Transférer ou se regrouper restent un casse-tête pour de nombreux confrères. Élisabeth Barichard en est un exemple emblématique (voir ci-dessous). Selon cette consœur, ils seraient 68 titulaires en France à connaître, comme elle, les affres du transfert, ballottés de juridictions en juridictions, au gré des recours. Il n’est pas rare que des années de procédures, excédant parfois une décennie, ainsi que des drames économiques, humains et familiaux, jalonnent le parcours de ces titulaires candidats au transfert.
« Le litige porte parfois sur 20 mètres ! » dénonce Corinne Daver, avocate au cabinet Fidal à Paris-La Défense et spécialiste de ces questions. À l’instar des syndicats de pharmaciens et de l’ensemble de la profession, la juriste attend beaucoup de l’ordonnance prévue par la loi de Santé promulguée au début de l’année.
Même si elle trouve ce mode d’adoption « étonnant puisqu’il fait échapper ces questions à toute discussion parlementaire », Corinne Daver estime cette ordonnance urgente. Il est plus que nécessaire, selon elle, de mettre en cohérence une réglementation très stricte avec les réalités du terrain. Car, aujourd’hui, les plaidoiries en matière de transfert consistent à convaincre la juridiction d’une optimisation de la desserte, d’une garantie d’accès permanent et sécurisé, ainsi que d’une absence d’abandon de clientèle.
Des notions qui, paradoxalement, s’avèrent subjectives. Aussi, l’avocate réclame-t-elle un changement de paradigme. « J’invoque devant les tribunaux le droit du pharmacien "de partir et d’arriver" car, où qu’il aille, il se rapprochera toujours d’un confrère », déclare-t-elle, pragmatique.
La pharmacie et le territoire
La juriste conseille d’introduire trois notions nouvelles dans l’ordonnance. Elle préconise tout d’abord que soit redéfinie la notion de quartier d’accueil comme « secteur homogène identifiable de desserte officinale » et non plus en seule référence au découpage par IRIS (îlots regroupés pour l’information statistique).
Ces unités de partition du territoire, élaborées à partir de critères géographiques et statistiques, sont aujourd’hui obsolètes. « Elles étaient calées sur une réalité du terrain, celles des rivières, des routes, qui ont peu à voir avec les réalités de la pharmacie actuelle », décrit-elle. En effet, le remembrement, les nouveaux axes routiers, les rocades, et les lotissements ont parfois brouillé les relevés topographiques. « Il faut désormais se référer à une notion de quartier plus large », expose-t-elle.
Un quartier qui serait comme un ensemble harmonieux, doté d’une cohérence en terme d’accès à une officine. Un pharmacien ne peut en effet se revendiquer d’une population située de l’autre côté du périphérique ou d’une autoroute ! Corinne Daver suggère donc que soit précisé le point de convergence choisi par le pharmacien en fonction de la population que l’officine est censée desservir.
Cette définition d’un point d’ancrage de l’officine dans un territoire donné suffirait à elle seule à démontrer que le pharmacien répond de manière optimale aux besoins de la population. En considérant l’optimisation de desserte du quartier d’accueil, on peut ainsi accepter que le point de convergence se situe en périphérie, et non plus au centre de la commune.
Corinne Daver conseille d’apporter un deuxième élément tangible à l’ordonnance : la suppression de la publication au « Journal officiel » du dernier recensement, comme fondement d’un transfert extra-communal. « Aujourd’hui, il faut parfois attendre cette publication deux ou trois ans, un délai inacceptable pour le pharmacien, comme pour les habitants concernés », dénonce l’avocate. Elle suggère que la collectivité locale joue le rôle d’arbitre, et s’interroge : qui d’autre, sinon la commune, via ses services d’urbanisme, est mieux placée pour pouvoir apprécier la pertinence d’un transfert d’officine ?
Extension du domaine officinal
Enfin, troisième mention qui devrait figurer dans l’ordonnance, la suppression de la notion d’abandon de clientèle. « Elle a été récemment introduite et ce fut une erreur parce qu’elle est un frein au projet de la pharmacie. Elle a un effet négatif sur la profession », affirme Corinne Daver. Elle rejoint la position de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) qui propose d’autoriser un titulaire qui ne peut se développer sur un site initial, à transférer dans une autre commune, pourvu qu’il reste le seul pharmacien de sa zone de chalandise (« le Quotidien » du 7 mars).
Ces trois nouvelles règles n’empêcheraient en rien de conserver des garde-fous et de maintenir un haut niveau d’alerte. Car comme le précise Corinne Daver, il faudra toujours veiller à ce qu’un transfert près d’une maison de santé par exemple, soit justifié par un travail coordonné avec les acteurs de terrain. Aucun transfert alibi, donc. Pas davantage de projets de complaisance, fussent-ils accompagnés d’un habillage esthétique.
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