Les prescriptions pour traitement hormonal de la ménopause (THM) se sont littéralement effondrées ces vingt dernières années. De 2 millions de femmes sous traitement en 2002, elles ne sont plus que 550 000 en 2024, soit environ 8,7 % des femmes de 50 à 64 ans, a estimé le Dr Alain Tamborini, gynécologue obstétricien à Paris, lors du 33e Salon de gynécologie obstétrique pratique qui s’est tenu du 13 au 15 mars derniers. « Moins de femmes traitées, moins longtemps, avec des doses plus faibles », résume-t-il.
La faute à la publication, en 2002, de l’étude américaine WHI (Women’s Health Initiative), première étude à grande échelle (16 608 femmes ménopausées de 50 à 79 ans entre 1993 et 1998) qui comparait un THM à un placebo, dont on n’a finalement retenu que les conclusions : l’administration par voie orale d’estrogènes conjugués équins (ECE) et d’acétate de médroxyprogestérone (MPA) entraînait une augmentation significative du cancer du sein, des infarctus du myocarde, des accidents vasculaires cérébraux et du risque thrombo-embolique veineux (phlébites et embolies pulmonaires). Et moins les limites. « Cette étude a été réalisée chez des femmes majoritairement à distance de la ménopause (plus de 10 ans), d’âge moyen de 63 ans et dont 2/3 étaient en surpoids voire obèses, ce qui explique notamment la plus grande fréquence des accidents cardio-vasculaires chez les femmes traitées par rapport à celles ayant reçu le placebo. De plus, les doses d’hormones administrées étaient importantes pour cet âge », explique le Groupe d’étude de la ménopause et du vieillissement hormonal (GEMVi). Mais le mal était fait. « Les étudiants qui avaient entre 20 et 30 ans en 2002 sont maintenant des médecins de 40 à 55 ans élevés dans le doute vis-à-vis du THM », remarque le Dr Alain Tamborini.
Redorer son blason
« Les publications depuis 20 ans nous montrent qu’il n’y a pas à être frileux vis-à-vis de la prescription du THM », tranche le Dr Brigitte Letombe, gynécologue au CHRU de Lille (Nord), membre du GEMVi. Les recommandations pour le THM français vont dans le même sens. « Compte tenu des risques associés à ces traitements et comme elle l’avait conclu dans ses précédents avis, la HAS reconnaît l'intérêt d'un traitement des troubles symptomatiques de la ménopause lorsque les femmes en sont très gênées », assurait la Haute Autorité de santé dans ses dernières recommandations sur les médicaments de la ménopause, qui datent de 2014, insistant néanmoins sur la « nécessité d’une prescription à dose minimale et pour une durée limitée ».
En 2022, « il y a eu un travail des cardiologues, des endocrinologues et des gynécologues européens qui ont émis un consensus sur l’intérêt, la balance bénéfice/risque du traitement hormonal. C’est le meilleur des traitements pour la qualité de vie, pour prévenir la perte osseuse, pour améliorer les troubles de l’humeur et qui peut réduire les pathologies cardiovasculaires », poursuit le Dr Letombe. La Société nord-américaine de la ménopause (NAMS) confirme, et recommande, en 2022 : « La personnalisation et la décision partagée avec réévaluation régulière restent la clé. »
Introduire le traitement au bon moment
« En débutant le THM dans les 10 ans après le début de la ménopause (au mieux dans les 5 ans), on respecte la fenêtre d’intervention thérapeutique. Les études les plus récentes ont montré une balance bénéfices/risques positive pour le THM chez les femmes de 50 à 60 ans », assure le GEMVi qui souligne aussi l’importance des hormones « naturelles » féminines (estradiol et progestérone) à dose minimale efficace et de l’utilisation préférentiellement cutanée des estrogènes pour diminuer le risque veineux.
Quant au risque de cancer du sein, qui fait tant peur dans l’étude WHI, « il est de 2 cas supplémentaires pour 1 000 femmes prenant un THM pendant 5 ans, de 6 cas pour 1 000 femmes prenant un THM pendant 10 ans et de 12 cas pour 1 000 femmes traitées pendant 15 ans (en sachant que le risque hors THM, pour une femme entre 50 et 60 ans est de l’ordre de 50 cas pour 1 000 femmes). Ce risque se normalise 2 à 5 ans après l’arrêt du traitement », assure le GEMVi.
Le THM reste contre-indiqué en cas d’antécédent personnel de cancer du sein.