Le Quotidien du pharmacien.- Quel est l’impact de l’avenant n° 11 sur l’économie des officines rurales ?
Albin Dumas.- Sur ce sujet, nous partageons l’analyse de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Pour nous, les dispositions économiques prévues par l’avenant n° 11 sont insuffisantes pour compenser les baisses de prix actuelles et à venir. Les pharmacies rurales, qui ont une clientèle généralement plus âgée, sont les plus pénalisées par la politique de santé qui est menée, notamment par les baisses de prix appliquées. Et je ne vois aucun élément dans cet avenant qui vienne infléchir cette tendance.
En ce qui concerne les nouvelles missions, une enquête que nous présenterons lors de notre assemblée générale, montre qu’elles ont quasiment disparu des pratiques de nos confrères ruraux. Ce n’est pas dû à un problème de temps, mais plutôt à une certaine lassitude de la clientèle. En fait, il faudrait que ces nouvelles missions, en tout cas les entretiens pharmaceutiques, puissent être réalisées au comptoir en même temps que la dispensation, qu’elles soient incluses à l’acte de délivrance. Par ailleurs, il faut être prudent dans l’application de l’honoraire à l’ordonnance car nous délivrons des ordonnances certes chères, mais en petit nombre. Je reste favorable à la mise en place d’un honoraire propre aux officines rurales.
Quel est le bilan de la vaccination à l’officine en milieu rural ?
Les pharmaciens ruraux ont bien participé à l’expérimentation, même s’il y a eu quelques réserves vis-à-vis des infirmières. Nous avons en effet l’habitude de travailler en étroite collaboration avec elles, ne serait-ce que pour acheminer les prélèvements vers les laboratoires d’analyses. La moyenne d’âge des officinaux qui exercent en milieu rural est aussi un peu plus élevée et ces titulaires sont peut-être un peu moins formés et habitués aux nouveaux gestes. Mais globalement, le monde rural n’a pas hésité à se saisir de la vaccination antigrippale, et la clientèle non plus.
Plus largement, comment accueillez-vous le plan de prévention annoncé par Agnès Buzyn ?
Il y a un ensemble de bonnes mesures, telles l’extension de la vaccination antigrippale à l’ensemble des régions. Mais aussi la prise en charge des substituts nicotiniques, même si la phase de transition va être un peu compliquée pour nous, avec des questions de stock et de prix. Je regrette toutefois que les pharmaciens n’aient pas obtenu la possibilité de prescrire ces produits de sevrage, alors que l’on parle de difficulté d’accès aux médecins. Je regrette également que sur l’aspect dépistage du diabète ou de l’hypertension, on ne nous ait pas trouvé une place. Je pense qu’il y a davantage de domaines dans lesquels le pharmacien pourrait intervenir, tels le dépistage du cancer du col, la supplémentation en vitamine B9, ou encore le « pass préservatif ».
Quels sont les principaux changements à attendre de l’ordonnance réseau ?
J’ai alerté la ministre sur le risque de perte de confiance que faisait courir cette ordonnance pour les pharmaciens désireux de s’installer en milieu rural. En effet, l’ordonnance réseau, qui vise à adapter le réseau officinal aux nouveaux modes de vie des Français, prévoit la possibilité de créer de nouvelles pharmacies dans certaines zones où l’accès aux médicaments serait jugé insatisfaisant par l’agence régionale de santé (ARS) concernée. En pratique, il n’y aura pas un grand nombre de créations par dérogation en milieu rural. En revanche, il y a un risque : les candidats à la reprise de petites officines rurales pourraient se décourager et ne plus racheter les officines mises en vente dès lors que l’épée de Damoclès d’une possible création par dérogation pèsera sur ces transactions. Les officines des 138 communes françaises qui sont dans la situation où l’ordonnance réseau pourrait s’appliquer de façon dérogatoire sont d’ailleurs pratiquement toutes situées en périphérie urbaine dans des zones surdotées. Donner l’idée qu’on peut créer des pharmacies en plus est contre productif, alors que cette ordonnance présente des points positifs, en particulier les mesures en direction des jeunes diplômés. En effet, en ce qui concerne les créations, la priorité sera désormais donnée aux pharmaciens n’ayant jamais eu de licence. Et quand on sait que les jeunes se tournent prioritairement vers les officines rurales, qui représentent 50 % des transactions annuelles, l’optimisme peut rester de mise.
Craignez-vous que cette ordonnance entraîne l’apparition de déserts pharmaceutiques ?
Si l’on se réfère à la définition du désert médical, personne n’est aujourd’hui à plus d’une demi-heure d’une pharmacie, à part peut-être quelques zones où la densité de population est très faible. Pour moi, l’ordonnance réseau ne changera pas l’aspect de la pharmacie française, même si quelques cas malheureux sont à craindre. Ce qui n’empêche pas notre réseau d’être exposé à des risques. Un récent rapport de la Cour des comptes ne préconise-t-il pas de supprimer une pharmacie sur deux ? Dans ce contexte, l’APR s’est associée à la campagne de sensibilisation lancée par la FSPF auprès du grand public et des élus.
L’enquête actuellement menée par l’Autorité de la concurrence ne représente-t-elle pas une autre menace ?
L’objectif de cette enquête est de prouver que la dérégulation est absolument nécessaire. Elle porte sur différents domaines : vente de médicaments en ligne, prix des médicaments OTC, ouvertures du monopole et du capital. Nous avons été auditionnés par trois inspecteurs. Deux d’entre eux avaient toutefois une vision bienveillante de notre réseau, tant pour des raisons sanitaires que d’aménagement du territoire. Sur la question d’un éventuel défaut de concurrence des prix entre pharmacies, nous leur avons rappelé que nous ne sommes peut-être pas compétitifs sur l’ensemble d’une classe de produits, mais que nous nous attachons à proposer un prix pour un produit qui soit compris dans une fourchette en cohérence avec le reste du pays. Nous leur avons également expliqué que d’encourager la vente de médicaments par correspondance risque d’entraîner une dégradation du parcours de soins en favorisant la disparition des officines de proximité. Nous sommes favorables à la vente sur Internet à condition que les patients viennent retirer les médicaments commandés dans leur pharmacie de briques et de mortier ! Il nous semble aussi nécessaire d’accorder une certaine liberté aux pharmacies pour rétrocéder entre elles, mais aussi de permettre aux officinaux de délivrer certains médicaments, même listés, dans le cadre de protocoles, comme la fosfomycine, ou la codéine. Enfin, les conditions de délivrance à l’officine des médicaments vétérinaires doivent évoluer.
Plus précisément, quelle évolution attendez-vous pour la pharmacie vétérinaire ?
Aujourd’hui, en matière de médicaments vétérinaires, il faut une ordonnance pour tout, hormis les vermifuges et les antiparasitaires externes. Or nous avons besoin d’un dermocorticoïde exonéré ou d’un antalgique. La question de la contraception ou de la vaccination du chat doit également être abordée. En fait, il y a de multiples exemples dans le domaine de l’animal de compagnie ou de loisirs pour lesquels la réglementation doit évoluer. Le pharmacien est capable, par exemple, d’assurer une traçabilité dans la vaccination des animaux, il l’a prouvé dans la vaccination antigrippale chez l’homme. Il peut aussi être très efficace pour limiter l’usage abusif des antibiotiques en pharmacie vétérinaire.
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