Dans notre société bombardée d'images, le poids des apparences est de plus en plus lourd, y compris dans le domaine de l'emploi. Selon un sondage TNS-SOFRES réalisé pour le Medef en 2018, le look, la beauté et la silhouette sont considérés comme importants en matière professionnelle, que l'on soit en contact avec la clientèle ou non.
Un podium de stéréotypes d'autant plus marqués chez les femmes. Côté pile, pour le sociologue Thibaut de Saint Pol, « l'attractivité physique est un diplôme supplémentaire reconnu par le marché du travail ». Côté face, une femme trop « attrayante » induirait aussi des jugements négatifs. Sans distinction de genre, certaines études tendent à démontrer que les salariés jugés « beaux » perçoivent des salaires en moyenne 12 % plus élevés. Pour lutter contre cette forme de discrimination, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a élaboré un document de référence cousu de situations concrètes et de recommandations tenant compte de l'évolution de la société et des phénomènes de mode.
Obésité et grossophobie.
Les femmes sont sur la balance. Le chiffre est implacable. Le taux d'emploi des femmes obèses est inférieur de dix points à celui des femmes non obèses (71 % contre 81 %). Pourtant, le simple contact avec la clientèle ne peut justifier, à lui seul, d'exiger des salariés une certaine silhouette. Il est ainsi illégal de refuser d'embaucher des jeunes femmes en qualité d'hôtesses d'accueil en raison de leurs mensurations ou de leur morphologie. Le Défenseur des droits souligne que le diktat de la minceur est plus que critiquable. Y compris lorsqu'il est inséré dans le contrat de travail d'une chargée de vente de produits amaigrissants. Même pour les mannequins, les normes et les canons de beauté évoluent ces dernières années. La marge d'appréciation des employeurs va devenir de plus en plus serrée à l'avenir.
Tenue vestimentaire.
C'est une liberté individuelle. Dans l'entreprise, le salarié peut en principe s'habiller comme il le souhaite. L'employeur peut étiqueter des restrictions si celles-ci sont « justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ». Notamment pour des raisons d'hygiène, de sécurité, ou de représentation vis-à-vis de la clientèle. Ainsi, le secteur de la cosmétique peut par exemple imposer un maquillage léger ou des ongles manucurés à ses démonstratrices. De manière plus générale, l'employeur peut exiger une « présentation soignée ». En revanche, les codes vestimentaires qui obéissent à des stéréotypes de genre et qui tendent à exploiter le capital érotique des femmes sont sexistes et discriminatoires. Tels les décolletés, les minijupes, les talons hauts. Inciter les femmes à porter une tenue sexualisée est susceptible de caractériser une atteinte à la dignité.
Barbe.
Véritable phénomène de mode. À la faveur du mouvement Movember initié en Australie, le port de la barbe est revenu en force, d'abord celle de trois jours, pour arriver aujourd'hui à celle du « hipster ». Selon un sondage réalisé en 2018 par Opinionway pour la marque de rasoir Bic, 92 % des hommes de 25-34 ans et 47 % des plus de 35 ans affichent désormais cet attribut. Cette évolution a conduit à une révision des codes professionnels. Ne plus se raser n'est plus perçu comme un marqueur de manque d'hygiène. À condition de porter une barbe « soignée et entretenue ». Ainsi, il a été jugé que l'apparence physique d'un aide-soignant mal rasé ne participe pas à l'image de « la plus grande propreté corporelle » requise par le règlement intérieur d'un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes. Son contrat est passé sous la lame.
Tatouages et piercings.
Auparavant anticonformistes, ces marques corporelles se généralisent et se normalisent. Les influenceurs, les secteurs jeunes et branchés en font même parfois une marque de fabrique. L'employeur peut les interdire ou les limiter, là encore pour des raisons d'hygiène ou de sécurité. Ou parce que le message visible du tatouage est incompatible avec l'image de l'entreprise. Par exemple, un tatouage faisant la promotion de la consommation de stupéfiants. Évidemment, pas du meilleur effet au comptoir d'une pharmacie. Ainsi, le Défenseur des droits recommande aux employeurs de définir dans un document écrit - contrat de travail, règlement intérieur, note de service - toutes les contraintes et restrictions en matière d'apparence physique et de présentation. Un maximum de transparence pour un minimum d'écarts.
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