Avec plus de 433 000 nouveaux cas chaque année et 157 000 décès, le cancer est la première cause de décès en France. Le taux de participation aux trois dépistages organisés reste néanmoins bien inférieur aux objectifs : en 2021-2022, il est de 34,3 % pour le cancer colorectal, pour une cible de 65 % (qui permettrait d’éviter 5 700 cancers colorectaux et 6 600 décès chaque année) ; et de 47,7 % pour le cancer du sein et de 58,8 % pour le cancer du col de l’utérus, pour des seuils espérés de 70 % pour ces deux localisations.
Les invitations et relances confiées à l’assurance-maladie
Depuis le 1er janvier 2024, la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) a pris la main sur la mise en œuvre des invitations au dépistage et des relances, auparavant confiée aux centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC). Cette transformation, formalisée par l’arrêté du 16 janvier publié au Journal officiel ce 26 janvier, est l’aboutissement d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2022, qui jugeait décevante la participation aux dépistages organisés eu égard aux moyens alloués, et encourageait à investir dans le numérique en misant sur la force de frappe de l’assurance-maladie.
En 2024, seront envoyées 13,6 millions d’invitations à réaliser un dépistage du cancer colorectal, 10,4 millions pour le cancer du col et 5 millions pour le cancer du sein, prévoit la CNAM.
Plus d’1,4 million de personnes en situation de fragilité devraient être contactées par une centaine de téléconseillers de la CNAM
L’assurance-maladie est en outre chargée d’actions d’aller-vers individuelles, à travers des appels téléphoniques de relance pour les personnes n’ayant pas réalisé leur dépistage malgré plusieurs courriers. « Ces appels sont prioritairement orientés vers les personnes éloignées du système de soins », lit-on dans l’arrêté. Plus d’1,4 million de personnes en situation de fragilité devraient ainsi être contactées par une centaine de téléconseillers de la CNAM pour les aider à prendre un rendez-vous chez un soignant ou à récupérer un kit de dépistage du cancer colorectal. Les caisses doivent aussi donner aux médecins traitants la liste de patients éligibles et non dépistés.
La CNAM rappelle d’ailleurs l’existence de trois modalités de remise du test pour le cancer colorectal : sur le site monkit.depistage-colorectal.fr, chez un médecin ou chez un pharmacien. La diversification des soignants pour dépister le cancer du col de l’utérus (gynécologues, généralistes, sages-femmes) doit aussi simplifier son accès. Quant au site jefaismondepistage.e-cancer.fr, il diffuse la liste des radiologues agréés pour le dépistage du cancer du sein.
Les réserves des CRCDC
Les CRCDC, gardent, eux, leur mission de suivi des personnes dépistées et recueillent, enregistrent et traitent les données relatives aux examens antérieurs et antécédents médicaux, aux comptes rendus des examens de dépistage et de diagnostic, et à l’entrée dans une filière de soins des personnes positives au dépistage.
Par ailleurs, si la CNAM est chargée d’actions d’aller-vers individuels, les CRCDC ont toujours des missions d’aller-vers collectives, qui consistent à identifier les territoires et populations prioritaires, et les partenaires locaux avec qui lancer des actions de proximité, ceci sous l’égide de l’agence régionale de santé (ARS) au nom de la lutte contre les inégalités sociales de santé.
Impossible de dire aujourd’hui si le nouveau système d’invitation aux dépistages fonctionnera mieux ; cette modification est un pari
Dr Brigitte Seradour
Ce sont aussi eux qui doivent mobiliser les médecins traitants, les spécialistes et autres professionnels de santé autour des enjeux de la démarche de dépistage.
La présidente de l’Association nationale des CRCDC (ANCRCDC), la Dr Brigitte Seradour, est circonspecte. « Impossible de dire aujourd’hui si le nouveau système d’invitation aux dépistages fonctionnera mieux ; cette modification est un pari », explique-t-elle. « Les gens consulteront-ils leur espace ameli ? Seront-ils convaincus par des relances par SMS ?, interroge-t-elle. L’envoi par l’assurance-maladie ne peut lever certains blocages comme les difficultés d’accès aux radiologues, par exemple, ou l’incompréhension des enjeux par des usagers éloignés des soins ». La présidente s’inquiète aussi du manque de communication auprès des assurés, notamment au sujet de la disparition de la notion de la région. « D’aucuns, n’ayant pas compris que le système devenait national, risquent d’attendre le courrier de leur région », craint-elle.
Plus fondamentalement, la Dr Seradour met en garde contre une gestion purement administrative des invitations, au détriment d’une approche médicale. « Nous observerons d’ici un ou deux ans les conséquences de ce changement. Mais le taux de participation d’un programme de dépistage ne témoigne pas, à lui seul, de sa qualité qui repose aussi sur le suivi des personnes dépistées », conclut-elle.
Les cibles des trois programmes
Le dépistage du cancer du sein s’adresse à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans, sans facteurs de risques autres que l’âge ni symptômes. Il est à réaliser tous les deux ans, via une mammographie et un examen clinique des seins.
Le dépistage du cancer du col de l’utérus concerne toutes les femmes de 25 à 65 ans sans symptômes, vaccinées ou non contre les virus HPV. Entre 25 et 30 ans, deux examens cytologiques sont à réaliser à un an d’intervalle, puis un dernier 3 ans plus tard si le résultat des deux premiers est normal. Entre 30 et 65, un test HPV doit être réalisé tous les 5 ans.
Le dépistage du cancer colorectal est proposé aux deux sexes, à partir de 50 ans et jusqu’à 74 ans : il s’agit d’un test immunologique à réaliser chez soi, tous les 2 ans.