LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Les dernières études de la société INTERFIMO, du Bodacc et d’Altares font ressortir une diminution de la valeur patrimoniale des fonds d’officine. Cette tendance va-t-elle se poursuivre ?
PHILIPPE BECKER.- En effet, on observe un ajustement significatif qui est la conséquence de plusieurs causes identifiées. D’abord un resserrement des conditions de crédit, qui réduit les ambitions des primo-accédants ; ensuite une incertitude sur le futur, qui bloque le nomadisme habituel des pharmaciens ; et, enfin, un nombre de vendeurs partant à la retraite en accroissement, qui déséquilibre la balance entre vendeurs et acquéreurs potentiels.
Si l’on se réfère à la période 2000-2008, les données étaient, chacun le sait, complètement inversées. Le tassement actuel va certainement se poursuivre encore quelques mois, mais on ne devrait plus être très loin d’un point d’équilibre, sans pour autant annoncer un retournement de tendance. Les vendeurs se sont fait une raison, et les acquéreurs peuvent profiter de conditions de financement à des taux historiquement bas. Bref, la situation est logique et plutôt saine !
Pourquoi ?
CHRISTIAN NOUVEL.- On a évité l’éclatement de la bulle spéculative qui s’était formée entre 2000 et 2008. Si cette bulle créée par une forte décorellation entre prix de cession et rentabilité avait éclaté, beaucoup de pharmaciens auraient été ruinés. La situation actuelle, qui est déplaisante côté vendeur, reflète, malgré tout, une réalité économique. Bien sûr, il y a des perdants : les titulaires qui sont entrés sur le marché lorsqu’il était au plus haut et qui sont contraints d’en sortir pour des raisons diverses et variées. Pour eux, la moins-value de cession peut être très significative.
Les officines se valorisent d’après un multiple de l’excédent brut d’exploitation (EBE). On parle aujourd’hui d’une moyenne de 6,5 fois l’EBE. Est-ce une bonne moyenne selon vous ?
PHILIPPE BECKER.- Pour être confortable et pouvoir vivre décemment, cinq fois l’EBE serait parfait. Cela étant précisé, Il y aura toujours, j’en suis conscient, un décalage en matière de valorisation, parce que le marché de la transaction officinal est petit, qu’il est encore très protégé et que l’on ne peut plus faire de création. Il y a donc encore une survaleur des officines qui est liée à cette situation.
Pourtant, nous sommes loin des valorisations boursières, où il est courant de multiplier l’EBE par dix, voire par quinze, pour estimer une société. Pourquoi cette différence avec les officines ?
CHRISTIAN NOUVEL.- C’est exact, mais le marché boursier et le marché de la transaction d’officine n’ont pas grand-chose en commun. Les titres des sociétés d’officines ne sont pas librement négociables : il faut être pharmacien et exploiter une pharmacie pour pouvoir acheter des actions ou des parts.
Bien évidemment, une ouverture du capital pourrait changer la donne. D’ailleurs, assez paradoxalement, si beaucoup de pharmaciens s’interrogent sur l’avenir de leur profession, d’autres seraient prêts à investir beaucoup pour un strapontin !
Certains considèrent donc que l’officine a de beaux jours devant elle ?
PHILIPPE BECKER.- On peut en effet le dire, malgré le contexte actuel. Certes, à court terme, ce sera difficile et compliqué, mais inéluctablement l’activité repartira. J’en fais le pari, car les facteurs démographiques jouent en faveur des officines !
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