Il y a urgence. Interrogés dans le cadre d’une enquête de l’association Soins aux professionnels de santé (SPS) (1), plus de 7 professionnels de santé sur 10 estiment que la souffrance psychologique doit faire l'objet d'une prise en charge immédiate.
Ce mal-être psychologique dépasse le niveau individuel au point d’interroger leur conscience professionnelle. Cette préoccupation est particulièrement vraie pour la pharmacie, comme le révèle l’enquête présentée hier et qui sera commentée lors d'un colloque organisé à Paris le 29 novembre*. Environ 60 % des pharmaciens interrogés (2) estiment ainsi que la qualité des soins prodigués par des professionnels en souffrance psychologique pourrait mettre en danger la vie du patient. Une préoccupation semblable est observée chez les médecins (65 %) et les infirmiers (62 %).
La solitude du libéral
Le constat de cette souffrance psychique n’est pas nouveau. En 2015, déjà, dans une première enquête (3), le SPS relevait des manifestations de burn-out et de conduites addictives chez les professionnels de santé. La moitié d'entre eux se sentait ainsi concernée par le burn-out, 13 % par des problèmes d’addiction, et 54 % par les deux.
Ces professionnels au chevet de leurs contemporains sont aujourd’hui plus décomplexés pour parler de leur propre santé. Le malaise croissant vécu par leurs homologues hospitaliers, parfois jusqu'au suicide, incite sans doute les libéraux de santé à délier leur langue. Mais ils s’avouent bien seuls pour exprimer leur désarroi. Car si les trois quarts des professionnels de santé déclarent qu’ils chercheraient de l’aide en cas de besoin, la moitié ne saurait vers qui se tourner.
En effet, la quasi-totalité des 4 019 personnes interrogées ne connaissent pas l’existence d’associations d'écoute, ni celle d’un numéro d’appel. Les pharmaciens, encore moins que les autres professionnels de santé. Ils ne sont ainsi que 4 % à disposer des contacts d'une association engagée contre la souffrance psychologique, contre 8 % des chirurgiens-dentistes et 14 % des médecins. Quant à appeler un numéro d’écoute, 2 % des pharmaciens affirment connaître cette ressource (8 % chez les médecins, 10 % chez les chirurgiens-dentistes).
Du reste, les pharmaciens sont aussi les plus réticents à faire appel en cas de détresse (69 %, contre 76 % en moyenne). Seraient-ils moins exposés que les autres professions ? Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et président du Centre national des professionnels libéraux de santé (CNPS), pense que le pharmacien d'officine dispose de ressources que n'ont pas les autres libéraux de santé. Par exemple, quand il est victime d'une agression, l'exercice en équipe lui permet de s'exprimer et d'échanger, ce qui constitue une aide précieuse.
Des pharmaciens à l'écoute des pharmaciens
Il n'en reste pas moins que les pharmaciens, soumis à de fortes pressions économiques, estiment, comme 7 professionnels de santé sur 10, ne pouvoir « s’offrir le luxe d’être en arrêt maladie ». En cas de grosses difficultés, ils ne seraient prêts à « sacrifier » que 19 jours pour se soigner, alors que les médecins se disent prêts à y consacrer 29 jours (les infirmières 36 jours). Et pour cause. Comme le souligne Philippe Gaertner, « en cas de maladie, le pharmacien ne touche pas d'indemnités journalières. À moins d'avoir souscrit un contrat d'assurance. Toutefois, il a la possibilité de se faire remplacer, une solution intéressante même si elle représente un surcoût ».
S’ils venaient à exprimer leurs difficultés auprès d’un numéro d’appel dédié aux professionnels de santé, 71 % des pharmaciens souhaiteraient en priorité une écoute psychologique doublée d’une orientation vers différents services. Dans leurs attentes, ils se distinguent finalement peu des autres professionnels de santé qui tiennent à ce que leur situation soit traitée dans un cercle restreint. Aussi ce numéro Vert devrait être géré en priorité par une association professionnelle régionale, voire nationale.
Plus de la moitié (56 %) des personnes interrogées souhaiterait une orientation vers des structures dédiées aux professionnels de santé, tandis que 72 % plébiscitent une prise en charge par des médecins généralistes, spécialistes ou des psychiatres.
Dans le cas de la mise en place d’un numéro dédié aux professionnels de santé, 58 % opteraient pour un suivi avec un psychologue, 36 % préféreraient se confier à un confrère de même spécialité. Cette tendance à accorder sa confiance à des pairs souligne en effet le souhait de 7 professionnels de santé sur 10 d'une prise en charge psychologique respectant l’anonymat.
Selon Philippe Gaertner, les solutions d'accueil proposées par le SPS (voir ci-dessous) trouvent ici tout leur intérêt. Les professionnels pourront se retrouver entre eux dans des structures dédiées. Et échanger en toute liberté sur leurs expériences propres. Loin des oreilles de leurs patients.
(1) Enquête réalisée par Stethos entre le 19 septembre et le 10 octobre 2016 auprès de 4 019 personnes appartenant à dix professions de santé : 6 % de pharmaciens, 21 % de médecins, 25 % de kinésithérapeutes, 12 % d’infirmiers…
(2) Dont 48 % de femmes, 52 % d’hommes, 85 % d’officinaux, moyenne d’âge 46 ans.
(3) « Soigner les vulnérabilités des professionnels de santé. Stress, épuisement, addictions, suicide, nécessité d'un parcours de soins dédiés », décembre 2015.
*www.colloque-vulnerabilite-pds.com
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