TROP DE PHARMACIES ouvertes le dimanche et pas assez ouvertes toute la nuit. C’est le constat dressé à Paris par l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, qui veut mettre un terme à cette situation qu’elle juge déséquilibrée. Jusqu’ici, l’organisation des gardes reposait sur le volontariat. Les officines qui veulent ouvrir le dimanche s’y engagent pour l’année à venir. Cela concernait une soixantaine de pharmacies il y a cinq ans. Elles sont deux fois plus nombreuses aujourd’hui, sans compter la trentaine d’officines qui assurent encore quelques gardes par an. On ouvre le dimanche pour montrer son dynamisme commercial, pour ne pas être en reste par rapport à ses concurrents, ou encore parce qu’on ne peut pas travailler le samedi. Problème : au fil du temps, un climat « anarchique » s’est instauré, avec des ouvertures non déclarées et des manquements aux horaires d’ouverture (de 9 à 20 heures). « Ces dérives ne sont pas marginales, mais significatives », estime Patrick Zeitoun, président de l’Union des pharmacies de la région parisienne (UPRP).
Autre constat : les officines du dimanche sont mal réparties, plus concentrées dans les zones touristiques du centre de Paris (4e, 5e ou 6e arrondissements) que dans des quartiers plus reculés (13e, 19e). Troisième élément, l’Assurance-maladie, qui rémunère le service d’astreinte par des indemnités (4 euros par ordonnance le dimanche et 6 euros la nuit, en plus d’un dédommagement de 75 euros par astreinte), en appelle à l’optimisation du dispositif. Alors qu’un grand nombre de pharmaciens omettaient de réclamer cette indemnité, elle est désormais versée de façon automatique et portée de 75 à 150 euros.
Des irréductibles.
Pour l’ARS, le temps presse. L’agence veut 50 à 60 officines ouvertes le dimanche et bien réparties. Pour diminuer l’effectif de moitié, les pharmacies ne pourraient ouvrir qu’un dimanche sur deux. Cette piste avancée par les syndicats d’officinaux franciliens semble donner satisfaction à l’ARS. Mais pas aux pharmaciens concernés. Pour conserver le système actuel, nombre d’entre eux sont prêts à renoncer aux indemnités. « Elles sont prévues par la convention nationale et doivent donc être versées », confirme Patrick Zeitoun, favorable à cette solution.
De leur côté, les syndicats jouent la carte de la conciliation. « Nous n’avons pas le choix. Le dispositif actuel relève d’une tolérance qui n’est pas en accord avec la législation », affirme Andrée Ivaldi, présidente de la section parisienne de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Le volontariat doit rester la règle. « Nos confrères auront toujours le choix d’ouvrir ou pas, estime Jean Schies, président régional de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Cette refonte va peut-être susciter de nouvelles vocations. » Mais à la tête de l’Ordre des pharmaciens en Ile-de-France, Jean-Jacques Des Moutis s’interroge : « Est ce que demain les endroits non pourvus le seront par le volontariat ? » Pour être plus juste, l’ordinal suggère qu’on tienne compte de l’ancienneté dans l’ouverture dominicale. C’est notamment le cas de la pharmacie dont Bruno Bader est titulaire, sur le boulevard Saint-Michel. « Elle est ouverte sans interruption depuis 1935 », rappelle t-il. L’officinal dénonce le projet et prévient qu’il fera partie des irréductibles. « Au nom de quel principe peut-on interdire à une pharmacie d’ouvrir ? », s’insurge t-il, évoquant un service de santé publique rendu aux patients. Et de menacer : « Je ne respecterai la loi qu’après avoir examiné tous les recours juridiques possibles. » À ce titre, il est prévu que les contrevenants s’exposent à une amende (à hauteur de 3 500 euros). À la Grande pharmacie des Sports, porte Maillot, c’est l’embarras qui prévaut. Le couple de titulaires, Anne et Patrick Wuhrlin, estime qu’il faut d’abord s’attaquer aux ouvertures hors la loi et nuancer son appréciation de la situation. « Nous nous trouvons sur un carrefour routier important, avec des clients venant de tout l’Ouest parisien et même de l’Oise, indiquent-ils. Si l’ouverture doit se faire un dimanche sur deux, les gens risquent de ne plus savoir et de ne plus se déplacer du tout. » Et pour cette officine ouverte jusqu’à 22 heures, un autre souci se profile.
Ouverture nocturne.
C’est le second versant de ce dossier parisien : l’ouverture de nuit. Elles ne sont que deux officines à proposer un service continu, dans le nord de la capitale (Champs Élysées et place de Clichy). L’ARS en veut 6 à 8 au total et bien réparties. Là encore, la situation repose sur le choix des pharmaciens. Environ 70 officines ferment à minuit et une bonne vingtaine prolongent l’ouverture jusqu’à deux heures du matin. La raison en est simple : après cette heure, déjà tardive, l’opération n’est plus rentable. Pour susciter des vocations, l’ARS offrirait une compensation : les pharmacies qui n’ouvrent pas toute la nuit doivent avoir baissé leur rideau au plus tard à 21 heures. Et les syndicats ont demandé qu’on garantisse un dispositif de sécurité renforcé à ces officines, qui pourront travailler à rideaux fermés. Pour le moment, les volontaires ne se bousculent pas. Sous la contrainte économique, certains titulaires ont déjà dû revoir leur amplitude d’ouverture à la baisse. C’est le cas de la Grande pharmacie Daumesnil, qui n’ouvre plus en continu, ou de la pharmacie des Arts, sur le boulevard Montparnasse, qui ferme à 22 heures au lieu de minuit, du fait d’une clientèle de passage trop clairsemée. À la Grande pharmacie des Sports, Patrick Wuhrlin s’interroge. Déjà, la fermeture est passée de minuit à 22 heures. « Le dimanche, les gens s’ennuient, on trouve du personnel pour travailler. Pour la nuit, c’est tout autre chose », confie le titulaire. Il propose d’assurer une garde de nuit, une semaine par mois, à rideau fermé, pour conserver son ouverture dominicale. L’ARS tiendra t-elle compte des demandes et des disparités des officines parisiennes, déjà fragilisées par leur surnombre dans la capitale ? Elle veut, en tout cas, connaître leur point de vue. Après une réunion d’information, il y a un mois, les 1 040 pharmacies de la capitale vont recevoir un questionnaire courant avril. L’ARS veut faire vite. La question sera tranchée mi-mai, pour une entrée en vigueur du nouveau système au début du mois d’octobre.
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