Le Quotidien du pharmacien.- Peut-on mesurer les coûts annuels que représente l'investissement dans l'outil informatique ?
Philippe Becker.- L’analyse n’est pas toujours aisée car les coûts liés à l'informatique, et plus globalement à ce que l’on appelle les nouvelles technologies de l’information, se cachent dans plusieurs endroits du compte de résultat d’une officine. À titre d’exemple, les frais de télétransmission sont souvent inclus dans des forfaits et il est difficile de les isoler. Ajoutons que le mode de financement des infrastructures et des logiciels est variable, certains pharmaciens achètent encore leur matériel et d’autres adoptent la location financière.
Quel est le mode de financement majoritaire ?
Christian Nouvel.- La location financière a le vent en poupe et s’impose progressivement. Elle donne de la visibilité et de la souplesse. Les officinaux comprennent que les évolutions techniques s’accélèrent et que, comme dans toutes les professions, avoir un outil informatique performant et à jour est vital. On ne peut plus gérer son stock ou ses dus clients au doigt mouillé. Il faut être capable de suivre les paramètres clés de sa gestion au jour le jour si on ne veut pas « sortir de la route ». Sans parler des nouvelles attentes des clients qui veulent communiquer avec leur pharmacien sur leur smartphone. Bref, l’époque où on pouvait tenir 5 ou 6 ans avec le même matériel et logiciel est révolue. En ce sens, la location financière qui englobe le plus souvent le « soft et le hard » permet sans doute de mieux suivre le mouvement et d’adapter l’outil plus souvent.
En lisant les chiffres tirés de votre étude, on observe que l’informatique est une charge proportionnellement plus lourde pour les petites pharmacies. Est-ce logique selon vous ?
Philippe Becker.- Nous n’avons pas été particulièrement surpris par ce résultat car, que l’on utilise trois ou dix postes, le coût de base est le même et c’est un aspect qui effectivement affecte la rentabilité des pharmacies qui ont un petit chiffre d’affaires. C’est encore une fois l'illustration d’une des causes de leurs difficultés. Au-delà de ce constat, on note que ce poste est globalement bien maîtrisé car nous n’avons pas mis en évidence de situation anormale et on peut dire qu’il y a un effet de norme, que ce soit pour la location (5 K euros/an en moyenne) ou la maintenance (4 K euros/an en moyenne).
N’est-ce pas la conséquence d’un manque de concurrence entre les fournisseurs de matériel et logiciel ?
Christian Nouvel.- En fait, dans le monde de l’informatique des petites entreprises, la dureté du marché et les montants énormes qu’il faut investir pour percer ont laminé les petits fournisseurs informatiques. Ce constat peut être fait dans tous les métiers ou professions. Le paysage officinal a vu une consolidation sur disons grosso modo quatre intervenants majeurs. Assez paradoxalement, la dure concurrence du début de l’informatique officinale a finalement eu un effet pervers en tuant les « petits » et en réduisant l’espace de choix et de négociation pour les pharmaciens.
Philippe Becker.- Il faut aussi avoir à l’esprit que les produits informatiques sont devenus très standardisés : le choix se fait sur deux ou trois types d’ordinateur. Pour les logiciels, ils doivent tous répondre à un cahier des charges dantesque qui ne laisse pas beaucoup de place à la fantaisie pour des fournisseurs qui veulent gagner un peu d’argent sur un marché de 22 000 pharmacies qui se réduit de 200 unités annuellement !
Justement, pensez-vous que les coûts liés à l’informatique vont augmenter dans les prochaines années ?
Philippe Becker.- La question est facile ! Oui, et de manière assez considérable. Les pharmaciens comme tous les chefs d’entreprise sont devenus totalement dépendants de l’informatique. Ce n’est pas une addiction car ils n’y prennent pas forcément du plaisir, c’est juste une question de survie. Une panne ou une coupure de courant et plus rien ne fonctionne. Pire, plus personne ne sait faire manuellement ! Ce serait risible si ce n’était pas grave, car notre société est devenue d’une fragilité extrême à cause de cela. C’est probablement un sujet aussi important que le réchauffement climatique. En pratique, il sera obligatoire de payer de plus en plus cher pour avoir un logiciel « magique », pouvoir être sur le « cloud », être protégé contre le cyber risque, etc. Il faudra aussi s’assurer en permanence de la solidité financière de ses fournisseurs d’informatique. En résumé, un univers radieux nous attend !
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