Le Quotidien du pharmacien. - Quels sont les problèmes actuels que vous identifiez en ce qui concerne la prescription en pédiatrie ?
Pr Sonia Prot-Labarthe. - J’aimerais d’abord souligner, qu’heureusement, les problèmes sont moins nombreux en ville par rapport à l’hôpital, en termes de fréquence de prescription.
Cela étant, des interrogations importantes apparaissent en l’absence d’AMM pédiatrique ou quand celle-ci ne correspond pas à l’ordonnance. Les pharmaciens peuvent se sentir démunis devant une telle prescription, notamment quand l’indication ou la posologie interrogent et qu’il s’agit d’un médicament destiné à l’adulte. Peut-on dispenser ? Comment peser la balance bénéfices/risques ? Jusqu’où aller ? Comment échanger avec le prescripteur ? Quelle prise de responsabilité cela implique-t-il ?
Dans ce cas, il convient d’aller au-delà des monographies.
D’autres problèmes peuvent être liés à des difficultés de compréhension des parents et occasionner des erreurs d’administration.
Existe-t-il selon vous des formes galéniques plus à risque que d’autres ?
Je ne connais pas de présentations qui ne puissent pas être à l’origine d’erreurs. Il faut partir du principe que tout est possible et que quelque chose qui nous semble anodin ou évident peut perturber les parents de l’enfant. Et avoir toujours cela présent à l’esprit.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?
Une erreur type concerne la reconstitution d’une forme orale liquide, pouvant aboutir à une sur ou sous dilution et donc in fine à un sur ou sous-dosage. Une autre, sans doute plus fréquente, réside dans les mesurettes, cuillères et autres pipettes doseuses, qui ne sont pas interchangeables. Sans compter les erreurs multiples liées à une mauvaise interprétation des graduations.
Dans l’asthme, attention aussi aux chambres d’inhalation qui peuvent être mal utilisées.
Il convient aussi de lutter contre la corticophobie pour les dermocorticoïdes utilisés dans la dermatite atopique. Dans un autre ordre d’idée, il ne faut pas se lasser de rappeler aux parents les règles de bon usage des collyres, notamment : appuyer sur le coin interne de l’œil au moment de l’instillation et bien essuyer l’excédent de collyre sur la joue (pour éviter son ingestion ou un passage transcutané chez les très jeunes enfants).
Quelle attitude adopter au comptoir ?
Plutôt que de se lancer dans de grandes explications d’emblée, il me semble préférable, après avoir ouvert le conditionnement, de demander aux parents ce qu’ils ont compris de la prescription. On identifie ainsi très vite ce qu’ils n’ont pas compris ou ce qui les perturbe ; autant de sources potentielles d’erreurs.
Quels outils recommandez-vous aux officinaux ?
En complément des monographies, je recommande, notamment Pediatric and Neonatal Dosage handbook, un ouvrage en anglais, très pratique, mis à jour tous les deux à trois. On peut citer aussi une base suisse (SwissPedDose). Ainsi que l’outil POPI (Pédiatrie omissions et prescriptions inappropriées) que nous avons créé il y a une dizaine d’années et qui traite des pathologies quotidiennes de la ville. Accessible en ligne sur le site de la SFPC – Société française de pharmacie clinique (https://sfpc.eu/pediatrie/), nous espérons que POPI sera interfacé avec des logiciels de prescription et de dispensation ainsi que de le décliner sous forme d’une application.
Enfin, je ne peux que recommander aux confrères de consulter le site de la SFPC qui comporte de nombreux outils pratiques et recommandations, voire d’adhérer à cette société savante s’ils le souhaitent, et de prendre connaissance de la lettre d’information régulière réalisée par le groupe Pédiatrie que j’anime.