Le Quotidien du Pharmacien. Quel est l'état du marché des génériques plus de 15 ans après l'octroi du droit de substitution aux pharmaciens français ?
Erick Roche. Le marché du générique à fin 2016 représente 900 millions de boîtes de médicaments, soit 6,5 % de plus qu'en 2015, et pèse 36 % en volume du marché pharmaceutique remboursable. En valeur, le marché est à 3,5 milliards d'euros et a crû de 3,3 % en 2016, il représente 19 % du marché du remboursable. En franchissant le seuil des 900 millions de boîtes, le marché a été multiplié par 4 en 15 ans. Reste que si la progression en 2016 est assez significative en volume, elle ne permet toujours pas à la France de rattraper son retard.
Cette progression est-elle pour autant conforme aux objectifs de croissance des génériqueurs ?
Nous sommes loin des croissances observées avant 2010 ou en 2013 lors de la relance du principe tiers payant contre générique où on se situait au-delà des 10 points de progression. 6,5 %, évidemment ce n'est pas suffisant, mais depuis deux ans nous sommes dans une dynamique qui nous fait espérer une croissance plus importante dans les mois à venir. 2017 devrait connaître une progression au moins égale à celle constatée en 2016.
Où se situe le marché français du générique par rapport à ceux de nos voisins européens ?
On est encore loin d'avoir rattrapé notre retard par rapport à nos voisins. Lorsqu'en volume nous sommes à 36 %, le Royaume-Uni est à 84 %, l'Allemagne à 81 % et même l'Espagne, qui s'est engagée dans le générique en même temps que la France, est à 48 %. Si nous ne sommes pas les derniers - l'Italie est à 18 % et la Suisse à 16 % - la majorité des grands pays européens sont devant nous.
Le plan de promotion des médicaments génériques engagé par le gouvernement a-t-il, selon vous, commencé à porter ses fruits ?
Il faut d'abord souligner le fait que ce plan a très bien analysé les blocages qui subsistaient sur le générique, il a établi le bon diagnostic et ses préconisations étaient les bonnes. Malheureusement, il contenait trop de mesures pas toujours bien hiérarchisées. Pour nous, les mesures importantes de ce plan étaient la communication grand public qui visait à lutter contre la défiance des Français à l'égard du générique, mais aussi celle visant à renforcer les incitations pour les médecins à prescrire dans le répertoire générique. À cet égard, on ne peut que louer le lancement de la campagne grand public et la négociation qui a eu lieu l'an passé entre les médecins et la CNAM autour des objectifs de prescription des généralistes. À savoir qu'environ un tiers des indicateurs de la « ROSP médecin » concernait les génériques. Malheureusement l'ambition de ces objectifs assignés aux médecins reste trop modeste, même si, pour le GEMME, cela constitue une mesure qui va dans le bon sens. Globalement, nous considérons que cette année tous les ingrédients sont « dans la marmite » : les ROSP médecins, la campagne grand public et bientôt de nouveaux objectifs de substitution pour les pharmaciens. On devrait donc avoir une année relativement dynamique en termes de croissance.
Ce sont les objectifs fixés aux médecins qui sont trop modestes, ou l'implication des prescripteurs qui reste limitée ?
Ce sont les résultats qui sont modestes, comme en atteste leur évolution entre 2015 et 2016. Fin 2015, 43 % des prescriptions étaient réalisées dans le répertoire. Fin 2016, nous sommes à 45 %, soit deux points de plus. Nous considérons que cela reste insuffisant, surtout comparé à l'Allemagne où, pour exemple, le périmètre des prescriptions médicales substituables est à plus de 84 %. Il y a donc encore de la marge. Il va falloir accélérer le retour de la prescription dans le répertoire.
Une mesure assez emblématique a été prise il y a un peu plus d'un an, c'est la mise sous accord préalable de la prescription du Crestor pour inciter les médecins à ne pas engager de nouveaux patients sur cette spécialité non substituable sans justification. Cette mesure a plutôt bien fonctionné, mais il faut privilégier les mesures d'incitation, car il faut trouver rapidement les moyens d'accélérer le mouvement.
Côté pharmaciens, les objectifs de substitution auraient-ils trouvé leurs limites ?
Probablement. La substitution en 2016 a atteint 79,7 %, soit deux points de plus qu'en 2015. On a même atteint un record en décembre 2016 avec un taux de 81,4 %, peut-être un peu grâce aux messages de la campagne. Bien sûr, le travail des pharmaciens en matière de substitution est remarquable, mais peuvent-ils faire encore beaucoup mieux ? J'en doute. Cela sera sans doute compliqué pour eux de gagner encore quelques points de substitution. Encore une fois, je pense que c'est par l'augmentation de la prescription dans le répertoire associée à une substitution dynamique que les économies liées au générique peuvent encore progresser.
La LFSS pour 2017 prévoit de nouvelles baisses de prix pour les génériques. Jusqu'où les acteurs du marché pourront-ils les supporter ?
C'est une année encore très rude pour l'industrie du générique. Nous avons supporté depuis 2013 presque 800 millions d'euros de baisses de prix. Et avec 130 millions de plus prévus, 2017 devrait être l'une des années les plus touchées à cet égard. Pour autant, les négociations que nous avons menées avec le CEPS ont permis de contenir cette tendance, et donc de limiter l'impact sur les pharmaciens, puisque le niveau des baisses annoncé était au départ beaucoup plus élevé. Le résultat, et c'est un motif de satisfaction pour le GEMME, c'est la sanctuarisation des produits à petits prix. Le CEPS a reconnu qu'en raison des contraintes réglementaires qui s'imposent à nous, les produits dont le prix est inférieur à 3 euros ne doivent pas être concernés par les baisses. À défaut, nous ne pourrions plus assurer, pour ces produits-là, le respect des normes réglementaires et pourrions être contraints de les arrêter. Pour 2017, le CEPS a également acté que les baisses de prix ne soient pas appliquées de façon éparse mais par grandes classes. Voilà pourquoi les vagues de baisses seront concentrées sur les IEC, sartans et IPP. Je crois que les discussions menées en 2016 avec le CEPS ont permis de poser les bases qui nous éviteront les difficultés des années passées. En 2017 les baisses seront donc plus focalisées et prévisibles. Pour autant, l'horizon n'est pas dégagé. Nous avons eu une baisse moyenne des prix de près de 4 % en 2016 et nous aurons à peu près le même niveau de baisse en 2017. Au total, ces quatre dernières années, ce sont 14 % de décote que les industriels du générique auront eue à subir et l'impact pour l'économie des pharmacies doit aussi être pris en compte.
Pour le GEMME, le projet est clair : prôner les économies additionnelles par l'augmentation des volumes, notamment par le biais de la prescription dans le répertoire, et non plus par les baisses de prix.
Le niveau des remises accordées par les génériqueurs aux pharmaciens est sous la surveillance active de la DGCCRF. Que vous inspire cette situation ?
Il est un peu compliqué pour le GEMME de répondre sur ce point. Car vous savez que tout ce qui est en aval de l'activité des fabricants ne peut faire l'objet d'une action ou d'une position coordonnée. En revanche, ce que je peux vous dire c'est que l'on trouve que l'article L.138-9 du CSS, auquel vous faites référence, doit être clarifié. Aujourd'hui, il n'est pas suffisamment précis et donne lieu à des interprétations divergentes qui ne permettent pas de travailler dans un univers serein. Les derniers textes* n’ont d’ailleurs pas permis de clarifier la situation. Ce qui est certain, c'est que ni les pharmaciens ni les laboratoires ne peuvent rester dans cette ambiguïté. Le GEMME appelle de ses vœux une clarification administrative ou légale.
Qu'est-ce que le GEMME attend pour le générique en 2017 ?
Voir monter la prescription dans le champ du répertoire. Autrement dit, que les médecins montent à bord du train des génériques et que soient enfin réunies les conditions qui permettront à la France d'approcher les taux de délivrance générique de ses voisins européens. Ce que nous attendons aussi, c'est que les pouvoirs publics réalisent vraiment qu'il faut définitivement abandonner le recours aux baisses de prix au profit de l'augmentation des volumes. Qu'ils se rappellent qu'un point de baisses de prix des génériques représente 33 millions d'euros d'économies pour la collectivité quand 1 point de prescription en plus dans le répertoire génère 70 millions d'euros d'économie supplémentaires…
En 2016, grâce à l’implication de tous, et notamment des pharmaciens, l’utilisation du médicament générique a permis d’économiser 2,2 Md d’euros… il faut s’en féliciter mais on peut aussi regretter que tout le potentiel de ce marché ne soit pas utilisé car le médicament générique, en permettant au système de soin de faire des économies substantielles, permet la prise en charge de traitements innovants tout en garantissant le même niveau de qualité que les médicaments princeps.
* Ordonnance du 19 janvier 2017 portant réforme du dispositif anti-cadeaux.
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