* Considérée comme l’une des meilleures écrivaines actuelles aux États-Unis (« Eat the Document », « Stone Arabia », « les Innocents et les Autres »), Dana Spiotta aborde, à travers la crise du milieu de vie d’une femme, les problèmes d’une Amérique en train de se déglinguer. En 2017, Sam, épouse et mère au foyer qui s’ennuie dans sa banlieue de Syracuse (État de New-York, où vit l’auteure), achète une vieille maison délabrée dans un quartier pauvre de la ville et s’y installe, sans son mari ni sa fille, qui lui tourne le dos. « Indocile » est un livre sur l’amour maternel quand il est confronté à l’émancipation et à l’envol de l’enfant, sur l’amour du couple qui s’érode sans qu’on le veuille, sur une société où règne la misère et la violence tandis que s’étendent le développement personnel et l’individualisme crasse. (Actes Sud, 380 p., 23 €)
* Venue en France à 23 ans après avoir grandi en Pologne, Paulina Dalmayer s’est orientée vers le journalisme (« Aime la guerre ! »). Ont suivi un livre-enquête sur l’euthanasie en Europe et « les Héroïques », dans lequel une septuagénaire atteinte d’un cancer se rappelle les mutations de sa Pologne natale. Dans « les Utopistes », la fille de cette dernière se lance, en compagnie de son amoureux, de son père, de l’ancien amant de sa maman, sur les traces de la malade qui s’est enfuie de l’hôpital, jusque sur les rives du Gange. Si le grand thème du roman est la quête du sacré, l’auteure reste fidèle à la littérature burlesque d’Europe centrale et, pour brosser le portrait de personnages tenaillés par leurs croyances et leurs contradictions, mêle le tragique à l’humour noir, la mort à l’ironie. (Grasset, 512 p., 25 €)
* Journaliste de mode, Virginie Mouzat s’est aussi révélée romancière (« Et devant moi la liberté », le journal imaginaire de l’architecte Charlotte Perriand), et publie un récit plus personnel autour du suicide de sa mère, une femme qu’elle a toujours connue malheureuse. « Le Dernier Mot » n’est pas un règlement de comptes ni une thérapie, mais une enquête intime basée sur l’organisation – supposée – de cette ultime journée, tandis que les souvenirs se mêlent aux questions, souvent sans réponse. (Flammarion, 176 p., 19,50 €)
* « Journal d’un vide » a reçu le prix du meilleur premier roman japonais. Son auteure, Emi Yagi, est éditrice pour un magazine féminin. Ce journal est celui d’une grossesse inventée par Mme Shibata, qui n’en peut plus d’hériter de toutes les corvées parce que, bien que diplômée comme ses homologues masculins, elle est une femme. Le subterfuge réussit pour son plus grand bonheur. Mais voilà que son ventre grossit et qu’elle doit passer sa première échographie... Un récit 100 % féminin et réussi sur le monde du travail et la maternité. (Robert Laffont, 220 p., 20 €)
* Lucille Dupré est la mère de deux enfants débordée. Maaï Youssef a déjà raconté l’expérience récente de ses grossesses arrêtées. « Lettres d’hiver, Lettres d’été » est le fruit d’une correspondance entretenue deux fois par semaine, dans laquelle les deux femmes se racontent et décortiquent les liens entre maternité et création. Dans ce livre hybride correspondance-essai, se révèlent bien d’autres paroles, puisées dans les écrits et dans les interviews d'autres femmes et écrivaines. (Belfond, 336 p., 20 €)
* Retour dans le passé : nous sommes en 1952, sur la base militaire Nevada Test Site où Summer organise un somptueux barbecue « atomique » à l’occasion d’un nouvel essai de la bombe. Elle s’applique pour faire honneur à son mari, le chef du département scientifique de la base. Elle est l’épouse parfaite d’un couple parfait, qui œuvre pour la puissance de l’Amérique avec une confiance aveugle dans le progrès. Or ce même jour arrive Charlie, la femme d’un certain Harry, qui elle n’a rien de docile ni d’effacé ou de faible. Les deux femmes vont se reconnaître dans leur désir de liberté. Elles sont « les Mauvaises Épouses », très justement mises en scène dans le 7e roman de Zoé Brisby, dans une atmosphère de guerre froide nimbée d’une aura de glamour. (Albin Michel, 330 p., 20,90 €)
* Après « Féminine » et « l’Embuscade », inspirés de son expérience dans l’armée, Émilie Guillaumin plonge dans les tréfonds du couple et de la maternité. L’héroïne de « Petites Dents, Grands Crocs » a troqué son quotidien bien cadré de RH dans une grande entreprise pour une année d’écriture et donc de travail très personnel à la maison, près de son mari attentionné quand il n’est pas en déplacement et de leur fils. Sa vie, dès lors, devient – inexplicablement ? – un enfer, qui se traduit par des souffrances et des dégradations autant physiques que morales. Pour écrire cet impossible basculement vers l’intime, l’auteure a choisi la manière forte, dérangeante, voire choquante. (Harper Collins, 268 p., 18 €)