Ouvrir le dialogue pour éviter le procès

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Publié le 10/01/2019
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Emmanuelle Devigny est juriste et médiatrice de la consommation. Sa société, Devigny Médiation, a été désignée par les deux syndicats représentatifs de la profession afin de permettre à leurs adhérents d'être en conformité avec la réglementation.

Le Quotidien du pharmacien.- En quoi l’obligation de disposer d’un médiateur apporte-t-elle une protection supplémentaire au consommateur ?

Emmanuelle Devigny.- Je considère que c’est une réussite dans le domaine de la protection du consommateur. Car non seulement ce dispositif permet de désengorger les tribunaux, mais il propose également une solution simple et surtout efficace au consommateur. En effet, où peut-il trouver en cas de litige un système capable de lui apporter une réponse sans frais et dans un temps imparti de trois mois maximum, sinon auprès d’un médiateur de la consommation ? De plus, cette solution ne sera pas une solution en droit, mais une solution imaginée par les parties pour elles-mêmes.

Pour l’heure, le dispositif ne concerne en pharmacie que les produits et les services relatifs à la parapharmacie, aux dispositifs médicaux et au matériel médical. Ce champ d’application de la médiation est-il appelé à évoluer ?

De fait, le dispositif ne s’applique pas aux produits qui nécessitent une autorisation de mise sur le marché. Mais il se pourrait que la médiation de la consommation évolue face à la réussite constatée du système. Dans le domaine de l’optique, par exemple, les complémentaires santé font le forcing auprès de l’État français et de l’Union européenne pour que les litiges afférant aux verres, jusqu’à présent exclus, soient pris en compte par la médiation.

La médiation à la consommation répond-elle à une attente du public ?

Je le pense effectivement. Car quand les patients vont comprendre qu’en quelques clics, et gratuitement, ils vont pouvoir faire appel à l’intervention d’un tiers entièrement neutre, impartial et indépendant, les saisies vont se multiplier. D’ailleurs, quand j’explique aux pharmaciens qui s’émeuvent de cette nouvelle obligation qui leur est faite, qu’ils sont eux aussi des consommateurs de tous les jours auprès de leur agence de voyages, de leur banque, de leur boucher ou de leur marchand de chaussures, ils changent radicalement de point de vue. Car tout le monde a, un jour ou l'autre, un litige avec un commerçant ou une entreprise de services.

La pharmacie n’est pas un commerce comme un autre. Les litiges qui y voient le jour présentent-ils une complexité particulière ?

Nous sommes maîtres en droit et diplômés de l’une des trois écoles de la médiation françaises. Nous avons des exigences en matière de compétences qui nous permettent d’aborder tout genre de litige. D’ailleurs, la complexité n’est pas liée au secteur d’activité. Notre métier ne sera pas de résoudre le conflit du pharmacien avec son patient, mais bien de résoudre le conflit. Avant de considérer le dossier sous son seul aspect technique, nous préférons comprendre l’aspect humain qui a amené ces deux protagonistes au conflit. La vraie complexité, c’est l’humain, car les sentiments sont souvent exacerbés.

Propos recueillis par Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3485