Selon la société de financement dédiée aux professionnels libéraux Interfimo, l’embellie se confirme. Après le frémissement de 2016, l’année suivante a enregistré 1 550 opérations, soit une hausse annuelle de 9 %. « Nous observons une légère animation du marché, due en particulier à une activité plus soutenue au 2e trimestre. Cette tendance devrait se poursuivre sur les mois à venir, portée par les départs à la retraite et des niveaux de prix mieux corrélés à la rentabilité », souligne Jérôme Capon, directeur du réseau chez Interfimo. Il note que l’économie de l’officine « est assez stable », ce qui « favorise la mobilité professionnelle », mais aussi que les prix des pharmacies sont « raisonnables au regard de leur rentabilité » et que « les taux d’intérêt restent bas ». À cela s’ajoutent de nouveaux outils pour les jeunes pharmaciens qui souhaitent s’installer, la possibilité d’acquérir des parts de SEL (société d’exercice libéral) « sans inconvénients fiscaux majeurs grâce aux SPFPL* » et des financements complémentaires désormais proposés par des groupements et les grossistes-répartiteurs. « Tous ces éléments créent un climat favorable, tant pour les acquéreurs que pour les cédants, pour réaliser sereinement des opérations d’acquisitions, de cessions et d’associations », indique Jérôme Capon.
Stabilité
Philippe Becker, expert-comptable, directeur du département Pharmacie du cabinet Fiducial, tempère : « Il n’y a pas de bon ou de mauvais moment, il y a de bons et de mauvais projets. » Même réaction de la part de Joël Lecœur, expert-comptable du cabinet LLA et président du réseau CGP (Conseil Gestion Pharmacie), pour qui tout est « affaire d’opportunités et de prix ». À ses yeux, le marché repart grâce aux bilans des pharmacies qui « se maintiennent malgré le changement de rémunération », un signe de stabilité rassurant pour les futurs titulaires. Néanmoins, prévient Joël Lecœur, « ceux qui achètent aujourd’hui revendront moins cher car le métier passe d’un statut de commerçant à celui de professionnel de santé, ce qui va avoir un impact sur la valorisation de l’officine ». Mais ce n’est pas un problème selon l’expert-comptable : « l’important c’est de pouvoir vivre correctement de sa pharmacie ». Pour Guillaume Campo, cofondateur du site de transactions d’officines ouipharma.fr et docteur en pharmacie, « acheter une pharmacie reste toujours un investissement rentable et ce même si les taux venaient à remonter ».
Philippe Becker pointe l’effet mécanique de la baisse du nombre de pharmacies. « Moins d’officines dans un marché stable ça veut dire un chiffre d’affaires par officine plus important, un renforcement des pharmacies propice autant pour les vendeurs que pour les acheteurs puisque ces derniers se focalisent sur des officines de plus de 1,5 million d’euros. » Cette « concentration du marché » donne finalement « des structures qui sont de fait plus solides et souvent plus rentables », remarque Guillaume Campo. En revanche, la vie sourit moins aux petites officines puisque « 68 % des fermetures concernent des pharmacies dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros » et leurs transactions représentent moins de 10 % du marché, note Joël Lecoeur. Le problème se pose surtout pour les pharmacies rurales et isolées, où « la perspective de regroupement est souvent impossible » et qui ne séduisent pas les jeunes, « surtout si l’environnement médical n’est pas favorable et que la situation n’est pas compatible avec le statut de leur conjoint ».
Fluidité
L’avenir du marché de la transaction est à la cession de parts sociales. Encore minoritaires par rapport aux cessions de fond, elles pourraient occuper tout le marché « d’ici 10 à 15 ans », estime Philippe Becker. « Une génération de pharmaciens va prendre sa retraite d’ici à 5 ans et va vendre des fonds, mais la nouvelle génération de pharmaciens qui s’installe va se tourner vers le rachat de parts de société. Les pharmaciens d’officine vont suivre les radiologues et les biologistes chez lesquels les cessions d’entreprises unipersonnelles n’existent plus. » Demain, les cessions de parts seront majoritaires aussi parce que l’effet mécanique de consolidation des officines augmente leur valorisation et rend difficile une acquisition par une personne seule. « En 2017, 9 acquéreurs sur 10 ont choisi de s’installer en SEL, permettant aux titulaires des apports de titres dans les SPFPL, qui elles-mêmes pourront abonder dans le fonds d’une seconde SEL. C’est un montage capitalistique qui favorise la fluidité du marché et, in fine, l’installation de jeunes diplômés, seuls ou en association », détaille Jérôme Capon.
Certes le moment est propice à l’achat et à la vente, mais mieux vaut suivre les conseils des experts en transactions. Pour Joël Lecœur, l’acheteur doit avant tout trouver une officine qui lui corresponde, compatible avec sa vie de famille et ses aspirations professionnelles. Il énumère les critères importants : l’environnement immédiat, l’évolution de la population de la commune, la valorisation de l’officine et son prix. « Aujourd’hui le pharmacien n’achète plus un outil de capitalisation mais un outil de travail, il doit donc commencer par se rémunérer, puis il rembourse son emprunt. Dans douze ans, même s’il vend moins cher, il récupère son capital. » Philippe Becker conseille de commencer par se former en consultant les experts-comptables, les notaires, les banques, puis de se faire accompagner. Le directeur du département Pharmacie du cabinet Fiducial préconise de rester le plus rationnel possible, et donc d’éviter le coup de cœur, « souvent coûteux et à l’origine de grosses bêtises ».
Sécurité
Concernant le financement, Philippe Becker conseille de « réfléchir très tôt à la constitution de l’apport personnel » et de « s’endetter à hauteur de ce qu’on peut rembourser, sans oublier de prévoir une marge de sécurité », et cela vaut que l’on fasse appel « uniquement à une banque ou aussi aux aides à l’installation proposées par les groupements et les grossistes, voire à acheter via un crédit vendeur ». D’autant que, dans ce cas, « il y a beaucoup plus de fées penchées sur le berceau qu’il faudra rembourser ». À tous ces conseils, Guillaume Campo en ajoute deux. Faire preuve de patience, car « mieux vaut regretter de ne pas avoir acheté que d’avoir acheté ». Et étudier toutes les possibilités de financement : « Il faut sortir de nos ratios classiques de 20 % d’apport, il faut prendre le temps de regarder la rentabilité des affaires dans le détail pour évaluer le besoin et surtout ne fermer aucune porte. Il est possible aujourd’hui d’acheter sans apport par l’intermédiaire de crédits vendeurs ou d’obligations convertibles en actions. »
Quant au vendeur, il doit préparer son officine à la vente. « Vendre sa pharmacie c’est vendre son outil de travail, il doit donc être en bon état général et en état de marche, il doit être rendu attractif comme on le fait lorsqu’on vend un bien immobilier, insiste Philippe Becker. Il faut donc le rénover au besoin, renégocier son bail, mettre à disposition des comptes parfaitement clairs et choisir un prix correct dès le départ. Des milliers de pharmaciens vont partir à la retraite, donc les acheteurs vont avoir le choix. »
* Société de participation financière de professions libérales.
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