« OPTIMISER la fiscalité n’est pas seulement un droit mais un devoir »… Telle est souvent la devise des avocats et conseils en droit fiscal. Il est vrai qu’aussi bien en matière d’impôt sur le revenu que d’impôt sur les bénéfices, les contribuables disposent d’une marge de manœuvre importante, tant les techniques qui peuvent être utilisées pour minorer le montant de l’impôt sont nombreuses.
Mais cette optimisation est surtout possible pour les officines soumises à l’impôt sur les sociétés. Dans ces pharmacies, en outre, la déconnexion entre le bénéfice et la rémunération permet d’agir indifféremment sur l’un ou l’autre de ces deux éléments. Pour un pharmacien qui exploite une officine en nom propre ou en société de personnes (de type SNC), en revanche, la rémunération est constituée par les bénéfices réalisés et l’optimisation de la rémunération passe donc par celle de l’impôt sur les bénéfices.
. Réduire le bénéfice imposable
Pour réduire l’impôt sur le bénéfice d’une officine individuelle ou exploitée en SNC, plusieurs opérations peuvent être effectuées. Par exemple, pour les pharmaciens qui sont adhérents d’un centre de gestion agréé, le salaire du conjoint est intégralement déductible des résultats. Une prime versée en fin d’année peut donc permettre d’optimiser cette déduction, d’autant que les cotisations sociales versées sur ce salaire sont également déductibles, sans limitation. À noter toutefois que la déduction s’applique sous réserve que le conjoint ait participé effectivement à l’exploitation de l’officine.
Autre piste : la retraite. Des rachats de points à la CAVP, le versement de cotisations dans une classe plus élevée du régime complémentaire par capitalisation de cette caisse ou encore le versement de primes sur un contrat de retraite et de prévoyance Loi Madelin, peuvent également diminuer le montant du bénéfice imposable. Si ces opérations sont effectuées avant la fin de l’année, l’impôt sur le revenu du titulaire s’en trouvera diminué d’autant en 2011. Attention toutefois, ici, aux plafonds de déduction en vigueur (voir encadré).
L’épargne salariale, ensuite, constitue également un vecteur de défiscalisation. Le plan d’épargne entreprise (PEE), en effet, est un cadre fiscal qui permet aux salariés de l’officine de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières à des conditions avantageuses. Mais le pharmacien titulaire peut en profiter aussi. On peut ainsi épargner par ce biais jusqu’à 25 % de ses revenus bruts annuels, exonérés d’impôt sur le revenu et de charges sociales salariales. La rémunération complémentaire versée par l’officine sur ces versements volontaires - l’abondement - peut aller jusqu’à trois fois leur montant. Avantage : elle est entièrement déductible des résultats de l’officine et est également exonérée d’impôt et de charges sociales (sauf CSG et CRDS).
On peut penser aussi à l’intéressement et à la participation, qui permettent d’augmenter la rémunération du pharmacien tout en minorant la fiscalité de l’officine. L’intéressement peut être considéré comme un outil de rémunération supplémentaire dont le titulaire et son conjoint collaborateur ou associé, ainsi que les salariés, peuvent bénéficier. C’est un dispositif plutôt avantageux : les sommes versées peuvent représenter, par bénéficiaire, jusqu’à la moitié du plafond annuel de la Sécurité sociale (soit 17 310 euros en 2010) ; en outre, un abondement peut être versé par l’officine. Dans tous les cas, les primes d’intéressement sont exonérées d’impôt sur le revenu après une période d’indisponibilité de cinq ans, et sont exonérées de charges sociales (sauf CSG, CRDS et forfait social).
. Optimiser la fiscalité avec l’IS
En lieu et place de l’impôt sur le revenu, de très nombreuses officines sont aujourd’hui assujetties, au contraire, à l’impôt sur les sociétés (IS). Avec le développement très important des sociétés d’exercice libéral – SEL - ces dernières années, on peut même dire que l’IS est devenu l’impôt de référence pour les pharmaciens, et notamment pour ceux qui s’installent : l’immense majorité des acquisitions d’officine se fait désormais sous ce régime fiscal.
« Il est vrai que l’intérêt de l’IS se manifeste surtout au moment de l’installation du pharmacien », explique Thomas Crochet, avocat fiscaliste à Toulouse. En effet, outre le fait que les SEL, comme toutes les sociétés de capitaux, permettent de réunir des associés ou des actionnaires et donc de regrouper des moyens financiers, la technique de l’impôt sur les sociétés présente deux intérêts. Tout d’abord, elle constitue un avantage de trésorerie important. Un jeune pharmacien qui emprunte pour acquérir une officine limite ainsi la pression fiscale sur la pharmacie et ne paiera pas de cotisations sociales sur le remboursement du capital.
En cours d’exploitation, ensuite, l’IS autorise des investissements en franchise d’impôt : seules les rémunérations et les distributions de bénéfices - les dividendes - sont imposées, alors que dans une officine individuelle ou une société en nom collectif, l’ensemble du bénéfice est taxé, qu’il soit distribué ou non, réinvesti ou non. Pour certains pharmaciens, en général en deuxième installation, le régime de l’impôt sur les sociétés permet alors de dynamiser l’activité, d’accroître les performances de l’officine, de se développer, d’obtenir une meilleure rentabilité.
Par ailleurs, comme dans toutes les sociétés de capitaux, les pharmaciens exploitant et dirigeant la SEL peuvent optimiser leur rémunération de plusieurs façons. Notamment, il est possible d’arbitrer entre le salaire et les dividendes, ces derniers représentant d’ailleurs souvent une part importante des revenus. Sur le plan fiscal, les dividendes, sauf option pour le prélèvement libératoire au taux de 18 % actuellement (19 % l’an prochain), sont imposés après un abattement de 40 % et un abattement supplémentaire de 1 525 euros pour une personne seule ou 3 050 euros pour un couple soumis à une imposition commune. Ils donnent droit également à un crédit d’impôt, mais qui sera supprimé en 2011. « Ces règles font qu’un pharmacien marié n’a pas intérêt à se distribuer plus de 6 000 euros de dividendes par an, faute de quoi il serait soumis à l’impôt sur le revenu sur cette distribution, après que la société se soit acquittée de l’IS », fait valoir Thomas Crochet.
Mais, surtout, les dividendes ont perdu une partie de leur intérêt depuis que la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a décidé de les assujettir aux cotisations sociales pour les dirigeants et associés majoritaires de SEL, dès lors que ces revenus sont supérieurs à 10 % du capital. « Il est par conséquent conseillé d’augmenter le capital par incorporation des réserves pour que ces 6 000 euros soient exonérés de cotisations sociales », estime Thomas Crochet.
Les limites de l’IS.
Au royaume de l’IS, tout n’est donc pas forcément toujours rose pour les pharmaciens. Le premier inconvénient de ce régime, et qui rejaillit directement sur la fiscalité des associés, est la limitation de la déduction des intérêts d’emprunt pour celui qui souhaite acheter les parts d’une SEL soumise à cet impôt. En effet, le montant de cette déduction est limité à la part de l’emprunt qui ne dépasse pas le triple de la rémunération nette annuelle du pharmacien. Avec la valorisation actuelle des fonds d’officines, ce plafond est très vite atteint et une grande partie des intérêts d’emprunt ne peut donc pas être déduite.
En outre, le principal de l’emprunt – c’est-à-dire le capital emprunté – doit être remboursé dans le cadre d’une fiscalité personnelle qui reste globalement défavorable : pour acheter les parts d’une SEL, un pharmacien doit se verser une rémunération afin de rembourser cet emprunt, d’assurer son train de vie et de payer ses impôts. Il perd donc les avantages que lui offre normalement l’exercice de sa profession dans une société à l’IS, puisque l’ensemble des sommes prélevées pour faire face à ses obligations financières sera soumise aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu.
Autre écueil du régime de l’IS et qui influence directement, là aussi, la fiscalité du pharmacien : la cession de l’officine. Si le pharmacien était exploitant et cède ses parts (au minimum la moitié), il peut bénéficier d’une exonération sur les plus-values réalisées à cette occasion à condition qu’il fasse valoir ses droits à la retraite. En revanche, si le pharmacien n’exerçait pas dans la société, il ne bénéficiera que d’une exonération partielle en 2012 (puisqu’il faut avoir détenu les parts pendant au moins six ans depuis 2006) et d’une exonération totale en 2015 au plus tôt.
Globalement, il reste toutefois plus avantageux de céder ses parts que le fonds de l’officine, puisque la cession du fonds d’une société à l’IS est assujettie à un impôt sur la plus-value au niveau de cette société et oblige ensuite à liquider ladite société, ce qui est long et surtout coûteux sur le plan fiscal.
L’apparition des holdings dans le secteur de la pharmacie devrait résoudre en partie cette problématique de la cession et de la sortie de la SEL. Mais attention : en dégageant une capacité d’acquisition nouvelle pour les candidats à l’installation, leur arrivée risque également d’entraîner une augmentation de la valeur des parts de ces SEL…
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