Ville thermale, Aix-les-Bains n’a pas que ses eaux antirhumatismales à faire valoir. À 2 km de la ville, celles du lac du Bourget offrent aussi de belles occasions de détente. Celui que la reine Victoria, lors de ses séjours dans les années 1880, comparait au Loch Lomond, en Écosse, s’enchâsse entre les montagnes de Savoie. Au sud, il reçoit les eaux de la Leysse. Au nord, il s’échappe par le canal de Savières jusqu’au Rhône. Entre les deux, plus de 3,5 milliards de m3 d’eau douce, soit l’équivalent de la consommation d’eau annuelle en France !
Au fil d’aménagements, les rives d’Aix-les-Bains sont devenues un lieu de promenade. Les deux « marinas » de Grand Port et Petit Port sont reliées par l’Esplanade du lac, longue allée jalonnée de platanes à l’allure de Riviera suisse. Des espaces pris d’assaut aux beaux jours. On y déambule, on y déjeune en terrasse, on s’y prépare pour une activité nautique, voile, paddle, ski nautique, aviron et même plongée sous-marine. Des bateaux de croisière s’échappent du port. Ils cinglent vers les rives abruptes de la montagne du Chat et l’abbaye d’Hautecombe. Au large, quelques barques de pêcheurs font tapisserie – le lac est riche d’ombles chevalier, truites, perches…
Comme le lac d’Annecy, le lac du Bourget présente un bon bilan de santé. Il n’y a quasiment pas d’activités industrielles sur ses rives, les eaux usées sont traitées et plusieurs sites sont sanctuarisés par le Conservatoire du littoral. Même si des roselières sont menacées par les bateaux de plaisance et que des campagnes de ramassage de déchets sont nécessaires pour maintenir en état le géant liquide. Depuis le port d’Aix-les-Bains, le sentier vers la Pointe de l’Ardre démontre cette naturalité : crapauds, castors, hérons, canards, martins-pêcheurs, faucons pèlerins et rares tortues cistudes… font leur nid dans ce secteur.
Brison-Saint-Innocent, la Croix de Meyrieux, Hautecombe
Pour mieux l’apprécier dans son immensité, direction le village de Brison-Saint-Innocent, connu pour abriter les oliviers les plus au nord de France. Depuis le hameau des Granges, commence une randonnée facile et en boucle de 3 h 30 par les crêtes du mont de Corsuet. En grimpant vers la Croix de Meyrieux, le lac s’ouvre à gauche sur la vallée, miroir au jour levant irisé par les premiers rayons du soleil. Au pied du versant opposé, l’abbaye d'Hautecombe se pare de gris et de blanc, au gré des éclaircies. C’est le totem sacré et solitaire d’un lac qui ne compte, sur cette rive ouest, que de très rares édifices.
La Croix de Meyrieux (840 m) offre une parenthèse au paysage lacustre. Vers l’est, la vue s’ouvre sur l’Albanais, région agricole et verdoyante posée entre les massifs du Semnoz et des Bauges. Au sud, elle dévoile la masse sombre du Granier et les lignes neigeuses du massif de Belledonne. À l’ouest, évidemment, c’est le lac et ses rives, avec la presqu’île du port d’Aix-les-Bains, les pavillons résidentiels de Brison et la pointe fine de la Dent du Chat, dressée au-dessus de l’eau. La suite de l’itinéraire est un agréable parcours en montagnes russes sur un sentier forestier tracé sous la crête calcaire du Corsuet. Lorsqu’on parvient à l’embranchement qui redescend à gauche vers le point de départ (panneau « Haut Chambotte, 769 m »), le lac du Bourget devient à nouveau hypnotisant.
Vus d’en haut, de rares bateaux laissent apparaître leurs sillons sur l’eau. Certains filent vers Hautecombe. Après le départ il y a 30 ans des moines bénédictins, l’abbaye a été occupée par une trentaine de sœurs et prêtres d’une congrégation ignacienne. Quelque 80 000 personnes viennent chaque année visiter le site. C’est le plus fréquenté de Savoie. Il faut dire qu’il abrite les sépultures des rois et des reines d’Italie. Savoyarde, Hautecombe était rattachée au royaume de Piémont-Sardaigne et les souverains avaient choisi d’être inhumés ici, dans le décor gothique troubadour de l’église. Depuis la terrasse de l’abbaye, on comprend mieux que, face à l’immensité du lac rendu à sa solitude, leur âme puisse reposer en paix.