Un entretien avec le Dr Ana Rath (INSERM)

« Dans le monde, les maladies rares, prises ensemble, sont fréquentes »

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Publié le 31/10/2019
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À partir des données de la base Orphanet, des chercheurs français (INSERM/Eurordis) montrent que les maladies rares représentent une population de patients non négligeables : ils seraient entre 263 et 446 millions dans le monde. Ces travaux, dirigés par le Dr Ana Rath, sont publiés dans le « European Journal of Human Genetics », et ont vocation à améliorer les connaissances sur ces maladies pour mieux orienter les politiques de santé publique.
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Crédit photo : phanie

Le Quotidien._ Les maladies rares représentent environ 4 % de la population mondiale. Comment êtes-vous parvenus à cette estimation ?

Dr Ana Rath.- Sur la base d'études épidémiologiques, nous avons entrepris de calculer la prévalence réelle mondiale des maladies rares par une méthode d'extrapolation. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur la définition européenne des maladies rares, c'est-à-dire que nous avons pris en compte les maladies qui touchent moins d'une personne sur 2 000. Nous avons estimé qu'entre 3,5 et 5,9 % de la population sont concernés par les maladies rares, soit entre 263 et 446 millions de personnes. Cela confirme des estimations précédentes qui avaient été établies sans réel fondement scientifique. Toutefois, il s'agit sûrement d'une sous-estimation, car nos estimations ne reflètent que ce qui a été publié dans la littérature.

À noter que ces estimations ne prennent en compte que 67,6 % (3 585) des 6 172 maladies rares recensées par la base Orphanet. Les maladies incidentes comme les cancers rares, les maladies infectieuses et les intoxications font l'objet d'une autre analyse.

En quoi consiste la base de données Orphanet ?

Il s'agit d'une base de données et d'informations portant sur l'ensemble des maladies rares. Orphanet est un projet français créé en 1997, qui s'est ouvert à partir des années 2000 à d'autres pays d'Europe puis à l'international avec le Canada, le Japon, l'Australie, l'Argentine, le Maroc et la Tunisie. La base s'appuie aujourd'hui sur 38 pays.

Orphanet produit la seule nomenclature spécifiquement adaptée aux maladies rares. Celle-ci commence à être intégrée dans les systèmes de santé des différents pays. Cette codification est nécessaire pour améliorer la visibilité des maladies rares dans les systèmes de santé.

Orphanet comprend par ailleurs des données scientifiques sur les maladies rares, divers documents tels que des recommandations, et regroupe toutes les ressources disponibles (associations, centre d'expertise, essais cliniques, médicaments…).

Quels sont les autres résultats à retenir de votre étude ?

Nous avons montré que 71,9 % des plus de 6 000 maladies rares sont d'origine génétique et qu'elles sont 69,9 % à survenir exclusivement durant l'enfance. Par ailleurs, nous avons montré qu'environ 98 % des malades sont concernés par 390 maladies.

Quel est l'impact espéré de ces résultats ?

Nous souhaitons attirer l'attention sur le fait que les maladies rares, prises ensemble, sont fréquentes, d'où la nécessité de les prendre en compte dans des politiques de santé publique. Elles partagent un certain nombre de caractéristiques du fait de leur rareté, comme l'errance diagnostique et la difficulté à les prendre en charge.

Heureusement, les choses avancent : le 23 septembre dernier, les maladies rares ont été incluses pour la première fois dans une déclaration politique des Nations unies, qui portant sur la couverture santé universelle. C'est le fruit du travail des associations de malades notamment.

Ces estimations fondées scientifiquement et la codification spécifique des maladies rares vont également contribuer à mieux connaître les malades et leur parcours, et ainsi permettre de mieux adapter les politiques de santé.

La France, avec son 3e plan maladies rares, est un pays pionnier en termes de politiques menées sur ces maladies, même s'il y a encore un fossé entre les médecins généralistes et les dispositifs d'expertise (centres de référence…).

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3553