EN CES TEMPS de crise, la baisse des effectifs peut ajouter des contraintes à prendre en compte quand vient l’heure de planifier les congés de l’équipe. Tout semble prévu par le Code du travail et la convention collective des pharmaciens, parfois même y a-t-il un article consacré au sujet dans le règlement intérieur de l’officine. Malgré tout, une enquête du « Quotidien du Pharmacien », menée en 2010 auprès des adjoints, révélait qu’un quart des conflits découlait directement de l’organisation des congés à l’officine, soit le premier item cité par les adjoints lorsqu’on aborde ce thème des conflits. En particulier, le différend concerne la durée et la rémunération de l’adjoint qui remplace le titulaire en vacances, ainsi qu’une méconnaissance des règles. Si la plupart des litiges se résout facilement une fois que les règles ont été expliquées, il peut néanmoins arriver que le conflit se poursuive par une médiation demandée à l’Ordre des pharmaciens, voire qu’il mène aux Prud’hommes.
Pour éviter d’en arriver à ces extrêmes, il est bon de rappeler les droits et devoirs de chacun. Ainsi, tout salarié a le droit à des congés payés dès lors qu’il a travaillé un mois complet chez le même employeur. Les salariés en CDD reçoivent une indemnité s’ils ne peuvent pas les poser, tout comme les intérimaires. Chacun a le droit à 2,5 jours ouvrables par mois, soit 30 jours pour une année. À noter que les congés acquis au titre de l’année antérieure doivent être soldés au 30 avril de l’année en cours. Sur cinq semaines de congés payés, le salarié doit poser en une fois entre 18 et 24 jours ouvrables, pendant la période estivale qui s’étend du 1er mai au 31 octobre. C’est ce qu’on appelle le congé principal. Légalement, la 5e semaine ne peut être accolée aux quatre premières, mais une exception peut être accordée aux ressortissants étrangers et des DOM. Cette 5e semaine peut être prise n’importe quand au cours de l’année, elle peut être accolée à une autre semaine de congés en cas de fractionnement du congé principal et elle peut faire l’objet de report pendant six ans, en vue d’un congé sabbatique ou pour création d’entreprise.
Équité et bon sens.
Au final, c’est toujours l’employeur qui fixe les dates de congés, en tenant compte des nécessités de service, des situations de famille, de l’ancienneté, des vœux de congés de l’année précédente, etc. À lui d’agir avec équité et bon sens. Il lui est tout à fait possible de déléguer la planification des congés à un ou plusieurs adjoints, mais, en cas de désaccord, ce sera toujours à lui de trancher.
Serge Caillier, membre du bureau du Conseil central D (adjoints) du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), a l’habitude d’organiser les congés dans l’officine de Loire-Atlantique où il exerce. « Je commence par demander les dates d’absence du titulaire et je construis la planification des congés de chacun à partir de ces contraintes. Je prends systématiquement mes vacances après les siennes. Les préparatrices s’organisent entre elles, ce qui est facilité par des situations familiales différentes : l’une a un grand enfant autonome, l’autre a deux jeunes enfants. » Une fois l’organisation bouclée, Serge Caillier en réfère à son titulaire, qui n’a plus qu’à valider. Le planning est généralement établi définitivement en mars. Il est toujours possible de le modifier, mais pas à moins d’un mois avant les premiers départs. La crise que traverse la pharmacie a touché son officine, ce qui a amené le titulaire à revoir à la baisse le nombre d’heures travaillées de son adjoint. « Cela correspond à un souhait de ma part, donc ne pose pas de problème en soi. En revanche, en période de vacances du titulaire, je dois m’adapter et augmenter mon temps de travail », précise Serge Caillier.
François Aucouturier, adjoint à Vincennes (Val-de-Marne), se charge de planifier les congés avec l’ensemble de l’équipe, avant de faire remonter le dossier à son titulaire. « Dans mon officine, tout se passe très bien, nous travaillons dans une excellente ambiance et chacun de nous est très impliqué dans le fonctionnement de l’officine. » De plus, l’équipe est organisée en plusieurs binômes qui ont l’habitude de s’arranger entre eux en amont pour ne pas demander les mêmes dates de vacances et être présents aux moments clés : les deux préparateurs et les deux adjoints ayant le DU d’orthopédie ne s’absentent jamais au même moment. Du coup, le titulaire n’a jamais eu à trancher. « Ma pharmacie essaie toujours d’avoir plusieurs personnes ayant la même spécialité, justement pour éviter le problème de l’absence du seul adjoint qui aurait ladite spécialité. Néanmoins, il faut rappeler que la Sécurité sociale agrée une pharmacie pour une spécialité, ce qui signifie que l’absence de celui qui possède le DU n’empêche pas le reste de l’équipe de la pratiquer. »
Se remettre en question.
Également responsable des adjoints pour la branche officine de la CFE-CGC, François Aucouturier a une vision assez précise des litiges qui peuvent opposer le titulaire et des membres de son équipe en ce qui concerne les congés. « Les changements d’emploi du temps dus aux congés du titulaire, la modification des vacances d’un adjoint et les modalités de remplacement du titulaire pendant son absence sont les principaux problèmes que nous rencontrons. » La plupart du temps, un simple rappel de la législation en vigueur permet de trouver des solutions et d’assainir une situation tendue. « Très souvent, le titulaire se fait remplacer par un adjoint de son officine. Celui-ci touche une indemnité de remplacement à partir du 15e jour de remplacement ; on enregistre des protestations à ce sujet. D’ailleurs, il arrive que des adjoints refusent de remplacer le titulaire. Des titulaires font appel à un pharmacien extérieur, mais cela peut être mal vécu par l’adjoint en place. Je suis moi-même adjoint et je représente les adjoints au sein de la CFE-CGC, cela ne m’empêche d’inviter l’adjoint à se remettre en question et à se demander si son comportement est bien celui d’un pharmacien cadre ou d’un salarié lambda », affirme François Aucouturier. Le nombre d’heures effectuées pour remplacer le titulaire est une autre source de mécontentement. L’adjoint est limité à 46 heures par semaine, mais s’il est le seul pharmacien présent pendant le congé du titulaire, il lui est difficile d’assurer les horaires d’ouverture de l’officine tout en respectant cette limitation. « Le Code du travail et l’Ordre des pharmaciens insistent sur ce point en indiquant que, au-delà de 46 heures de travail hebdomadaire, la fatigue entraîne des risques pour le pharmacien adjoint. Pourtant, il n’y a pas de limitations pour le titulaire, il peut travailler 60 heures sans que personne ne s’inquiète de fatigue risquée dans le cadre de ses activités. Je n’incite évidemment pas à outrepasser les règles, mais cela fait partie des sujets sur lesquels il faudra que l’on se penche afin de lever ce conflit avec la réglementation existante. Soit nous sommes cadres, et c’est ce que sont les pharmaciens, et, dans ce cas, cette limitation n’a pas lieu d’être, soit nous ne sommes pas cadres. » Une problématique qui se complique encore davantage si des gardes doivent être effectuées pendant l’absence du titulaire : « Une garde, c’est 36 heures à la suite, ça entame fortement les 46 heures hebdomadaires à ne pas dépasser, et cela ne permet pas non plus d’accorder les 11 h 30 de pause obligatoire. Mieux vaut éviter le problème en s’organisant avec les autres pharmacies pour que l’adjoint remplaçant n’ait pas de garde à effectuer. »
En bonne intelligence.
Cette difficulté est caractéristique de l’officine qui se retrouve avec un seul pharmacien adjoint en l’absence du titulaire. Mais il existe aussi des problèmes spécifiques aux plus grosses entreprises. C’est pourquoi François Aucouturier recommande au titulaire qui part en vacances de désigner nommément l’adjoint qui le remplace en son absence. « Sans cela, on peut provoquer une guerre entre adjoints pour savoir qui dirige et gère l’officine, qui tranche en dernier recours, et cela peut influer sur les autres membres de l’équipe », voire gâcher une ambiance qui était jusqu’alors plutôt bonne. « Au syndicat, nous sommes conscients que la législation n’est pas toujours facile à respecter, nous essayons d’apaiser et de trouver des solutions, d’inciter tout le monde à faire des efforts. Peu de litiges vont plus loin. Même en cette période de crise qui a engendré une réduction des effectifs en officine, finalement on se rend compte que cela fait le bonheur des agences d’intérim. » Mais ce focus sur les litiges possibles ne doit pas occulter le fait que la planification des congés ne pose aucun problème dans la majeure partie des cas. Sophie Rouvière, adjointe à Sauzet, dans la Drôme, note que, dans son équipe, chacun s’arrange en fonction des autres, personne ne se charge en particulier de la planification, mais personne n’a jamais rencontré de difficulté. Olivier Charrier, installé avec sa femme à Bordeaux, n’a jusqu’alors jamais eu de problèmes d’organisation des vacances. « L’été est une période creuse, les congés sont donc faciles à accorder et nous faisons en sorte de satisfaire tout le monde. Nous en parlons bien avant et nous n’avons pas besoin de règle pour que tout se passe bien car nous fonctionnons en bonne intelligence. »
À quelques semaines des vacances estivales, les adjoints doivent avoir posé leurs congés depuis bien longtemps et choisi la destination de leurs rêves. Pour ceux qui ne sont pas encore décidés, il peut être utile, s’ils souhaitent s’installer à court terme, de prospecter, ou tout du moins de se pencher sur le décret tant attendu des SEL et holdings, qui pourraient leur ouvrir de nouvelles portes. En revanche, attention, il leur est interdit de travailler pour un autre employeur pendant leurs vacances.
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