Si l’on osait, on pourrait comparer le travail des prestataires informatiques dans le préparatoire à des ouvrages de longue haleine dignes des anciennes tapisseries, celle de Pénélope à Ithaque attendant Ulysse ou celle de la reine Mathilde à Bayeux racontant la conquête normande de l’Angleterre.
Parce qu’il y a un maillage à réaliser, un maillage très fin, complexe, constant, à suivre les bonnes pratiques du préparatoire. Ces bonnes pratiques, édictées en 2007, tissent elles aussi la structure de l’activité des pharmacies qui se sont spécialisées. Mais la métaphore, un peu audacieuse certes, s’arrête là, car dans le domaine du préparatoire, on s’éloigne de l’artisanat, ou de l’art, pour arriver à une activité déjà semi-industrielle qui s’exerce en fonction de procédures rigoureuses pour lesquelles un équipement adapté est impératif.
Aucune autre activité technologique dans le monde de la pharmacie n’est autant « bordée » par la réglementation, ni la PDA, encore moins l’automatisation, ne subissent de telles contraintes. Les bonnes pratiques constituent la colonne vertébrale de cette activité et d’abord et avant tout dans le logiciel. C’est par là que les choses commencent pour toute pharmacie qui s’intéresse au préparatoire, de celles qui assument quelques préparations régulières aux plus gros sous traitants de France.
Traçabilité et logistique
Les deux éditeurs présents sur ce marché à l’échelle nationale, Idris (adossé à la pharmacie Delpech à Paris) avec Easy Prep, et Accoss (racheté en 2014 par la société Alma, qui l’a intégrée à son pôle santé) avec BP Prep poursuivent ainsi ce « maillage » informatique des procédures auxquelles sont confrontées les équipes dans le domaine du préparatoire.
Soulignons d’emblée que d’autres logiciels existent, mais ils sont plus confidentiels, parfois même créés par des pharmaciens pour leur usage propre. Ces éditeurs estiment que les progrès sont constants et aujourd’hui « presque tout est fait », selon Fabien Bruno, titulaire de la pharmacie Delpech. Les progrès les plus récents ont concerné la partie administrative, « il y a eu changement de mode opératoire, confie-t-on au sein de la pharmacie Delpech, des procédures et notifications de telle sorte que chacun puisse recevoir et lire les messages adressés. » C’est la traçabilité à tous les étages.
« Les améliorations concernent également la mise en place de services auprès d’autres prestataires pour le contrôle qualité des préparations, l’envoi en automatique des factures, ou le développement d’interfaces avec des logiciels de gestion des expéditions », ajoute Denis Crebassa, responsable de l’activité santé d’Alma.
Ces partenariats ont permis de développer des interfaces et d’utiliser Internet pour améliorer la traçabilité de ces procédures administratives. Idris est en train de développer de son côté une solution de traçabilité logistique avec les grossistes, voir où en est la pharmacie donneuse d’ordre, l’état de la préparation demandée, ses factures, ses informations etc…
La gestion des process administratifs peut se faire aussi par des solutions documentaires plus classiques, c’est le cas de la pharmacie de l’Europe, autre grand sous traitant parisien. Elle dispose d’une solution de serveur fax/mail qui permet de tracer tous les envois de fax (faits par mails en fait) avec notamment un accusé de réception. « Cela libère du temps et facilite le travail, nous n’avons plus besoin de rechercher un ordre reçu », commente Pierre Cabret, titulaire. C’est une solution qui concerne l’ensemble des activités de l’officine.
Les développements logiciels à venir
La traçabilité relative à l’activité préparatoire proprement dite s’est renforcée au fur et à mesure des nouvelles réglementations. Ainsi en est-il des produits dangereux. « La classification de ces produits a changé », explique Denis Crebassa, « On contrôlait déjà la péremption, le statut des lots des matières premières, il a fallu rajouter d’autres critères. »
Le paramétrage de l’étiquetage s’est également amélioré, afin de répondre au nouveau décret. Pour EasyPrep, toutes les étapes sont appréhendées, cela va jusqu’au contrôle des erreurs, de la gestion des produits non-conformes, comprendre pourquoi elles ne sont pas conformes, évoque Fabien Bruno. Toutes ces améliorations représentent un défi car elles alourdissent les bases de données, il faut trouver des solutions pour garantir la simplicité de l’usage par les préparateurs.
Côté simplification, les deux éditeurs ont prévu de ne disposer à terme qu’une seule version de leur logiciel, actuellement il en existe deux, l’une de base et l’autre plus sophistiquée destinée aux sous traitants. « Ce sera plus simple de disposer d’un seul logiciel pour les mises à jour et la maintenance, certains modules seront actifs, d’autres pas, selon le statut de la pharmacie cliente », ajoute Fabien Bruno.
Autre grande évolution attendue, la création de modules dédiés à l’homéopathie et à l’herboristerie, grande faiblesse actuelle de ces logiciels. « Nous utilisons depuis longtemps Primoris pour notre activité de préparation homéopathique qui est importante, c’est le seul logiciel qui traite à ce jour correctement cette activité mais il n’est plus développé par son éditeur », souligne Pierre Cabret, qui songe à s’équiper prochainement d’EasyPrep. « La gestion de la préparation dans le domaine de l’homéopathie est un peu différente de celle de l’allopathie, notamment parce qu’il faut pouvoir gérer une diluthèque, des règles de péremption, un étiquetage et une tarification adaptés », explique Denis Crebassa.
Un marché de petites séries
Les logiciels ont notamment pour fonction d’enregistrer ce que les matériels mesurent, ce qui est le cas pour les pesées des balances, celles-ci sont automatiquement intégrées dans ces programmes, et cela depuis longtemps. L’amélioration de cette tâche c’est par exemple sa certification comme le propose Accoss.
Les liens des logiciels avec les autres matériels utilisés en préparatoire dépendent de leur qualité et de leur sophistication. D’une manière générale, les matériels ne sont pas aussi aboutis que les sous-traitants le souhaiteraient. « Il y a vrai besoin d’automatiser mais les produits proposés sont globalement peu probants », constate Pierre Cabret, « cela parce que le marché du préparatoire est délaissé par les fabricants, c’est un marché de petites séries, donc très difficile à rentabiliser. »
Exemple typique, celui des géluliers, qui existent en modèles manuels ou semi automatiques, mais ne sont pas complètement automatisés. « Il existe des géluliers complètement automatisés dans l’industrie pharmaceutique habituée aux grandes séries », explique Guillaume Dourland, gérant de Vanda France, distributeur de matériels spécialisé dans le préparatoire. « C’est beaucoup plus difficile d’automatiser des géluliers de petites séries pour les sous traitants en préparations », ajoute-t-il.
Alternative aux gélules
Cela n’empêche pas le domaine des géluliers d’évoluer quand même, mais sur un mode peut être un peu plus artisanal. La tendance est aujourd’hui de proposer des géluliers dotés de plaques en métal (inox) plus solides et plus faciles à nettoyer que les plaques en plastique le plus souvent utilisées jusqu’à présent.
L’automatisation partielle de ces machines s’illustre par exemple chez Fagron, avec des modèles avec chargeurs dans lesquels on dispose les gélules qui tombent du chargeur et s’insèrent dans le pilulier. Les chargeurs ont une contenance inférieure de moitié à celle du pilulier, il faut donc répéter l’opération pour qu’il soit entièrement rempli, décrit Jérôme Germanaud, directeur général de Fagron. Un gain de temps et une plus grande facilité ensuite à remplir les gélules.
Le spécialiste du préparatoire dispose d’une offre alternative, pour toutes les préparations pédiatriques à base de gélules. « La France est un des rares pays où l’on fabrique 90 % des médicaments pour enfants sous forme de gélules, une aberration tant il est difficile d’administrer des gélules aux enfants, surtout les plus jeunes », commente Jérôme Germanaud.
« Nous proposons Syrspend, une solution qui permet de peser la poudre contenue dans une gélule et d’y ajouter un liquide de suspension pour en faire une solution buvable », explique-t-il. Cette solution repose sur un gros travail d’études préalables, la forme liquide est meilleure pour les enfants mais elle est peu stable, il faut donc faire des études de stabilité avant de pouvoir utiliser ce système. Chaque étude correspond à une molécule.
Lorsqu’un domaine du préparatoire n’est pas automatisé de manière satisfaisante, comme par exemple le test de l’uniformité de masse, alors, on se débrouille comme on peut. La pharmacie Delpech s’est ainsi donné les moyens de fabriquer un automate dédié, à son usage personnel. Un ou deux autres exemplaires ont été vendus à d’autres sous-traitants, mais compte tenu de son coût, quelque 8 000 euros, Fabien Bruno ne s’imagine pas en fabriquer beaucoup d’autres.
La question de la sécurité
Le pendant des bonnes pratiques est en effet que l’équipement nécessaire représente un investissement important. Les bonnes pratiques, mais aussi tout simplement des préoccupations liées à la sécurité. Ainsi en est-il des hottes, qui ont toujours été un souci pour les sous-traitants dans le domaine du préparatoire.
Delphine Lajoie, co titulaire de la pharmacie Tohannic à Vannes (voir encadré ci contre), a voulu une hotte haut de gamme pour sa salle dédiée aux produits dangereux (CMR, cancérigène, mutagène, reprotoxique). « Il a fallu qu’on fasse des recherches pour trouver le matériel le plus adapté et nous avons pris une hotte à flux laminaires, haut de gamme, plus protecteur », explique-t-elle.
L’aspect sanitaire implique qu’on ne regarde pas trop à la dépense… « Les hottes sont très différentes selon qu’elles sont destinées à des préparations en allopathie ou en homéopathie, précise Guillaume Dourland, dans le premier cas, elles sont aspirantes afin notamment de protéger les préparateurs, dans le second elles sont soufflantes, elles soufflent sur le produit pour éviter que l’extérieur ne vienne le contaminer. »
Delphine Lajoie s’est adressée à la Société des officinaux sous-traitants en préparations (SOTP) dans le cadre de réunions suite au décret relatif aux matières dangereuses. Autre moyen de se faire aider, s’adresser à l’inspecteur de son ARS. « Le sous-traitant doit de toute façon connaître la position de son ARS », rappelle Guillaume Dourland.
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