Le Quotidien du Pharmacien. - Les représentants de la profession ne cessent de tirer le signal d’alarme sur la dégradation de la situation financière des officines. À partir des résultats de votre dernière étude économique, quelle est votre perception de la situation ?
Philippe Becker. - Globalement, il y a un ressenti très négatif chez les pharmaciens car l’activité moyenne est en baisse. Psychologiquement, c’est difficile à vivre, même si le nombre de clients se maintient. Indiscutablement, les baisses des prix des médicaments remboursables déstabilisent le réseau. Mais il faut dire que les vraies difficultés financières sont concentrées sur quelques profils types d’officine.
De quels profils d’officines s’agit-il ?
Christian Nouvel. - Premièrement, il y a les officines qui ont été acquises à des prix trop élevés entre 2007 et 2010. Concrètement, ce sont des pharmacies qui ont été payées plus de sept fois l’excédent brut d’exploitation - avant déduction de la rémunération, plus charges sociales du ou des titulaires.
Ensuite, il y a les officines qui, soit souffrent de la désertification médicale, soit voient les médecins s’éloigner pour se regrouper dans une maison médicale. Aujourd’hui, une maison médicale sauve une officine en milieu rural, mais, bien souvent, en fait disparaître deux autres.
On doit ajouter aussi dans cette liste les officines de centre-ville qui voient arriver un acteur low cost à proximité, alors même qu’elles ont du mal à couvrir les charges fixes d’exploitation.
Et, enfin, il y a les pharmaciens qui ont acheté la mauvaise affaire !
Quel est ce dernier type d’officines ?
Philippe Becker. - Il correspond à un phénomène qui était assez diffus dans le passé, mais qui semble prendre plus d’importance aujourd’hui. Il s’agit d’officines qui, après leur achat, font apparaître immédiatement une forte baisse d’activité. On peut parler de vices cachés. Les raisons invoquées sont variées : pratiques non conformes au code la santé publique, clientèle attachée au précédent titulaire pour des raisons diverses, changement dans la commercialité locale… Mais, dans tous les cas, et en quelques mois seulement, le nouveau titulaire perd de 15 à 30 % de son chiffre d’affaires.
En général, cette baisse est mortelle ! Au mieux, il s’ensuit une procédure de sauvegarde, au pire une liquidation pure et simple.
Mais les vices cachés lors de l’achat d’une pharmacie ont toujours existé. Pourquoi les conséquences sont-elles si désastreuses aujourd’hui ?
Christian Nouvel. - Tout simplement parce que la forte progression de l’activité qui a prévalu pendant de nombreuses années gommait l’effet de la baisse des ventes due à ce type de vices cachés.
Dorénavant, les problèmes financiers ou d’exploitation ne trouvent plus de solution par la croissance ! Cette croissance n’existe plus pour la grande majorité des officines. Un des paramètres clés de l’écosystème officinal a ainsi été modifié.
En pratique, comment peut-on se protéger contre ces fameux vices cachés lors de l’achat de l’officine ?
Philippe Becker. - La profession doit admettre que l’on ne peut plus acheter une officine ou des parts de société comme on achète un kilo de pommes de terre.
Dans d’autres professions, libérales ou industrielles, les transactions qui portent sur des sommes importantes font l’objet d’un accord sur un audit préalable, et en particulier un audit du chiffre d’affaires. Ce qui, dans le jargon professionnel, s’exprime par le terme de « due diligence » ou « diligence raisonnable ». Le but est de faire en sorte que le futur acheteur accède à toutes les données qui lui permettront de s’assurer de la consistance de l’activité. Il doit pouvoir se faire aider en cela par un homme de l’art, c’est-à-dire un pharmacien expert, en plus de l’expert-comptable.
Cette procédure serait une petite révolution dans le monde officinal, mais pourquoi les vendeurs s’y refuseraient-ils si les données d’exploitation sont claires ?
Christian Nouvel. - C’est d’autant plus important que les tribunaux rechignent de plus en plus à prendre en compte les arguments des acquéreurs lorsqu’il y a un contentieux ultérieur, ce qui est bien souvent le cas. Les juges considèrent, avec une grande sévérité, qu’il appartient à l’acheteur professionnel de faire toutes les vérifications nécessaires avant l’acquisition.
Il est donc grand temps d’en tirer les conséquences en protégeant mieux les jeunes acheteurs qui sont souvent inexpérimentés sur ces questions.
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