LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Comment fonctionne le lobbying au niveau européen ?
ARISTIDE LUNEAU.- Le fonctionnement des institutions européennes est très complexe, mais le lobbying au sein de ce système est très institutionnalisé. L’Europe est née avec les lobbies et, tout au long de sa construction, elle a privilégié le dialogue et la représentation des intérêts divers, qu’ils soient économiques, sociétaux, environnementaux ou culturels. C’est la confrontation et l’échange entre ces différents points de vue qui permettent aux représentants politiques européens d’être mieux armés pour prendre leurs décisions. Au sein de la commission européenne, les lobbies sont sollicités pour élaborer des documents ou des "livres verts", et des consultations publiques sont organisées, notamment via Internet. Sur un sujet technique, des experts sont mis à contribution au sein de groupes de travail. Il existe actuellement plus de mille comités, chargés d’évaluer la législation en place et de faire des propositions. Les lobbies sont représentés dans ces groupes d’experts. Il existe une culture du consensus très importante au niveau européen. Ce n’est pas le cas en France, où le concept d’intérêt général ne recouvre pas celui du consensus entre des intérêts particuliers. Le lobbying existe néanmoins dans notre pays et les représentants des groupes d’intérêt sont également consultés pour l’élaboration des lois. Mais l’image des lobbyistes est très écornée et ils sont souvent soupçonnés de conflits d’intérêts, voire de corruption. Mais cette mauvaise image ne correspond pas à la réalité. Le lobbying est un métier qui s’est professionnalisé et qui contribue utilement à la démocratie.
À quoi peut servir ce lobbying ?
Le lobbying sert à élaborer de meilleures normes, en éclairant les décideurs politiques sur les enjeux d’une réglementation. À Bruxelles, on observe une très forte inflation législative. Le nombre de consultations publiques en ligne est passé de 24 en 2005 à 100 en 2010. Les instances européennes légifèrent sur des sujets de plus en plus nombreux et complexes. Être présent au niveau européen est donc incontournable. De plus, avec 27 États membre, le nombre d’acteurs concernés par une décision est de plus en plus élevé. Il est parfois difficile de trouver des positions communes entre eux. Il y a de plus en plus de lobbies, mais aussi de lobbies adverses, dont les intérêts divergent. Il est donc important d’être représenté en Europe, mais sans oublier d’être mobilisé à Paris également. Certaines décisions prises au niveau européen peuvent ensuite être interprétées différemment selon les pays, voire selon les régions. Il est important d’être présent à tous les niveaux.
Quels sont les secrets d’un lobbying réussi et les pièges à éviter ?
Il faut être au bon endroit, au bon moment. Mais pour être entendu des décideurs politiques, il est indispensable d’être également représentatif, légitime et reconnu comme tel. Il faut devenir l’interlocuteur crédible sur le sujet que l’on veut défendre. Il faut par ailleurs être très clair sur ses objectifs. Dans le cadre d’une organisation qui rassemble plusieurs pays, un gros travail doit être effectué en interne afin d’harmoniser les intérêts de chacun, qui peuvent être différents, avant de porter une parole unique à l’extérieur. Plus une organisation grossit, plus elle risque d’avoir des intérêts divergents. Il faut donc être prudent, en cas d’élargissement à d’autres membres, afin de ne pas le faire aux dépens des objectifs de l’organisation. Ensuite, lorsqu’on a défini une stratégie et qu’on est d’accord sur les messages, il faut savoir qui rencontrer et à quel niveau agir. Identifier les vrais décideurs est un gros travail. Il faut également se renseigner sur les calendriers d’intervention européens et ne pas oublier d’identifier ses alliés.
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