Après une période test très positive, en janvier, pendant laquelle ils ont assuré l’approvisionnement des EHPAD en doses de Pfizer, les officinaux ont pu se lancer dans la vaccination en centres, puis très rapidement dans leurs murs. Les pharmaciens français ont ainsi compté parmi les premiers officinaux européens à vacciner contre le Covid. Une mission qui n’a été confiée à certains de leurs voisins européens qu’en fin d’année, et encore, du bout des lèvres.
Cette nouvelle mission, qui a suscité l'adhésion de 18 000 titulaires, ne s’est cependant pas mise en place sans heurts. Car les officines ont dû paramétrer leur organisation au gré des approvisionnements, Et surtout, comme elles l’avaient fait pour les masques, elles ont dû assurer la prise des commandes pour elle–mêmes ainsi que pour les autres professionnels de santé, médecins et infirmières, puis sages-femmes et chirurgiens-dentistes. Un rythme de croisière s’est cependant instauré au fil de l’eau avec une inscription au portail en début de semaine pour une livraison dix jours plus tard. Nul besoin de préciser que ces impératifs ont requis souplesse, tolérance et talents d’improvisation de la part des équipes officinales.
Une organisation complexe
C’était sans compter sur un autre aléa, survenu au printemps : les révélations sur les effets indésirables, rares mais possibles, du vaccin AstraZeneca, puis du vaccin Janssen, qui ont hypothéqué la confiance des patients. Jusqu’à assécher définitivement les approvisionnements des officines dans ces vaccins. Mais une nouvelle fois, la ténacité de la profession a payé. Alors que le Pfizer et le Moderna étaient jusqu’alors exclusivement réservés aux centres de vaccination, les officinaux ont réclamé pouvoir utiliser ces vaccins à ARN messager, plébiscités par les Français. Leur détermination et leurs arguments ont rapidement eu raison des objections des autorités sur les modes de conservation des doses. N’avaient-ils pas donné les preuves de leur sérieux lors de l’approvisionnement des EHPAD en janvier ? Un frigo d’une salle des fêtes convertie en centre de vaccination serait-il supérieur à l’enceinte de l’officine ?
Une nouvelle fois, l’accélération de l’épidémie et l’urgence de vacciner les jeunes de 18 à 30 ans, puis les adolescents, ont fini par faire céder les dernières réticences d’un gouvernement encore soumis aux pressions du corps médical. Fin mai, le Moderna, premier vaccin à ARN messager, franchissait le seuil de l’officine. Au fur et à mesure que la période estivale tirait à sa fin et que la rentrée se rapprochait, la campagne vaccinale s’est emballée à l’officine, mobilisant une grande partie de l’énergie des équipes également absorbée par les tests antigéniques. Toutefois, bien qu’ardemment souhaité, le Comirnaty (Pfizer-BioNTech), qui a fait son entrée en officine début octobre, a apporté une nouvelle complexité à l’organisation officinale. Car là il fallait désormais anticiper 7 rendez-vous pour utiliser un flacon de ce nouveau vaccin, parallèlement à l’injection de 12 doses de Moderna en doses pleines et même bientôt de 24 pour les demi-doses de Moderna requises pour les rappels.
Le Pfizer contingenté
Très vite, un autre obstacle a surgi dans la campagne vaccinale. Le manque de personnels s’est cruellement fait ressentir. Et ce alors même que les préparateurs étaient autorisés à vacciner contre le Covid, depuis le 28 juillet, mesure prise dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Car les centres de vaccination et leurs tarifs alléchants - 212 euros la demi-journée pour un pharmacien - ont détourné plus d’un diplômé d’une vacation en officine. Et privé celle-ci d’un précieux renfort. Fin novembre, à l’arrivée de la cinquième vague précipitant les rappels en population générale, les ressources humaines se sont à nouveau taries avec la réouverture des centres de vaccination.
Fort heureusement, les étudiants peuvent désormais, dès la quatrième année, vacciner contre le Covid et ainsi prêter main-forte à l’officine. Une officine désormais autorisée, depuis l’arrêté du 9 décembre et jusqu’au 31 janvier, à lever le rideau le dimanche pour la vaccination. Mais alors qu’un titulaire sur dix serait prêt à vacciner le dimanche, selon un sondage informel de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le principal frein à l’accélération de la campagne reste l’approvisionnement en vaccin Pfizer.
En effet, cette nouvelle force de frappe estimée à 200 000 injections par dimanche risque d’être anéantie faute de vaccins disponibles. Plus précisément de vaccins Pfizer, contingentés à 2 flacons par semaine et par effecteur jusqu’à la fin de l’année. Une aberration que n’ont pas manqué de souligner les pharmaciens prêts à en administrer au moins dix fois plus. Certes les vaccins Moderna restent disponibles en quantité illimitée. Mais charge aux officinaux de convaincre leurs patients d’accepter ce produit, équivalent à son homologue à ARN messager, mais victime d’une désaffection de la part du grand public. Résultat, des titulaires et des équipes officinales au bout du rouleau doivent déployer une énergie supplémentaire pour faire preuve de pédagogie auprès de leurs patients réticents. Une nouvelle mission qui commence à exaspérer plus d’un pharmacien. Ils ne sont pas rares à fustiger la désorganisation d’un ministère qui, en plus, s’apprête à ouvrir la vaccination aux enfants de 5 à 11 ans.