AVEC 4 316 pharmaciens au chômage fin 2012, contre 3 839 fin 2011*, le marché de l’emploi en pharmacie continue à se dégrader. Et les adjoints, qui étaient plutôt épargnés par le chômage avant 2009, sont désormais de plus en plus touchés. Pôle emploi dénombrait 575 « pharmaciens assistants » demandeurs d’emploi fin décembre 2012, contre 552 fin 2011, soit une augmentation de 4 % en un an (voir encadré pour plus de détails). Rien que pour la catégorie A, c’est-à-dire les personnes sans emploi, n’ayant exercé aucune activité au cours du mois, 304 adjoints étaient recensés par l’agence pour l’emploi à fin décembre 2012. D’après l’Ordre des pharmaciens, le nombre d’intérimaires reste en revanche plutôt stable, entre 3 000 et 4 000. Du côté des représentants des salariés, la morosité du marché de l’emploi officinal est perçue avec inquiétude. « Nous ressentons une aggravation de la situation, note François Aucouturier, représentant des pharmaciens à la CFE-CGC. Ce n’est pas uniquement valable pour les pharmaciens adjoints, mais pour tout le personnel. Néanmoins, ce que l’on remarque le plus souvent, c’est que lorsque l’économie de l’officine va mal, l’adjoint est le premier salarié faisant l’objet d’une mesure de licenciement, car il coûte trop cher. »
Baisses de coefficient.
Et l’une des conséquences du déséquilibre entre l’offre et la demande d’emplois touche directement au pouvoir d’achat des salariés : les coefficients proposés à l’embauche ont tendance à être revus à la baisse. « Il y a quelques années, on trouvait encore facilement des coefficients 600. Maintenant, les titulaires proposent plus couramment des coefficients 500, voire 400. De même, les augmentations de salaires deviennent difficiles à obtenir. Il y a 5 ou 6 ans, pour augmenter son salaire, il suffisait de changer de pharmacie, ou de menacer de le faire. On pouvait en effet trouver facilement une pharmacie disposée à recruter. Ce n’est plus le cas actuellement. » Plus grave encore, les remontées de terrain signalent de plus en plus de baisses de coefficient. « Certains titulaires pratiquent un chantage sur leur adjoint : soit vous acceptez une baisse de coefficient, soit vous êtes licencié. C’est intolérable ! », s’insurge François Aucouturier. Les adjoints confrontés à ce type de problème peuvent porter l’affaire devant le conseil des prud’hommes, après avoir recueilli des écrits prouvant la situation. Autre irrégularité constatée par les syndicats : des titulaires qui n’embauchent pas de pharmacien adjoint alors que leur chiffre d’affaires le nécessiterait. « Ils préfèrent recruter un préparateur ou un rayonniste plutôt qu’un adjoint, déplore François Aucouturier. Le problème c’est qu’il n’y a pas vraiment de contrôle strict et aucune sanction. Ils reçoivent parfois une mise en demeure, mais elle n’est pas forcément suivie d’effet. Les titulaires justifient l’absence d’embauche en disant qu’ils ne parviennent pas à trouver un adjoint et c’est tout. Ils ne sont pas davantage inquiétés. »
Ruptures conventionnelles.
De son côté, Olivier Clarhaut, préparateur en pharmacie et secrétaire fédéral de l’officine pour le syndicat Force ouvrière pharmacie, s’inquiète d’un accroissement des tentatives de certains titulaires pour faire pression sur les salariés. « Certains cherchent à pousser leurs salariés à la faute ou leur mettent la pression pour les conduire à la démission, constate-t-il. Ce ne sont pas des cas isolés. Nous avons de plus en plus de retours du terrain signalant ce genre de pratique. » En parallèle, il note également un accroissement des procédures de rupture conventionnelle. « Cela peut être intéressant si c’est bien appliqué, reconnaît-il. Cependant, il arrive parfois que le patron force le salarié à signer une rupture conventionnelle. Le problème est que cela prive ce dernier de certains droits. » Il ne peut en effet pas prétendre à un Contrat de sécurisation professionnelle (CSP), lui permettant de toucher 80 % de son salaire brut pendant un an. En cas de litige, le salarié a néanmoins le droit de contester une rupture conventionnelle, même après l’avoir signée.
Olivier Clarhaut pointe également une baisse de pouvoir d’achat pour les salariés qui restent en poste. « On observe un quasi-gel des salaires. Les salariés ont perdu environ 4 % de pouvoir d’achat depuis 2009. Les coefficients sont rarement respectés et n’évoluent pas comme ils devraient le faire. De nombreux adjoints restent bloqués au coefficient 500, notamment dans les grandes villes. » Le marché de l’emploi n’est en effet pas homogène selon les zones géographiques. « Il est complètement atone dans les grandes agglomérations. En revanche, en zone rurale il est plus difficile de trouver du personnel. Un titulaire peut donc plus facilement proposer un coefficient 600 ou 700. » D’après les chiffres de Pôle emploi, certaines régions affichent un taux de chômage très faible, comme la Picardie, la Champagne-Ardenne, la Haute-Normandie ou la Bourgogne. En revanche, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Ile-de-France concentrent un nombre élevé de demandeurs d’emploi.
Concurrence accrue.
Armand Grémeaux, directeur du cabinet de recrutement Pharm-emploi, qui couvre la région parisienne, confirme la situation extrêmement tendue pour cette zone. « Depuis le mois de décembre, nous n’avons quasiment pas d’offres pour les adjoints, observe-t-il. En revanche, le marché est florissant pour les préparateurs. Habituellement, nous avons moitié d’offres pour les uns et moitié pour les autres. Depuis la fin de l’automne, c’est plutôt de l’ordre de 5 % pour les adjoints et 95 % pour les préparateurs. » Il remarque lui aussi une baisse des coefficients pour les adjoints, depuis plus d’un an. « Le 600 ne se fait plus. Le coefficient 550 est réservé aux personnes très expérimentées et on retrouve en majorité des coefficients 500. » Il note également une réticence de plus en plus grande des titulaires à embaucher. « Ils me disent qu’ils ont besoin de quelqu’un, mais qu’ils doivent d’abord en parler à leur comptable. Avant, seulement 10 % des titulaires me tenaient ce discours, ils sont maintenant plus d’un tiers. Ils y regardent à deux fois avant d’engager ce type de dépense. » Malgré tout, il reste des postes à pourvoir, à condition de s’éloigner de la capitale. « Si l’adjoint dispose d’une voiture et qu’il veut s’en donner la peine, il peut décrocher un bon poste avec une meilleure rémunération qu’à Paris. » La concurrence étant parfois rude, Armand Grémeaux conseille aux candidats de montrer qu’ils sont fiables et de ne pas se décrédibiliser. « Nous avons davantage de candidats pour moins de postes à pourvoir, nous avons donc tendance à être plus exigeants. On présente 4 ou 5 personnes aux titulaires, au lieu d’une ou deux auparavant. Il faut donc être rigoureux avec les titulaires quand on répond à une offre : il faut savoir dire oui ou non, mais ne pas les laisser dans l’incertitude. »
Si la situation actuelle semble tendue, l’arrivée des nouvelles missions pourrait-elle débloquer la situation ? Les représentants des salariés n’en sont pas convaincus. François Aucouturier n’est pas particulièrement optimiste sur l’évolution du marché de l’emploi en pharmacie. « En théorie, les nouvelles missions devraient permettre une réouverture du marché. Mais dans la réalité, on ne sait pas comment cela va se mettre en place. La position du pharmacien adjoint n’est pas encore bien déterminée. Par ailleurs, la rémunération sera affectée à l’officine, pas à l’adjoint. Le titulaire ne sera pas forcément enclin à rémunérer son adjoint pour ces nouvelles missions. Pour l’instant, cela reste une chimère. » Une position que partage Olivier Clarhaut. « Je suis peu optimiste sur l’évolution du pouvoir d’achat des salariés par rapport aux nouvelles missions. On nous dit que les nouvelles rémunérations vont permettre de récupérer une partie de ce qui a été perdu par les officines en terme de chiffre d’affaires. Mais je ne crois pas vraiment que cela permettra une évolution favorable au niveau des salariés. »
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