Les artistes disent « the show must go on » ; en pharmacie, c'est le service pharmaceutique qui ne doit pas être interrompu, pour des raisons sanitaires évidentes. Les aléas de la vie conduisent pourtant à des situations d'urgence, où la pharmacie doit rester portes closes suite à une absence imprévue du titulaire. À moins de disposer d'un remplaçant rapidement.
Les agences de travail temporaire
Problème de santé ou familial survenant brutalement, décès, ces situations sont rares mais elles existent. À l'agence de travail temporaire 24/7 Services, Marjorie Puthot et son équipe y sont confrontés régulièrement : « Il arrive que les titulaires nous appellent pour se faire remplacer du jour au lendemain, parfois le matin même. C'est tout l'intérêt de proposer un service accessible 24 heures sur 24 heures et 7 jours sur 7. Les contextes sont divers : des pharmaciens seniors souffrant d'une maladie grave comme un cancer, des AVC, des grossesses compliquées ou des suspensions d'exercice. Au téléphone, pour ceux qui sont en capacité de gérer leur remplacement, les pharmaciens se livrent et nous cherchons ensemble la solution la plus satisfaisante et la plus rapide. » Marjorie Puthot est docteur en pharmacie ; elle a été titulaire et sait combien l'organisation de la pharmacie est fragile dès que le titulaire n'est plus présent. Selon le profil de la pharmacie, l'urgence n'est pas la même. Si l'équipe compte un ou plusieurs adjoints, les conséquences de l'absence du titulaire sont minimisées, du moins à court terme. « Il arrive cependant que les titulaires ne souhaitent pas parler de leur vie privée, même à leur adjoint, soit par pudeur, soit parce que le climat est délétère au sein de l'équipe. Je me souviens d'un cas où le titulaire a eu un souci cardiaque. Il nous a appelés à 9 h 05 en urgence ; la pharmacie ouvrait à 9 h 00. Son équipe n'a pas été au courant de ce problème de santé. Pour elle, le titulaire avait pris quelques jours de congé, raconte Marjorie Puthot, précisant que, par discrétion, nous ne nous présentons jamais en tant que 24/7 services lorsque nous rappelons les pharmaciens clients. »
Parmi la génération plus jeune des titulaires, les urgences s'imposent généralement dans un contexte de grossesse ou d'enfant malade. « Des pharmaciens hommes nous appellent la veille pour le lendemain, le week-end ou la nuit, pour rester près de leur femme au moment de l'accouchement. Nous sommes prévenus assez tôt mais la date de remplacement reste la principale inconnue ! Nous avons 2 ou 3 bébés 24/7 à ce jour », se félicite la directrice associée de 24/7 Services. Et puis il y a les situations d'extra-urgence, qui nécessitent de trouver un remplaçant au remplaçant prévu : « Le titulaire en congés n'est pas à l'abri d'un désistement de dernière minute de son remplaçant. C'est ce qui est arrivé à l'un de nos clients, en vacances au Brésil : malade, la remplaçante n'a pas pu assurer l'intérim. Il a fallu trouver un autre pharmacien au pied levé. »
L'entraide entre confrères
Catherine Receveur, titulaire dans le Doubs, a connu cette situation angoissante de trouver un remplaçant en urgence. « J'ai subi une intervention chirurgicale. Mon remplacement était préparé, mais ce que je n'avais pas prévu, c'est le prolongement de mon arrêt maladie de sept jours », se souvient la pharmacienne. Pour gérer cette situation d'urgence, Catherine Receveur a pu compter sur la confraternité au sein de son groupement UPP25-90 : « Deux confrères du groupement ont assuré une permanence. L'un d'entre eux a même mis son adjointe à la disposition de mon officine. Au final, nous avons réussi à combler la présence pharmaceutique pendant ces 2 journées et demie et éviter une fermeture de ma pharmacie. » Cette confraternité entre pharmaciens de proximité apparaît comme un élément clé en cas de coup dur, comme le souligne Alain Delgutte, président de la section A de l'Ordre des pharmaciens : « En cas d'extrême urgence, notamment dans un secteur rural où le pharmacien est seul dans son officine, et son officine seule au village, c'est le système D qui fonctionne. On demande aux pharmaciens du secteur s'ils peuvent intervenir, et les horaires d'ouverture de la pharmacie sont aménagés. »
Remplacer au pied levé
Le décès subit d'un titulaire ou la perte brutale de ses capacités cognitives oblige la famille à organiser son remplacement en urgence. Des situations délicates, empreintes de douleur et d'empathie. « Nous avons eu le cas d'un décès. Le conjoint n'était pas pharmacien. Outre l'épreuve de la perte d'un proche, il faut assurer la poursuite de son activité en son absence », témoigne Marjorie Puthot. Le dispositif de gérance s'applique, avec tous les obstacles qu'il faut préalablement surmonter, comme l'accès aux comptes pour maintenir l'activité de l'entreprise. D'un point de vue réglementaire, « la procédure d'autorisation de gérance après décès doit être effectuée auprès de l'ARS. Dans les autres cas, il n'y a pas d'intervention directe de l'ARS mais les pharmaciens peuvent toujours se rapprocher de nous pour un conseil », explique Marie-Pierre Sanchez-Langlois, docteur en pharmacie et pharmacien inspecteur de santé publique ARS NA.
Contacter son assurance
Dans tous les cas, en plus de l'Ordre des pharmaciens (voir Trois questions à…), le pharmacien en incapacité de travailler ou sa famille doivent rapidement contacter l'organisme d'assurance. « Dans le cadre d'un exercice libéral, selon le contrat souscrit et sous certaines conditions, l'incapacité de travailler peut être couverte par la garantie Indemnité mensuelle du Plan de prévoyance, indique Valérie Cordonnier, chef de produit en responsabilité civile et protection juridique à la MACSF. Les informations relatives au contrat d'assurance sont généralement connues par le comptable de l'entreprise, mais il est conseillé de laisser ces éléments à la disposition de ses proches. » Comme d'autres organismes d'assurance, la MACSF a établi des partenariats avec des structures d'aide à la recherche de remplaçants.
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