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Loi travail : ce qui va changer

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Publié le 01/09/2016
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La loi El Khomri, dite loi « Travail », a été publiée au « Journal officiel » du 9 août dernier. De nombreuses dispositions de ce texte vont concerner les employeurs et les salariés des officines, notamment celles qui ont trait à la durée du travail, aux congés et aux licenciements économiques. Voici ce qu’il faut en retenir.

Il aura fallu de très nombreuses semaines de discussions et de débats parlementaires et trois recours à la procédure de l’article 49-3 de la Constitution pour que la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels soit enfin adoptée et publiée, après sa validation par le Conseil Constitutionnel le 4 août dernier.

Ce texte modifie profondément le Code du travail sur plusieurs points, le plus important étant sans doute la primauté désormais donnée à la négociation collective d’entreprise sur les accords de branche, dans les domaines de la durée du travail et des congés notamment. Mais toutes les mesures de la loi travail ne s’appliquent pas immédiatement : certaines n’entreront en vigueur qu’à la fin de l’année, d’autres en 2017 ou en 2019, et près de 130 d’entre elles nécessitent des décrets d’application…

Pour les officines, les principales dispositions à retenir sont les suivantes.

Durée du travail et congés

En matière de durée du travail, de repos et de congés (sauf les congés de maternité, les congés de formation…, qui ne sont pas concernés), la loi généralise le principe de la primauté de l’accord d’entreprise ou d’établissement sur l’accord de branche. En pratique, toute entreprise pourra négocier dans ces domaines des accords avec ses salariés, les dispositions de la branche professionnelle – pharmacie d’officine notamment – ne s’appliquant qu’à défaut d’accord d’entreprise.

Ainsi pour les heures supplémentaires : majorées actuellement de 25 % pour les huit premières heures (de la 36e à la 43e) et de 50 % pour les suivantes, elles pourront être payées moins (avec un minimum de 10 %) si un accord d’entreprise négocié le prévoit. Et cet accord l’emportera sur l’accord de la branche professionnelle.

De même, la durée maximale de travail par jour, fixée normalement à 10 heures, pourra passer à 12 heures si un accord d’entreprise, ou à défaut l’accord de branche, le prévoit, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation du travail. La durée maximale du travail en moyenne hebdomadaire, quant à elle, pourra passer de 44 heures à 46 heures sur une période de 12 semaines consécutives.

En revanche, les règles générales relatives aux congés payés (droit aux congés, acquisition et décompte des congés payés…) restent d’ordre public et il ne sera donc pas possible d’y déroger par un accord d’entreprise (ni par accord dans la branche professionnelle). Toutefois, un certain nombre de points pourront être négociés, avec primauté à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche : la date de début de la période de référence pour l’acquisition des congés payés, l’ordre des départs en congés, les règles de fractionnement des congés et, dans ce cas du fractionnement des congés, la période pendant laquelle une fraction d’au moins 12 jours ouvrables doit être prise.

Ces dispositions s’appliqueront à compter du 1er janvier 2017.

Licenciements économiques

Concernant les licenciements pour motif économique, la loi ajoute aux motifs existants - dont, notamment, les difficultés économiques - deux motifs nouveaux pouvant justifier ces licenciements : la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et la cessation d’activité de l’entreprise.

En pratique, les difficultés économiques d’une officine pourront être caractérisées par une baisse du chiffre d’affaires pendant un certain nombre de trimestres consécutifs : un trimestre de baisse du chiffre d’affaires pour les officines de moins de 11 salariés, ou deux trimestres pour celles qui emploient plus de 11 salariés (et jusqu’à 49 salariés).

Par conséquent, il suffira qu’une officine remplisse cette condition de baisse d’activité pour qu’un licenciement économique puisse être mis en œuvre, et il sera alors difficile pour le salarié de contester le motif économique de son licenciement dès lors que cette condition sera remplie…

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er décembre 2016.

Les autres mesures à retenir

Parmi les autres dispositions nouvelles, la loi travail prévoit de supprimer la visite médicale d’embauche systématique et de la remplacer, pour les postes qui ne sont pas à risques, par une simple visite d’information et de prévention après l’embauche.

Elle prévoit aussi d’autoriser les employeurs à remettre un bulletin de paie électronique aux salariés, ces derniers ne pouvant s’y opposer qu’en demandant une remise de leur bulletin de salaire sous forme papier. Autrement dit, à partir du 1er janvier 2017, l’employeur n’aura plus à demander l’accord préalable du salarié pour recourir au bulletin de paie électronique.

Présenté comme une mesure phare de la loi pour sécuriser les parcours professionnels, le compte personnel d’activité des salariés, par ailleurs, regroupera à compter du 1er janvier 2017 le compte personnel de formation (CPF), le compte personnel de prévention de la pénibilité et le « compte d’engagement citoyen » qui permettra de valoriser certaines activités citoyennes.

Le CPF sera en outre ouvert, à compter de 2018, à tous les travailleurs indépendants et professionnels libéraux et à leurs conjoints collaborateurs. Ce compte sera crédité en heures de formation à la fin de chaque année, comme celui des salariés. Il sera alimenté à hauteur de 24 heures par année d’activité professionnelle jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis de 12 heures par année de travail, dans la limite d’un plafond total de 150 heures.

À noter aussi un point qui avait provoqué de nombreux débats lors des discussions parlementaires : la loi travail ne prévoit plus de plafonner les indemnités obtenues par les salariés devant le Conseil de prud’hommes en cas de licenciement abusif. Seul un barème indicatif est prévu, qui sera une simple aide pour les juges prud’homaux…

De plus, l’article 65 de la loi, qui prévoyait, pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés, la possibilité de déduire de leur résultat fiscal une épargne de précaution constituée pour faire face au paiement d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, a été censuré par le Conseil constitutionnel…

Source : loi 2016-1088 du 8.8.2016, « JO » du 9.

François Sabarly

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3282