Depuis de nombreux mois, les principales faiblesses de notre système de santé avaient été dénoncées, et la crise sanitaire n’a fait que les révéler au grand jour. Mais ce temps inédit a aussi vu surgir solidarités, initiatives et engagements admirables dans les milieux les plus divers. Quelle analyse peut-on faire à partir de ce qui s’est vécu dans notre monde officinal ?
Imaginez d’abord l’existence de quelques déserts officinaux en France à l’heure du Covid-19 ! Combien de patients habitant aux périphéries de nos villes ou en zones rurales auraient été en rupture de traitement ? Heureusement toutes les équipes officinales se sont révélées irremplaçables pour permettre la continuité des soins : avec l’appui des établissements de répartition, elles ont assuré, avec un engagement sans faille, la dispensation des médicaments et d’autres produits de santé, quitte à se déplacer jusqu’au domicile de leurs patients. Fait non négligeable : ces derniers ont retrouvé le chemin des officines de proximité, ce qui peut nous rassurer sur leur fidélité. Cette crise a donc plus que jamais mis en évidence l’importance de l’homogénéité de notre réseau.
Comme de nombreux autres soignants, nos équipes se sont fortement mobilisées pour rappeler les gestes barrière indispensables et alerter sur les premiers symptômes. Mais ce n’est pas nouveau qu’elles s’investissent dans le domaine de la prévention ! Car, au contact direct des patients, impossible de mettre de côté cette dimension. Pourtant les efforts que nos équipes fournissent quotidiennement ne sont toujours pas reconnus à leur juste valeur ! Cette culture de la prévention est jugée accessoire depuis de nombreuses années par nos responsables politiques, considérant que le curatif est plus gratifiant et plus rémunérateur, et que toute démarche préventive relève plus de la liberté individuelle. Quoi qu’il en soit, les officines restent déterminées à être des lieux de sensibilisation et d’éducation.
Autre constat : face aux pénuries de médicaments qui se multiplient, les officines, comme les établissements de répartition, n’ont pas baissé les bras : car les équipes savent que celles-ci peuvent être dangereuses pour certains patients. Mais elles savent aussi ce qu’ignorent nos concitoyens : ces pénuries représentent un coût majeur pour les officines, qui doivent surmobiliser leur effectif pour faire face aux situations critiques. Situation qui ne va pas s’arrêter de sitôt, étant donné le ralentissement des transports internationaux et les contingentements par pays décidés par les fabricants.
Il serait encore possible d’évoquer la réactivité des équipes pour préparer les solutions hydroalcooliques, leur disponibilité face aux personnes angoissées par la pandémie, leur patience pour dissuader certains patients réclamant de l’hydroxychloroquine et toute leur attention face à des situations de violence conjugale ou familiale… Cette crise sanitaire a démontré d’une manière exemplaire que là où clignote une croix verte, existe un véritable espace de santé et d’écoute. Non pas un lieu dénaturé où s’affichent de multiples promotions pour être en phase avec notre société d’hyperconsommation, mais un espace dans lequel des professionnels compétents se préoccupent de la santé d’autrui, qu’elle soit physique ou morale. Pendant ces semaines où se jouaient des questions de vie et de mort, il s’agissait pour eux de faire face aux impératifs du moment, avec leur savoir-faire et leur savoir-être. Au risque d’être aussi contaminé(e), chacun(e) a pu transcender sa pratique quotidienne en se surpassant, occasion inattendue de se réassurer par rapport au sens à donner à sa vie professionnelle.
Parions que ces moments, qui ont réveillé chez tant d’entre nous le désir du service d’autrui, annoncent un monde qui donne davantage de place à l’humain !