DEPUIS janvier, les perquisitions ont cédé la place au contrôle fiscal inopiné : un vérificateur se présente à l’officine sans prévenir, en général avec un informaticien, et demande au pharmacien d’entrer ses mots de passe dans son logiciel informatique. Une copie du disque dur est également effectuée lors de cette première visite. L’objectif est de trouver un fichier suspect, qui contiendrait l’historique des recettes effacées. Pour l’administration fiscale, la présence de ce fichier signifie que le pharmacien a demandé à son éditeur un mot de passe afin d’avoir accès à un module permettant de dissimuler les encaissements. Une démarche qui, selon elle, tendrait à prouver l’existence d’une fraude fiscale. Or d’autres interventions licites du pharmacien nécessitent également l’utilisation de ce mot de passe. « Lors de cette première visite, l’administration ne peut effectuer que des constatations matérielles des éléments physiques de l’exploitation ou de l’existence et de l’état des documents comptables, poursuit Cyrille Dimey, avocat fiscaliste au sein de la SCP JOB*. Elle ne peut pas effectuer des investigations approfondies sur leur contenu. »
Lors des rendez-vous suivants, les vérificateurs s’attachent principalement à effectuer un contrôle informatique de la comptabilité. Pour cela, des traitements portant sur les fichiers sont réclamés au pharmacien, qui dispose de trois options : soit les contrôles sont réalisés sur place, à l’officine (une possibilité rarement choisie en pratique), soit le pharmacien les effectue lui-même, soit il remet les fichiers demandés à l’administration fiscale, qui s’en charge. Pour Cyrille Dimey, « la seconde option est sans doute la meilleure, car elle permet d’expliquer les éventuelles incohérences aux vérificateurs et de communiquer des informations validées. À l’inverse, si l’administration réalise elle-même les traitements, il est ensuite très difficile de faire évoluer sa position et de contester les redressements. Cependant, cette option est coûteuse, car le pharmacien doit faire appel à un analyste informatique. Dans tous les cas, les pharmaciens doivent rester attentifs au respect de leurs droits, surveiller le déroulement de la procédure et ne pas hésiter à prendre leur temps, sans se laisser impressionner ». L’officinal peut également donner un mandat à son expert-comptable pour délocaliser le contrôle chez ce dernier, plus habitué à ce genre de procédure. Les traitements informatiques vont permettre à l’administration fiscale de chiffrer le montant des éventuels redressements. « Les vérificateurs cherchent à démontrer que la comptabilité de l’officine n’est pas probante, puis à reconstituer le chiffre d’affaires manquant », détaille Cyrille Dimey. Ils vont notamment analyser les stocks afin de déceler d’éventuelles incohérences. Ils cherchent aussi des ruptures de séquentialité, des « trous » dans l’historique de facturation. « Le problème est que ces “trous” ne sont pas forcément liés à un effacement des recettes, souligne l’avocat. La mise en attente d’une facture ou un bug de l’informatique peuvent aussi en provoquer », rappelle-t-il. Pour déterminer le montant du redressement éventuel, l’administration fiscale devrait multiplier le nombre de « trous » par un montant moyen de facture. Problème : « cette méthode de reconstitution du chiffre d’affaires pourrait aboutir à des rappels très importants, dénués de toute cohérence », met en garde Cyrille Dimey.
« Les chefs de redressement et les pénalités sont calculées de la même façon dans toutes les officines contrôlées, confirme un expert-comptable. Dans le cas où une fraude avérée est mise en évidence, l’administration applique des pénalités très lourdes : 80 % sur le manque à gagner en TVA et 80 % sur le manque à gagner en impôt sur le revenu ou sur les sociétés. » Pour certains pharmaciens, les conséquences d’un tel redressement pourraient donc être fatales.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin