Le Dr Cyrille Hoarau, du CHRU de Tours, compare le mécanisme de l'immunité au yin et au yang. Effectivement, l'immunité fait intervenir deux composantes à la fois opposées et complémentaires.
Tout d'abord une grande réactivité défensive avec la reconnaissance et l'élimination des cellules pathogènes.« Cette capacité de réagir rapidement à toute substance jugée suspecte, appelée immunogénicité, repose initialement sur l'immunité innée capable de produire des cytokines pro-inflammatoires en grandes quantités. Elle est relayée par l'immunité acquise ou adaptative qui permet la production d'effecteurs qui, en plus des cellules immunitaires innées, vont neutraliser, puis détruire la cellule infectée. En parallèle, l'enjeu du système immunitaire est de conserver une tolérance immunologique envers un grand nombre d'organismes inoffensifs. Cette intervention met en jeu des régulateurs qui vont éviter à l'organisme de s'autodétruire ou de rejeter des cellules saines. » Cet équilibre doit être respecté car lorsque les effecteurs prennent le pas sur les régulateurs apparaissent des maladies dites dysimmunitaires inflammatoires ou allergiques. Les cellules immunitaires ont besoin d'être éduquées, puis entraînées en permanence pour réagir efficacement contre les germes pathogènes, tout en respectant ceux qui ne présentent aucun danger.
Plusieurs études ont confirmé que le microbiote intestinal servait d'aiguilleur pour mettre le système immunitaire sur la bonne voie. Le microbiote et l'immunité innée vont établir une liaison constante faisant intervenir des récepteurs spécifiques (TLR) qui vont contribuer à faire le tri parmi les structures microbiennes pour déclencher une réponse antivirale protectrice. Ils vont également réguler l'abondance des micro-organismes du microbiote afin de maintenir l'intégrité des tissus. Une coopération a également été mise en évidence entre le microbiote et le système immunitaire adaptatif pour amplifier la défense antimicrobienne de l'hôte. Les recherches futures devront se concentrer sur des probiotiques oraux de nouvelle génération spécifiques aux types de virus dans la prévention et le traitement des infections virales, en particulier pulmonaires, via la modulation du microbiote intestinal.
Poumons et intestins même combat antiviral
Les infections respiratoires virales peuvent affecter différents étages de l'appareil respiratoire qui s'étend de la zone ORL (du nez au larynx) à la trachée et aux alvéoles pulmonaires. « Le poumon sain n'est pas un poumon stérile, rappelle le Pr Geneviève Héry-Arnaud, du CHRU de Brest. Les voies respiratoires hébergent un microbiote diversifié qui a un rôle indispensable pour une bonne santé de la sphère ORL et pulmonaire. Sa composition varie en fonction de sa localisation, mais la façon dont il contribue à bloquer la contagiosité des virus ou, au contraire, à faciliter leur acquisition et leurs réplications reste peu connue. » Toutefois, des études suggèrent que le microbiote nasal pouvait être associé à la gravité d'un rhume à rhinovirus et à la quantité de virus circulant dans l'organisme. Une association significative a aussi été établie entre une composition particulière du microbiote nasal et la survenue de la grippe ou du VRS.
Bien que moins évident, le rôle du microbiote intestinal est un autre levier exploitable car il existe une influence réciproque des microbiotes digestif et pulmonaire, tout comme l'immunité digestive est intrinsèquement liée à l'immunité pulmonaire. Il a été démontré qu'une dysbiose intestinale, induite par les antibiotiques par exemple, augmentait les infections respiratoires virales telles que la grippe. À l'état d'équilibre, les bactéries résidentes au niveau intestinal peuvent naturellement soutenir à distance les défenses respiratoires via l'axe intestin-poumon. Les métabolites qu'elles produisent, comme le butyrate ou l'acétate, sont essentiels dans cette lutte contre la survenue de dommages pulmonaires. « Les bactéries intestinales ayant un effet antiviral restent à identifier, mais elles pourraient servir à l'avenir de biomarqueurs pour prédire la gravité et le risque de mortalité de graves infections respiratoires virales », conclut le professeur.
D’après une conférence du groupe PiLeJe.