TRADITIONNELLEMENT, les prix de cession des officines sont exprimés en pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes. Mais, aujourd’hui, il faudrait sans doute les exprimer en pourcentage de leur rentabilité, ce qui refléterait davantage la réalité du marché. Car si, il y a dix ans, le prix de cession moyen se situait à 5,3 fois l’excédent brut d’exploitation (l’EBE), il est passé en 2008 à 8,7 fois l’EBE, d’après l’étude d’Interfimo. Un record absolu.
En d’autres termes, les officines se sont « survendues », en 2008, par rapport à leur rentabilité réelle. « C’est un phénomène qui s’amplifie et qui devient assez inquiétant pour les financiers que nous sommes », confie Luc Fialletout, directeur général d’Interfimo : les pharmacies continuent de se vendre à des montants élevés, alors que leur rentabilité est en baisse. Le prix des officines se déconnecte de leur valeur réelle, et les acquéreurs d’aujourd’hui risquent donc de connaître de réelles difficultés dans un proche avenir.
Stabilité des prix.
Dans ce contexte, la stabilité des prix de cession observée en 2008 devient presque secondaire. Le prix moyen France entière s’établit à 91 % du chiffre d’affaires TTC, au même niveau qu’en 2007. Comme toujours, cette stabilité masque des évolutions à la hausse ou la baisse dans de nombreuses régions.
Ainsi, les régions du sud connaissent une nouvelle croissance en prix, mais plus faible que les années passées. Elles demeurent toujours, avec l’Alsace, les plus chères de France (jusqu’à 102 % du chiffre d’affaires TTC en Aquitaine). À l’inverse, le Nord, le Centre et la région parisienne restent les régions les moins valorisées.
Comme les années passées, le prix de cession moyen masque également de fortes disparités selon la typologie de l’officine et son chiffre d’affaires. Près d’un tiers des officines se sont en effet vendues, soit à un prix inférieur à 75 % du chiffre d’affaires TTC, soit, au contraire, à un prix supérieur à 105 %. « En 2008, nous avons la confirmation d’un marché spécifique des petits prix, à moins de 65 %, explique Luc Fialletout. Mais les disparités s’accentuent car il existe aussi maintenant un marché à part pour les cessions à plus de 100 %. »
Depuis plusieurs années désormais, la taille de l’officine reste donc un critère déterminant du prix de cession. Les pharmacies à chiffre d’affaires élevé (plus de deux millions d`euros) sont celles qui se vendent le mieux et voient leur prix moyen progresser d’un point en 2008, à 98 % du CA TTC. Mais les petites officines les moins valorisées (moins de 800 000 euros de chiffre d’affaires), qui, traditionnellement, étaient celles qui se vendaient le moins bien, trouvent donc leur propre marché et progressent en prix en 2008, pour s’établir à 80 % du CA TTC. Ce marché correspond le plus souvent, cependant, à des opportunités de croissance externe saisies par des pharmaciens qui achètent des parts de marché.
Autre critère de prix : l’implantation locale de l’officine. Sans surprise, on constate là aussi, en 2008, des écarts de prix importants qui corroborent le critère de chiffre d’affaires. Notamment, les pharmacies de centres commerciaux voient leur prix de cession moyen augmenter de 4 points par rapport à 2007, à 104 % du CA TTC en moyenne. Or, comme on le sait, les pharmacies de centres commerciaux sont aussi celles qui réalisent le plus gros chiffre d’affaires.
Transactions en baisse.
Cette stabilité des prix des transactions, en 2008, correspond à un marché dont le volume global est en repli. Selon Interfimo, on a recensé l’an passé environ 1 200 cessions de fonds de commerce, ce qui, avec les cessions de parts sociales, correspond à 1 500 changements de titulaires. Un chiffre très inférieur à celui de 2007 et qui traduit donc une chute du nombre de mutations de 14 %. En deux ans – depuis 2006 -, la baisse est même de 30 %.
Phénomène inquiétant, ce faible volume de transactions est, en outre, surtout le fait des départs à la retraite. On en a compté 1 350 en 2008, soit le double d’il y a cinq ans. S’il n’y avait pas eu ce nombre record de cessations d’activité, le marché des transactions aurait été particulièrement atone. Ce qui fait dire aux responsables d’Interfimo que « le marché des transactions est aujourd’hui en crise, et même bloqué, puisque l’on assiste à un très fort vieillissement de la profession, qui se renouvelle très lentement, les cessions en cours de carrière devenant désormais anecdotiques ».
Bien sûr, là aussi, cette faible mobilité des pharmaciens est inégalement répartie sur le territoire. L’Aquitaine, la Franche-Comté, la Lorraine et la Haute-Normandie ont connu en 2008 un nombre de mutations en hausse, alors qu’elles étaient caractérisées par un faible turn over en 2007. De même pour le Limousin qui, en revanche, constituait déjà la région la plus dynamique en 2007. De même également pour l’Alsace, région où le nombre de mutations était faible depuis plusieurs années, mais qui enregistre une légère progression depuis deux ans. À noter également que l’Ile-de-France s’est distinguée en 2008 par son dynamisme, puisqu’on y a enregistré un taux de 63 mutations pour 1 000 officines.
La SEL en vedette.
Dernière caractéristique du marché en 2008 : la place dorénavant prépondérante prise par les sociétés d’exercice libéral (SEL). L’an dernier, en effet, 58 % des acquisitions ont été réalisées par le biais de cette structure juridique. « Dans les mois qui viennent, nous allons dépasser les 5 000 SEL sur le territoire, et cette structure va devenir à très court terme la référence de la profession », affirme Luc Fialletout.
Petit bémol néanmoins : les SEL constituées pour acquérir des officines ne sont pas toujours de « vraies » SEL. Les deux tiers d’entre elles ne comptent, en effet, qu’un associé unique ou un associé avec un pharmacien non exploitant.
Il reste que ce phénomène des SEL, et, très prochainement sans doute, l’apparition des holdings de pharmacie, vont bouleverser encore le marché des transactions et les modes de valorisation des officines. On peut le craindre ou l’espérer, selon que l’on se place du côté du pharmacien exploitant, du pharmacien adjoint qui souhaite s’installer ou de l’investisseur non exploitant. Mais une chose est sûre : le décrochage de plus en plus marqué que l’on observe aujourd’hui entre la décroissance de la rentabilité des officines et l’évolution à la hausse des prix de cession ne pourra pas durer longtemps encore sans faire de dégâts.
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