ensuite présentée au public. L’occasion d’entrer dans l’univers fabuleux d’Isidore Maranne.
* Société botanique de France, Académie internationale de botanique, Société historique et archéologique du Périgord…
** 5 000 planches d’herbiers, 29 boîtes d’échantillons végétaux, 34 boîtes d’insectes, 13 boîtes de coquillages, 24 boîtes de minéraux, plusieurs caisses d’essences de bois et 188 animaux naturalisés.
*** Musée d’art et d’archéologie du Périgord – 22 Cours Tourny – 24 000 Périgueux – Tél. : 05 53 06 40 70 - maap@perigueux.fr