En Bretagne

La longue quête pour un repreneur

Publié le 08/09/2016
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Pharmacien dans un petit bourg des Côtes d'Armor, Michel Richalot aura mis sept ans à trouver un repreneur, et pourvoir prendre sa retraite. Une situation peu explicable vu les bons résultats de cette officine.
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Crédit photo : jg

Sept ans ! Il aura fallu sept ans à Michel Richalot pour vendre son officine de Loguivy-Plougras (Côte d'Armor), et pouvoir enfin prendre sa retraite.

En juin dernier, il avait entamé les procédures de licenciement de ses deux préparatrices à temps partiel, décidé à fermer au 30 juin, quand un acquéreur déjà pressenti s'est enfin décidé. Le pharmacien a alors annulé les procédures, et est convenu de passer un nouvel été au soleil de son petit bourg de 950 habitants. Mais le 30 septembre il s'en ira, laissant la clé de la pharmacie à son successeur. Ironie, ce dernier est le premier pharmacien qu'avait remplacé Michel Richalot en s'installant en Bretagne, en 1998.

À 72 ans, Michel Richalot compte enfin prendre sa retraite, satisfait que ses préparatrices continuent de travailler. « J'avais commencé à vouloir arrêter à 65 ans, rappelle-t-il, et j'ai cherché à vendre. » Les copains pharmaciens du tour de garde l'ont aidé, proposant à leur propre assistant de s'installer. Des aides semblaient possibles. « Refus unanime », constate Michel Richalot.

Il est lui-même un ancien de la Mutualité, venu de Reims (Marne), où l'ensemble mutualiste compte 400 salariés. Il se dit « accro » à la gestion, et c'est pour son « antithèse » que Michel Richalot a quitté la capitale champenoise. À Reims, il travaillait avec seize assistants ; à Loguivy-Plougras, il dessert aussi quelques bourgs de 500 habitants. Mais ses comptes sont nets : il réalise 500 000 euros de chiffre d'affaires (avec 91 % de substitution), dégage 35 % de marge. Il a créé une société civile immobilière (SCI) qui possède l'immeuble où se trouve l'officine, qui paye un loyer. La rentabilité est ainsi ramenée à « 18 -19 %, une excellente rentabilité ! »

À vingt minutes de Lannion, de Guingamp (Côtes d'Armor) et de Morlaix (Finistère), « vingt minutes du bord de mer », il ne rencontre pas de difficulté pour trouver un remplaçant, ce qu'il fait une semaine par mois. Mais pour un successeur, c'est autre chose !

Il contacte les facultés bretonnes et de l'ouest, la mairie étend la recherche à toutes les facultés de France. Pôle emploi s'en mêle.

Mais le médecin quitte brusquement le bourg, pour s'installer à 10 km de là. Il n'a même pas prévenu le maire, avec lequel il dînait la veille. « Le chiffre a d'abord baissé, observe Michel Richalot, il y avait moins d'ordonnances, mais leur valeur moyenne avait augmenté. Les patients se sont montrés des clients fidèles, en fait. Et il n'y a jamais eu de baisse au niveau de la marge, mais l'absence de médecin a entraîné un creux dans la recherche d'un pharmacien. »

Un successeur sera pourtant enfin trouvé. Il a travaillé à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor), puis Guingamp, fait des remplacements, et retrouve Loguivy-Plougras, où habitent ses propres parents, déjà âgés.

« Je devais arrêter le 30 mars, rappelle Michel Richalot. Des papiers n'étaient pas prêts, et j'ai reporté au 30 juin. J'avais entamé les licenciements, arrêté des abonnements, étudié la reprise des stocks. » Un article dans un quotidien national aura tout déclenché. La mairie, du coup, s'est mise en quête d'un médecin, car « tout ce mouvement a fait beaucoup parler, mais je commence à être fatigué », convient le confrère. On le sent même un peu amer de cette (trop) longue recherche. « J'ai observé beaucoup d'immaturité chez les candidats que j'ai rencontrés, même sur le plan de leur comportement. Ils sont incapables de lire un bilan. Je crois que le principe des concours pour entrer à la fac n'est pas adapté, car la sélection n'a rien à voir avec la formation choisie, et c'est pire encore avec le tronc commun. Être pharmacien dans un village, c'est assez simple : on n'est pas "Le" pharmacien, mais juste quelqu'un qui appartient à une communauté. »

Après ces sept années de recherches, finalement fructueuses, « le pharmacien de 72 ans », comme l'a surnommé Internet, s'en va. Pas mécontent non plus du tour qu'il joue au fisc : en 2001, il a acheté cette pharmacie, créée en 1984, 371 000 euros ; en 2016, il la revend 75 000 euros, d'où une forte moins-value, que devraient compenser en partie les impôts. Mais Michel Richalot rappelle avec philosophie que « s'il avait mis la clé sous la porte, il aurait eu 0,00 euro ».

Jacques Gravend

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3284