Six ans après le Brexit, les Anglais sont déçus. Ils ont cru aux mensonges de Boris Johnson qui leur annonçait des économies énormes sur la Sécurité sociale. Ils ont cru que les problèmes de l'immigration seraient rapidement réglés. Ils constatent non sans amertume qu'ils ont été blousés, ce qui ne facilite pas la tâche du Premier ministre conservateur, Rishi Sunak, qui se débat le dos au mur avec les lourds dossiers sur l'état désastreux du service public. On insiste beaucoup sur les perspectives des prochaines élections générales qui pourraient mettre le Labour Party au pouvoir. C'est un plan sur la comète. Les travaillistes mènent une campagne acharnée contre les Tories, mais ils ne mentionnent guère un retour éventuel dans l'Union dont ils ne savent si c'est un bon ou mauvais argument. Soixante pour cent en faveur d'un retour à l'Union, cela signifie que 40 % restent attachés au Brexit : une recette pour une division durable du peuple britannique.
Les Européens pourraient adopter une attitude condescendante et humiliante, ils n'en font rien. D'abord parce que M. Sunak n'a rien avec voir avec les frasques de Boris Johnson, qui a quitté le Parlement et est redevenu journaliste, ensuite parce que la Grande-Bretagne a assez d'importance dans le monde pour ne pas être marginalisée. Emmanuel Macron, pour sa part, plus à l'aise avec Sunak qu'avec Johnson, ne manque jamais de relancer les projets commmuns, notamment pour la défense. Le Royaume reste un allié au sein de l'OTAN et grâce à l'accord de Brexit qui régit les relations commerciales avec l'Europe.
Biden a déçu les Anglais
Les Anglais, qui espéraient une coopération exceptionnelle avec les États-Unis ont aussi été déçus par Joe Biden, président des États-Unis qui n'a jamais considéré que le Brexit offrait à Londres une relation privilégiée avec Washington. Il est peut-être utile de dresser le bilan désastreux de Boris Johnson, mais il vaut mieux ouvrir de nouvelles perspectives que de se lamenter sur le passé. On ne peut en effet ignorer le poids du Royaume-Uni dans le monde et on doit se féliciter de la position extrêmement ferme adoptée par les Anglais au sujet de l'invasion de l'Ukraine, tant et si bien que la Grande-Bretagne a la priorité dans les promesses de représailles nucléaires russes.
L'Ukraine, en quelque sorte, a compensé le Brexit, dans la mesure où la guerre a arrimé solidement la Grande-Bretagne à l'OTAN. Le risque n'existait pas d'une rupture avec l'organisation atlantique mais au moins est-elle renforcée. Cependant, s'il est vrai que les Anglais sont déçus par la position américaine, ils font confiance à Washington. Même si Donald Trump était réélu président, il n'oserait sans doute pas envoyer le Royaume-Uni aux pelotes, comme il le fait habituellement avec la plupart des alliés historiques des États-Unis. Il s'agit d'un phénomène politique caractérisé par l'ascension du populisme dans le monde qui crée nombre d'incertitudes. Boris Johnson a été évincé, affaire nationale, alors qu'il pouvait être l'interlocuteur favori de Trump. Lequel n'est pas au pouvoir, heureusement, ce qui offre quelques atouts à Rishi Sunak. Une série d'élections générales dans quelques pays clés va modifier la donne diplomatique et toute prévision est prématurée.
Emmanuel Macron connaît ces complexités et c'est pourquoi il a tourné résolument la page du Brexit sans s'en prendre à M. Johnson. Car il n'y a pas que le commerce, il y a la défense européenne, qui doit être solidaire et vigoureuse, et pour laquelle le président français donne des gages budgétaires tous les jours. Contrairement à ceux qui le critiquent en toutes circonstances, c'est un diplomate qui répare vite ses erreurs et qui s'efforce de constituer en Europe une force tactique et stratégique capable de faire réléchir le sieur Poutine.