Le Quotidien du pharmacien.- Quelles sont ces nouvelles règles encadrant les promotions ?
Bertrand Cadillon.- Depuis l’introduction de la loi EGalim 1 en 2018, comme vous le savez, les promotions sur les produits alimentaires sont plafonnées à 34% de la valeur et ne peuvent concerner que 25% du volume annuel écoulé du volume, ou du chiffre d’affaires déterminé à l’avance entre les parties. Cette règle a été étendue avec la loi EGalim 3, votée en mars 2023, aux produits de grande consommation, parmi lesquels figurent les produits d’hygiène, de parfumerie, de droguerie. Cette nouvelle règle, qui est entrée en vigueur vendredi 1ermars 2024, suscite de nombreuses questions quant à ses implications sur les promotions des produits d’hygiène vendus en pharmacie.
Quels sont les produits concernés pour les pharmaciens ?
Aude Guyon : Le plafonnement des promotions concerne les produits « de grande consommation », c’est-à-dire des produits « non durables à forte fréquence et récurrence de consommation ». Dans les officines, une vaste gamme de produits peut être concernée par cet encadrement promotionnel. Ainsi, sont notamment visés les produits d’hygiène corporelle tels que les savons de toilette, les savons médicinaux, les shampoings, les gels douches, les dentifrices, les articles d’hygiène bucco-dentaire, les laits de toilettes, ou encore les produits cosmétiques, les produits solaires, les parfums, les déodorants, ou d’autres produits tels que les papiers hygiéniques, les mouchoirs en papier, les pansements, les compléments alimentaires, les substituts de lait maternel, etc.
Peut-on faire la promotion de tous les produits ?
Bertrand Cadillon.- Il est recommandé de suivre les principes généraux d’affichage des prix et de ne pas favoriser certains produits de manière excessive. Les promotions tarifaires sont possibles dans le respect des règles établies par les autorités. Cependant, la promotion publicitaire est interdite pour les produits relevant du monopole officinal. Tout ce qui n’est pas expressément autorisé par les textes est considéré comme interdit. Le pharmacien, comme chacun le sait, doit notamment éviter de favoriser des pratiques contraires à la préservation de la santé publique et rester dans le respect des principes déontologiques. Si la réglementation en matière de communication des pharmaciens est parfois lacunaire et sujette à interprétation, elle vise cependant à encadrer la profession tout en permettant une communication mesurée et respectueuse des principes déontologiques.
Il n’est plus possible de mentionner « 1 produit acheté, 1 produit offert
Aude Guyon, avocate
Comment se conformer à ces nouvelles règles ?
Aude Guyon.- Comme on vient de le dire, la loi prévoit un encadrement en valeur à 34 % et un autre en volume à 25%. Pour être plus précis concernant l’encadrement en valeur des avantages promotionnels, la loi EGalim 3 stipule que les avantages promotionnels, cumulés, immédiats ou différés, ne peuvent pas être supérieurs pour un produit déterminé à 34% du prix de vente au consommateur ou à une augmentation de la quantité vendue équivalente. Concrètement le plafond en valeur prévu par la loi EGalim 3 ne concerne que les avantages promotionnels portant sur un produit déterminé, dont le prix est annoncé en baisse par le pharmacien par rapport au prix de vente au consommateur ou dont une quantité du produit apparaît offerte sur le conditionnement du produit. Dans ces cas-là, la somme totale des avantages en valeur fournie par le pharmacien sur le produit en question ne pourra alors pas dépasser 34%.
Attention ! Il peut s’agir aussi de cartes de fidélité permettant l’obtention de bons de réductions liés à un produit
Bertrand Cadillon, expert-comptable
Pourriez-vous nous donner une application concrète ?
Aude Guyon.- Pour donner un exemple de la mise en œuvre de ce plafond, il n’est plus possible de mentionner « 1 produit acheté, 1 produit offert » puisque la valeur de la réduction sur le produit serait alors de 50%. En revanche, il est possible de proposer à la vente « deux produits achetés, un produit offert », car la réduction sur le produit sera inférieure à 34% dans cette hypothèse.
Quels sont les types d’offres promotionnelles qui entrent dans le champ du plafonnement de l’encadrement des promotions en valeur ?
Bertrand Cadillon.- Toutes les opérations de promotion sur un produit telles que les réductions de prix exprimées en pourcentage (par exemple une opération. moins 20%) ou encore les offres sur les produits exprimés en augmentation de quantité offerte, comme un acheté un offert, ou plus de 50 ml offert, ou dont 20% offert. Attention ! Il peut s’agir aussi de cartes de fidélité permettant l’obtention d’un avantage sur un produit, de bons de réductions liés à un produit, par exemple le remboursement de X euros sur preuve d’achat du produit !
Si le bon de réduction est obtenu à l’occasion de l’achat d’un produit X mais que la réduction porte sur un produit Y, comment est effectué le calcul du plafond ?
Aude Guyon.- Dans cette hypothèse, le calcul du plafond des promotions est effectué sur le prix du produit sur lequel porte la réduction. Par ailleurs, comme indiqué, il faut comptabiliser toutes les réductions dont le produit en question a bénéficié pour calculer le plafond de 34% de la valeur du prix de vente au consommateur (ou son équivalent en quantité offerte). Cela implique de prendre en compte les avantages et réductions octroyés par le fournisseur au pharmacien. Le pharmacien devra donc être particulièrement vigilant lorsqu’il mettra en œuvre ses promotions, afin de bien les comptabiliser. Il serait possible d’exclure certaines promotions du champ du calcul, comme le « cagnottage » non affecté à un produit, mais lié à l’achat d’un montant donné, par exemple ; mais cela nécessite une analyse au cas par cas des promotions.
Concernant le deuxième encadrement en volume, pouvez-vous nous préciser ce qu’il recouvre ?
Aude Guyon.- Outre, la limitation en valeur des réductions, les avantages promotionnels accordés par le fournisseur ou le pharmacien, doivent porter sur une quantité de produits ne représentant pas plus de 25% d’un volume ou d’un chiffre d’affaires déterminé à l’avance par les parties au contrat. Naturellement, les produits qui ont bénéficié d’un avantage promotionnel en valeur seront pris en compte pour le calcul de la détermination du seuil de 25%. Cela implique également que le fournisseur et le pharmacien déterminent un chiffre d’affaires prévisionnel (entre le fournisseur et le pharmacien, et non avec le consommateur) qui sera mentionné dans la convention unique. Ce chiffre d’affaires prévisionnel servira d’assiette pour le calcul des promotions. En cas de contrôle, le pharmacien devra pouvoir justifier du volume de produits ayant été vendus en promotion. Il est donc important de mettre en place des outils de suivi pour vérifier les volumes vendus avec des promotions.
Quelles sont les actions que le pharmacien peut mettre en place dans ce nouveau cadre ?
Bertrand Cadillon.- Le pharmacien devra anticiper encore plus la gestion de ses achats et mener des actions pour « écouler » certains produits. Parce qu’il n’y a rien de pire qu’un stock dormant, le pharmacien a tout intérêt à mettre en place des actions commerciales sur certains produits. Remises, promotions, bacs soldeurs ou simple mise en avant en officine peuvent booster les ventes de produits en surstock ou à date de péremption proche. Une bonne organisation au sein de l’officine et des contrôles réguliers des stocks doivent permettre de parfaitement les maîtriser. Mais, le pharmacien devra être désormais vigilant dans sa pratique promotionnelle au regard des plafonds établis par la loi EGalim 3.
Les pharmacies qui détiennent des rayons cosmétiques importants pourraient être plus impactées
Bertrand Cadillon, expert-comptable
Quel pourrait être l’impact de ces nouvelles règles promotionnelles sur le pouvoir d’achat des clients de l’officine ?
Bertrand Cadillon.- Le plafonnement de l’encadrement promotionnel survient à un moment délicat, alors que l’économie sort à peine d’une période de forte inflation. Les conséquences sur le pouvoir d’achat des clients restent encore incertaines, et il faudra surveiller de près l’évolution des prix et des offres promotionnelles dans les prochains mois. L’entrée en vigueur de la loi Descrozaille marque en tout cas un tournant dans la réglementation des promotions sur les produits d’hygiène pour la pharmacie. Si elle vise à assurer un équilibre commercial plus juste, son impact sur le pouvoir d’achat des clients reste à observer dans le contexte économique actuel. En effet, certains clients pourraient envisager de réduire leurs achats de produits d’hygiène-beauté si les promotions habituelles sont moins avantageuses. Les pharmacies qui détiennent des rayons cosmétiques importants pourraient être plus impactées.
De combien de temps les pharmaciens disposent-ils pour se mettre en conformité avec cette nouvelle règle sur l’encadrement des promotions ?
Aude Guyon.- Cette nouvelle disposition est applicable depuis le 1er mars 2024. Donc concrètement les pharmaciens doivent déjà s’y conformer. La mise en œuvre de la disposition peut en effet poser certaines questions d’application pour les pharmaciens. Généralement, la DGCCRF tient compte de la bonne foi des entreprises soumises à de nouvelles dispositions. On pourrait imaginer dans certains cas une tolérance pour certaines promotions, notamment pour des emballages comportant des tarifs promotionnels fabriqués avant la date d’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition. En revanche, les pharmaciens doivent veiller à se conformer aux exigences de cet encadrement promotionnel des produits tombant dans le champ de cette loi.
Comment trouver un équilibre pour continuer à mettre en place des promotions en pharmacie d’officine ?
Bertrand Cadillon.- Dans une officine, la promotion s’affirme comme une réponse évidente mais l’équilibre à trouver est délicat. Son utilisation dans le secteur pharmaceutique, bien que courante, suscite des questionnements quant à sa pertinence et à ses implications. Cette pratique commerciale est soumise à un encadrement strict. On note que l’ampleur de l’utilisation de la promotion dans les pharmacies a évolué au fil des années. Le pharmacien doit toujours connaître ses objectifs principaux et comment il peut mesurer leur impact sur le chiffre d’affaires, la fidélisation de la clientèle et surtout la marge ! Il doit donc éviter la saturation des promotions car une utilisation excessive a des conséquences sur la perception des clients. Le pharmacien doit, avec cette nouvelle loi, anticiper ses stratégies promotionnelles pour qu’elles soient les plus efficaces, tout en garantissant un bénéfice tangible pour les clients et une rentabilité pour l’officine.
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